L'AMOUR PRIME LA CRAINTE pour tous ceux qui dans ce livre entendent la parole de Dieu
Avec les chapitres ici proposés, nos lecteurs vont disposer du texte intégral du Deutéronome, peut-être le plus riche des livres du Pentateuque. Ils remarqueront que son style est caractérisé par la répétition infatigable de formules typiques. D'un bout à l'autre, c'est une interpellation qui exhorte, engage, conjure affectueusement. Dans sa forme, ce livre est une seule et unique prédication très condensée : c'est celle de l'adieu de Moïse à Israël, restitué par les traditions les plus diverses, historiques, culturelles et juridiques.
En voici les pensées fondamentales :
Bien que les cieux et la terre tout entière appartiennent à Dieu, il a élu plus spécialement les pères d'Israël, il les a aimés gratuitement, non qu'Israël soit un peuple important : c'est un des moins nombreux entre les peuples dont l'histoire de ce temps ait conservé la trace. La raison de son élection se trouve uniquement dans l'amour de Yahvé, qui est immotivé, comme tout amour véritable. Le lien entre l'Alliance et l'Amour est extrêmement étroit, les termes sont presque synonymes. Le bien promis, c'est l'héritage que Dieu donne à son peuple en gage de cet amour, la terre de Canaan, évoquée avec une grande profusion d'expressions bien arrosée, riche de cultures; il s'y trouve de grandes villes qu'Israël n'aura pas besoin de construire, de splendides maisons toutes prêtes. La description est celle d'une sorte de paradis terrestre. Voilà le Pays dont Yahvé prend soin et qu'il ne quitte pas des yeux. Israël y trouvera le repos et la délivrance de tous les ennemis qui l'entourent.
Là n'est pourtant pas l'essentiel de la prédication deutéronomique. Ce n'est qu'un élément tangible sur lequel s'appuient les exhortations : Parce que Yahvé vous a témoigne une si grande fidélité, parce qu'il continue à vous la témoigner, il vous appartient de l'aimer en retour et d'observer ses lois et ses ordonnances. Si l'on accepte de traduire dans un langage humain ce que Dieu « sait » et « sent » de toute éternité, on peut dire que souvent affleure aussi une certaine appréhension de voir Israël oublier rapidement les prévenances invraisemblables dont il fut l'objet. L'invitation ferme à la reconnaissance fait appel aux sentiments beaucoup plus qu'à la crainte. L'appartenance à Yahvé doit se manifester sans doute par l'observance rigoureuse et minutieuse des commandements auxquels nul n'a le droit d'ajouter ou de retrancher quoi que ce soit, mais plus encore par « le coeur ».
Ce commandement est la profession de foi d'Israël
Ainsi le Deutéronome pousse-t-il sous tous les rapports à une unification et à une simplification de la tradition qu'il intériorise. Le commandement fondamental est l'Amour qui constitue le premier et le plus grand de tous les commandements, le commandement fondamental qui devient la profession de foi d'Israël, le schéma : « Écoute Israël Yahvé, notre Dieu, est le seul Yahvé. Tu aimeras Yahvé, ton Dieu, de tout ton coeur... » (chap. 6, vers. 4). Partout dans ce livre on retrouve cet effort pour simplifier la multiplicité des expressions de la volonté de Dieu qui requièrent l'obéissance. Parce qu'elles sont toutes rapportées à cette loi d'amour, elles sont rendues aussi compréhensibles et personnelles que possible.
Pour les hommes d'aujourd'hui, comme pour ceux de jadis
Par cette révélation de la volonté divine, le rapport entre Yahvé et son peuple devient parfaitement clair. Rien ne serait plus insensé pour Israël que de remettre en question cette révélation qui est « toute proche de toi, dans ta bouche, dans ton coeur ».
Nulle part la tentative d'actualiser pour la génération contemporaine les commandements sinaïtiques ne s'est exprimée de façon plus saisissante : le mot aujourd'hui revient sans cesse. Ce mot aujourd'hui embrasse 1-e temps de Moïse et celui du lecteur du Livre dans un seul instant. Par là s'exprime le fait que l'Israël contemporain du Deutéronome est encore placé entre l'élection et le salut proprement dit, qu'il est encore « en chemin », et qu'il aura encore besoin de grands bienfaits : « Parce que vous n'êtes pas encore arrivés dans le lieu de repos et dans l'héritage que Yahvé votre Dieu vous donne » (chap. 12, vers. 9). Héritage dont les valeurs spirituelles seront acquises à tous ceux qui auront entendu la parole de Dieu.
Dom J. GOLDSTAIN
En ce temps-là, la Bible No 16 page IV.