Autour de moi, beaucoup d'amis s'affairent dans de multiples oeuvres et activités qui finissent par les amener à négliger leur famille, voire même leur intimité avec Dieu. Je sais que le Seigneur nous invite par deux fois à «racheter le temps» (Eph. 5.16 et Col. 4.5); mais devons-nous imiter «chrétiennement» l'activisme de notre société ou marcher, comme l'exhorte l'apôtre Paul, selon la part que Dieu nous a faite (1 Cor. 7, 17)?
Vous avez certainement raison de dénoncer un vain activisme pourvu - mais ce n'est pas votre pensée - que cela n'autorise pas la passivité, l'absence d'initiative ou le refus systématique de prendre part à une action généreuse dans la cité (Jér. 29.7).
Le sujet que nous abordons ici est important aussi mériterait-il un long développement; contentons-nous de formuler quelques remarques:
1) Quelqu'un a dit: «L'ouvrier est plus que l'oeuvre et ce que je suis a plus de valeur que ce que je fais... Le temps vécu ici-bas est davantage un temps de discipline qu'un temps accordé pour accomplir de grandes choses». C'est vrai! Si l'oeuvre était primordiale, pourquoi Jésus serait-il resté dans l'anonymat durant trente ans pour ne consacrer qu'une infime partie de sa vie à proclamer la Bonne Nouvelle? Jamais on ne l'a vu pressé, ou fébrile, ou manquer de temps. (L'expression que vous citez -«racheter le temps» - est souvent mal comprise; elle ne signifie pas tellement «mettre les bouchées doubles» mais plutôt «saisir les occasions» pour parler du Christ ou faire le bien autour de soi.)
2) Nul n'ignore que les chrétiens constituent dans notre monde une minorité, aussi Dieu ne leur demande-t-il pas d'extirper le mal de la planète, de rétablir la justice et de porter secours à toutes les détresses. Heureusement! C'est pourquoi, ne soyons pas culpabilisés si nous devons renoncer à entreprendre telle action généreuse au sein de l'église ou dans la cité.
3) Et puis, il y a telles actions d'inspiration altruiste qu'il faut laisser à d'autres, d'abord par manque de compétences, mais surtout parce qu'elles grignoteraient notre temps et nous empêcheraient de réaliser les oeuvres qui nous concernent personnellement, que «Dieu a préparées d'avance pour que nous les pratiquions» (Eph. 2.10).
4) Il faut admettre aussi qu'il y a d'inutiles activités qui nous mettent en avant sans doute, mais ne produisent en définitive que du vent, nous «sucent» et nous épuisent. Il faut les filtrer. Paul en était conscient qui déclarait: «je cours, mais non pas à l'aventure, je donne des coups de poings mais non pour battre l'air» (1 Cor. 9.26).
5) Toute activité qui me lie et m'absorbe au point de voler le temps que je devrais consacrer à mon Dieu, à ma famille, à mon église, à mon entourage et à tout travail qui se présente à moi (Ecc. 9.10) devrait être supprimée ou refusée. Il y a des tâches qui ne m'incombent pas et sont généralement accomplies avec humeur et fébrilité elles me laissent vite insatisfait et mécontent.
6) Et puis, un serviteur fait-il n'importe quoi, selon ses idées ou ses désirs? Pas du tout! il se préoccupe de savoir ce que le maître attend de lui. De même le chrétien. Soucieux de plaire à son Seigneur, il commence par «entrer dans le repos de ses oeuvres» (Héb. 4.10-11) pour chercher Sa face et lui demander avec instance de définir sa tâche et d'en préciser les contours afin qu'il soit apte à discerner ce qui est prioritaire.
L'exhortation de l'apôtre reste vraie pour chacun de nous: «Que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite, selon l'appel qu'il a reçu de Dieu» (1 Cor. 7.17).
Tel chrétien du siècle dernier, qui avait accepté de suivre ce conseil, déclarait non sans humour: «Depuis que je suis entré dans le repos de Dieu, je n'ai jamais autant travaillé de ma vie».
André Adoul
AVENEMENT octobre 1991 No 32 / P 28