«Catholiques, réformés, évangéliques, est-il possible d'évangéliser ensemble ? »
Telle est la question que l'on s'est posée lors d'une rencontre organisée en avril 1993 à Calvisson (Gard, France) par l'«Association des Compagnons de l'Evangile», et dont Jean-Michel Doublet a rendu compte dans « Nuance», No 36. Nous nous référons à ce compte rendu dans notre exposé.
Avant que ne fut engagé un débat, trois intervenants ont présenté leurs points de
vue: le père Fougères, chancelier de l'évêché de Nîmes, chargé des relations oecuméniques, le professeur Pierre Berthoud, doyen de la faculté libre de théologie réformée d'Aix-en-Provence et le pasteur Stéphane Lauzet, responsable de l'église évangélique libre de Nîmes. Pour le doyen P. Berthoud, il faudrait pour parvenir à une évangélisation inter-dénominationnelle un fondement doctrinal commun par l'adhésion des parties prenantes au Symbole dit des Apôtres et à la confession de foi de Nicée-Constantinople, fondés sur l'autorité de la Bible. Mais il ajoute qu'il se pose ici toute la question de l'interprétation et de l'actualisation de l'Evangile. Il pense que, sans chercher à gommer les différences, une reconnaissance réciproque au niveau des Eglises serait d'abord nécessaire.
Notre commentaire: M. P. Berthoud ne dit malheureusement rien sur la tradition qui, pour Rome, constitue avec la Bible un «unique dépôt sacré de la Parole de Dieu »1*, auquel il faut ajouter le « magistère de l'Eglise » (pape et évêques) qui a seul la charge d'interpréter de façon authentique cet amalgame contre nature2*. Les évangéliques attachés à la Parole de Dieu, seule source de révélation, ne sauraient reconnaître en la religion catholique-romaine, pas plus que dans le protestantisme libéral, pluraliste et multitudiniste, de véritables Eglises de Jésus-Christ.
Le père Bernard Fougères cite des textes d'évêques et du pape Jean-Paul II sur l'oecuménisme pour montrer que l'évangélisation est le devoir de tous les chrétiens, de chacune des Eglises et de toutes ensemble.
Notre commentaire: B. Fougères ne dit toutefois pas ce que Rome entend par « évangélisation », que « la messe dominicale nous évangélise et fait de nous des évangélisateurs» et que «L'eucharistie est bien la source et le sommet de toute l'évangélisation »3*. Comme seul un prêtre catholique a le droit et le pouvoir de célébrer la messe, l'évangélisation telle que la conçoit la papauté ne peut que viser à amener les protestants et le monde entier, si possible, dans le giron de Rome. Le pasteur Stéphane Lauzet fait remarquer qu'évangéliser, c'est répandre la bonne nouvelle que Jésus est mort pour ,nos péchés, qu'il est ressuscité et qu'il règne en Seigneur. Il souligne l'autorité de la Bible, son inspiration sans réserve qui fait d'elle l'unique règle de foi et de vie. Il pense que l'évangélisation dont il s'agit ne saurait être que l'affaire d'individus (réformés, catholiques, évangéliques) et non de systèmes. Il précise aussi que si certains évangéliques prient, étudient les Ecritures et dialoguent avec des catholiques, d'autres s'opposent rigoureusement à toute forme de coopération.
Globalement, dit-il, certaines doctrines catholiques apparaissent inacceptables: la prêtrise, la mariologie, l'infaillibilité pontificale et le sacramentalisme. Stéphane Lauzet ne voit pas pour le moment de possibilité d'évangélisation commune, mais il pense que si l'on acceptait de prendre un sérieux recul par rapport aux appareils religieux, on pourrait envisager un troisième millénaire qui ne serait ni catholique, ni réformé, ni évangélique ou autre, qui serait fait d'hommes et de femmes se retrouvant autour du Christ. Il ajoute : « Utopie, pourquoi pas? Le défi est lancé ! »
Notre commentaire : Le point de vue du pasteur Lauzet est certainement le plus pertinent des trois, même si le développement qu'il imagine en dernier lieu puisse effectivement paraître quelque peu utopique. Se retrouver «autour du Christ» nous semble être une formulation assez vague se prêtant aux plus diverses interprétations. Il ne faudrait d'autre part pas oublier que seuls des régénérés, autant que possible rassemblés bibliquement en églises, sont en mesure d'évangéliser selon l'Ecriture. Il est évidemment possible que l'on verra à la fin des temps se produire un regroupement des chrétiens-témoins authentiques face à la fusion-confusion oecuménique que la Bible appelle la grande Babylone.
Jean Hoffmann
1* Le nouveau « Catéchisme de l'Église catholique ,, (1992), paragraphe 98.
2* Idem, paragraphes 95 et 85.
3* Voir la B.N. 6/93 p. 400 sous « La messe indispensable ».
La Bonne Nouvelle 3/94
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