Des choses essentielles ou secondaires ?

 

On entend toujours à nouveau dire que si l'on veut collaborer entre églises et chrétiens de différents milieux et éviter les tensions il ne faut pas discuter sur des choses secondaires qui risquent de diviser. Mais on n'est souvent pas d'accord pour établir ce qui est effectivement secondaire. Ceux qui n'ont qu'une vue superficielle de l'enseignement biblique simplifient la question à l'extrême en considérant que l'évangélisation est l'essentiel et que tout le reste est secondaire. Encore faudrait-il bien définir ce que chacun entend par évangélisation. Il est vrai que l'apôtre Paul disait aux Corinthiens qu'il ne fallait pas discuter les opinions (Rom. 14 : 1), mais il s'agissait là de points de vue différents sur le manger de la viande ou des légumes et sur la distinction que faisaient certains entre les jours. Il existe donc sans aucun doute des choses secondaires au sujet desquelles on peut admettre plusieurs avis (Phil. 3 :15) ou convictions personnelles (Rom. 14 : 5), pour autant que cela ne porte pas préjudice à la Parole de Dieu. Le déroulement ou la forme du culte, la façon de célébrer le mariage ou autres solennités, la procédure du choix des anciens, diverses interprétations prophétiques, etc. peuvent être classés dans cette catégorie.

Mais lorsqu'il s'agit de l'inspiration et de l'inerrance des Ecritures, de la création de l'homme et de la femme, du baptême et de la cène bibliques, de la notion d'église, des rôles différents confiés à l'homme et à la femme dans l'église, etc. il ne peut plus être question de choses secondaires. Si l'on met en doute dans de tels domaines ce que dit l'Ecriture on sape son autorité, et tout enfant de Dieu qui désire être respectueux des Ecritures devrait prendre position contre de telles déviations, au risque de déplaire et d'être mis à l'index par ceux qui sont pour plus d'ouverture !

Voici, par exemple, comment on a voulu régler ce problème dans le mouvement international et interconfessionnel O. M. (Opération Mobilisation). D'après ses « Principes de coopération » (Love Europe, O. M.Suisse), on demande aux jeunes équipiers de ce mouvement de mettre de côté les différends sur les points qu'on y estime être d'importance secondaire, tels que le baptême, les dons de l'Esprit, la direction de la communauté, la place de la femme, le retour de Christ. O. M. refuse de prêter son concours à une église qui ne collabore pas avec d'autres églises à cause de ces divergences. Cela signifie, si nous avons bien compris, que pour s'engager dans une activité commune avec O. M. il faut accepter de collaborer avec des communautés pédobaptistes (qui pratiquent l'aspersion des nourrissons, comme c'est, par exemple, le cas dans les paroisses protestantes), ainsi qu'avec des milieux charismatiques et pentecôtistes, ou avec ceux qui admettent le ministère pastoral féminin... toutes choses considérées par O. M. comme secondaires. En outre, il faut s'abstenir d'influencer les convictions des autres équipiers et éviter dans les messages et les conversations les points de controverse. Ce n'est qu'au prix de telles restrictions ou limitations qu'il est possible de travailler avec O. M. c'est comme si l'on avait voulu éliminer d'avance tout candidat fermement attaché à certaines vérités bibliques gênantes pour d'autres. ce mouvement, autrefois connu pour sa position fondamentalement biblique, se serait-il élargi au point de s'engager dans une voie qui mène inexorablement dans une certaine confusion oecuménique ?

L'exclusion des questions dites secondaires permet à ce genre de mouvements de collaborer avec les charismatiques, les pentecôtistes, les adventistes, les paroisses protestantes et jusqu'aux catholiques, comme ce fut le cas dans la campagne « Mission Monde 93 » avec Billy Graham. On a déclaré qu'en dessous de 3000 participants les grands congrès sont financièrement irréalisables. Faut-il donc rogner certains principes bibliques pour obtenir les plus grands rassemblements possibles? La tendance qui prévaut aujourd'hui, c'est de retenir un minimum de points de doctrine pour pouvoir s'associer à un maximum de personnes et d'organisations, parce que l'on vise le nombre ou la quantité, plutôt que la qualité par la proclamation et l'acceptation de toute la vérité. On laisse entendre que tous les groupements et mouvements concernés ont reçu certaines vérités, que chacun possède une facette de la vérité*, ce qui revient à dire qu'il faut réunir toutes ces facettes pour posséder l'entière Vérité. En l'occurrence, ce calcul nous paraît faux, mais à ceux qui désirent réaliser une plus vaste collaboration il paraît juste et prometteur. Nous pensons toutefois qu'il faut se garder de décréter arbitrairement ce qui dans l'enseignement et la pratique apostolique est essentiel ou secondaire, et que l'Ecriture doit rester notre seul critère en la matière. Passer sous silence ce qui sépare, ou interdire de parler de ce qui chez les uns et les autres semble bibliquement insoutenable, est tout à fait contraire aux principes et à la pratique de l'apôtre qui disait : « Je vous ai annoncé tout le conseil de Dieu sans en rien cacher » (Actes 20 : 27). Retenons l'exemple des Béréens dont il est dit qu'ils examinaient chaque jour les Ecritures pour voir si ce qu'on leur disait était exact (Actes 17 : 11). Ne sacrifions pas la vérité à l'unité au nom d'une certaine - ou incertaine - notion « d'amour » en vue de rassembler le plus grand nombre possible de personnes et d'églises de toutes tendances.

J. H.

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* Selon Mike Evans, à l'époque responsable d'O. M. France. (Voir « Evangéliques, où allons-nous ? » dans la B.N. 4/88 p. 54, sous le sous-titre « A chacun une facette de la vérité ? >,).

 

La Bonne Nouvelle 5/94

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