Foi apprend à prier (la)
"Malgré les problèmes de transport entre la ville et la banlieue, les réunions de prière hebdomadaires se pratiquent encore dans cinquante-trois des quatre-vingt-douze Églises consultées. Mais la participation à ces réunions est faible, ceci même pour les plus grandes assemblées. Le taux moyen de participation se situe environ à vingt personnes" . Voici ce que dit une étude pratiquée sur un groupe d'Églises situées aux États-Unis et au Canada dans le but d'en détacher les facteurs de croissance. Je suis presque sûr qu'une telle étude sur les Églises européennes révélerait une participation encore plus faible. Qu'est-ce qui ne va pas dans nos réunions de prière? Ne croyons-nous plus à la prière ? Même les grandes Églises dynamiques doivent admettre que ces réunions n'attirent plus grand monde sinon quelques irréductibles. Et pourtant, si on nous demande si nous croyons à la prière, en particulier à la prière collective, nous répondrons par l'affirmative. Presque tous les réveils de l'Église ont débuté dans le coeur de ceux qui se sont mis à prier. Quel est donc notre problème aujourd'hui à propos de la prière ?
Après qu'il eut hébergé des anges sans le savoir et après que le Seigneur lui-même eut révélé ses plans, Abraham entra dans une période de profonde intercession pour les villes maudites de Sodome et Gomorrhe. Comment apprit-il à prier de cette manière ? La réponse à cette question n'est pas affaire de technique, mais réside dans le fait que la véritable intercession est basée sur une véritable communion avec Dieu. Nous avons tendance à faire de l'intercession la matière principale de nos prières, car nous considérons la prière comme un moyen d'obtenir pour nous-mêmes ou pour les autres ce que nous désirons. Aussi, à peine sommes-nous en présence du Seigneur que nous nous mettons à énumérer toutes nos requêtes avant de retourner à toute vitesse vers la vie réelle. Nous avons oublié que la vraie intercession dépend de notre relation avec Dieu. Personne ne peut prier pour les autres s'il n'entretient d'abord lui même une relation intime avec le Seigneur. Nous pouvons bien entendu nous livrer au rituel de l'intercession, parce qu'en tant que chrétiens nous nous y sentons obligés. Mais cela ne fait qu'aggraver nos cas. Nous transformons alors nos prières en e listes de commissions , passant d'un sujet à l'autre de façon superficielle. Cela conduit à de longues prières radotantes sans queue ni tête, qui rendent nos réunions mortellement ennuyeuses. Les jeunes ne s'y trompent pas et boudent en signe de protestation ce qu'ils considèrent comme un exercice stérile et absurde. En fait, le manque de dynamisme de nos réunions de prière devrait nous conduire à nous interroger sur la qualité de notre communion avec Dieu.
Abraham était en mesure d'intercéder pour les villes de la plaine uniquement parce qu'il venait de passer une longue période en profonde communion avec Dieu. Cette communion l'amena tout naturellement à intercéder. Il s'attardait en présence du Seigneur et celui-ci commença à lui révéler sa tristesse et sa colère à l'encontre de Sodome. Leur intimité était telle que le Seigneur lui dit: Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ?... Abraham deviendra certainement une nation grande et puissante, et en lui seront bénies toutes les nations de la terre. Car je l'ai choisi, afin qu'il ordonne à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de l'Éternel, en pratiquant la droiture et la justice, et qu'ainsi l'Éternel accomplisse en faveur d'Abraham les promesses qu'il lui a faites...(Genèse 18:17-19) L'homme qui allait devenir le père de tous les croyants devait être au courant des plans de jugement comme des plans de bénédiction de Dieu. Il devait aussi être capable de partager la tristesse divine pour ce monde déchu et apprendre à la transformer en intercession. Ainsi, à partir de la relation intime qui existait entre eux, Dieu put faire part de ses projets à Abraham et celui-ci apprit alors à prier.
Abraham ne profita pas pour autant de l'occasion pour multiplier de vaines paroles. Après que le Seigneur eut déclaré ce qu'il avait l'intention de faire, les hommes s'éloignèrent, et allèrent vers Sodome. Mais Abraham se tint encore en présence de l'Éternel (Gen.18 : 22). Il était au courant de la situation dramatique de Sodome et pourtant il continua à attendre, ne commençant à s'approcher du Seigneur dans l'intercession qu'après avoir laissé passer un certain temps. Le fait de rester silencieux devant Dieu apaise notre coeur et nous aide à rassembler nos pensées. Cela nous permet aussi de mieux prendre conscience de la personne à qui nous nous adressons. Le psalmiste, convié à venir contempler les oeuvres de l'Éternel, les ravages qu'il a opérés sur la terre , était aussi invité à s'arrêter et à savoir qu'il est Dieu (Ps. 46 : 9-11 ). Lorsque nous sommes confrontés à des événements qui auront un immense retentissement sur la vie des hommes, le meilleur moyen pour délier notre langue en intercession est de passer quelque temps silencieux devant le Seigneur. Souvent nous ne prions pas comme nous le devrions tout simplement parce que nous ne passons pas assez de temps en silence devant le Seigneur.
Le lien entre la communion avec Dieu et la prière apparaît clairement dans le Nouveau Testament. Abraham y est même appelé l'ami de Dieu, ce qui illustre bien la relation très intime qu'il entretenait avec lui. Jésus, s'adressant à ses disciples, leur dit: Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père (Jean 15:15). A cause de l'amitié qui régnait entre eux, Dieu put communiquer ses secrets à Abraham, et Jésus nous a promis qu'il en serait de même pour nous si nous restions en communion avec lui. La citation précédente a pour contexte l'enseignement de Jésus sur le cep et les sarments; il n'en existe pas de plus clair ni de plus fondamental que celui-ci sur la nécessité d'une constante communion entre le croyant et son Seigneur. Dans le même contexte et en conséquence directe, il dit encore: Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé (Jean 15;7). La promesse d'une intercession exaucée suit l'appel à une communion constante avec Dieu. L'une découle de l'autre. Plus la communion est profonde, plus l'intercession est véritable. Plus la première est superficielle, plus la deuxième est difficile. Le manque de participation à nos réunions de prière signale quelque chose de plus grave à notre attention. Après avoir dit à ses disciples qu'il les traiterait comme des amis, Jésus leur dit encore: ce n'est pas vous qui m'avez choisi; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demandez au Père en mon nom, il vous le donne (Jean 15:16). La communion constante avec Dieu conduit à une grande liberté dans la prière.
Abraham apprit aussi cette fois-là que l'intercession se base sur deux sortes d'informations. Il avait besoin d'informations sur les besoins des hommes et sur les desseins de Dieu. Les visiteurs angéliques et Abraham avaient déjà jeté les yeux vers Sodome, mais ce dernier avait besoin d'en savoir davantage pour pouvoir intercéder efficacement. Il lui fallait connaître les besoins réels des gens de Sodome et savoir que Le cri contre Sodome et Gomorrhe s'est accru, et leur péché est énorme (Gen. 18: 20). Il devait aussi prendre conscience du fait que Dieu ne pouvait tolérer cet état de fait plus longtemps et qu'il allait descendre pour voir si ce qu'ils faisaient était aussi terrible que ce qu'en disait la rumeur. Les besoins des hommes réclamaient qu'on intercède pour eux, et les plans de Dieu en indiquaient le besoin pressant. Aujourd'hui, nous avons à notre disposition des quantités d'informations sur les besoins des hommes. Abraham ne pouvait ignorer deux villes ; nous, nous avons, grâce aux journaux et à la télévision, le monde entier devant les yeux pendant le repas et des guerres prennent place dans notre salon. Notre problème consiste plutôt en un trop-plein qu'en une pénurie d'informations. Il est en effet tout aussi difficile de savoir pour quoi prier quand on est sur-informé que quand on n'a pas d'information du tout. De plus, nous finissons par nous habituer à la vue de cadavres mutilés, de rues dévastées par la guerre ou de queues interminables de gens sous-alimentés mendiant un peu de nourriture. Quant aux desseins de Dieu, notre coeur semble être imperméable à l'imminence et à l'importance du jugement qui plane sur le monde pour nous pousser à une action sans délai. Quand il s'agit de prier pour le reste du monde, nous nous contentons bien souvent d'une brève prière au cours du culte du dimanche, ou encore nous laissons cela à ceux qui " s'intéressent à tel ou tel continent" .
Abraham, l'homme de foi, transforma l'information en intercession car il connaissait son Dieu. Il ne connaissait qu'une famille à Sodome et Gomorrhe, et peut-être pensait-il tout spécialement à elle en priant, mais il partageait aussi l'intérêt de Dieu pour ce monde perdu et le transformait en prière. Aujourd'hui ce sont les militants politiques, bien plus que les chrétiens, qui ont pour le reste du monde un intérêt et une vision aux dimensions planétaires; et ils sont prêts à payer le prix qu'il faut pour arriver à leurs fins. Mais l'intérêt de Dieu pour ce monde est toujours aussi profond, et Christ appelle toujours son Église à élargir sa vision au monde entier et à la transformer en prière. Nous ne pouvons aujourd'hui justifier notre passivité, car nous avons à notre disposition toutes les informations nécessaires pour inter
Quand il commença à prier, Abraham basa sa prière sur les caractères et la justice de Dieu, plutôt que sur les besoins des hommes. Il était conscient de ceux-ci, mais son objectif principal était la gloire de Dieu. En d'autres termes, il voulait en premier lieu que Dieu soit vu tel qu'il est réellement. Le Seigneur est le juge de toute la terre et une telle personne doit être considérée comme absolument juste. Il était donc impensable que Dieu puisse détruire le juste en même temps que l'injuste. Suggérer la chose était déjà une atteinte au caractère divin. Abraham raisonna ainsi et s'exprima en conséquence dans sa prière: Faire mourir le juste avec le méchant, en sorte qu'il en soit du juste comme du méchant, loin de toi cette manière d'agir! Loin de toi! Celui qui juge toute la terre n'exercera-t-il pas la justice ? (Gen. 18: 25) Abraham s'inquiétait plus au sujet de l'intégrité du gouvernement moral de l'univers qu'au sort des hommes. Il avait en cela tout à fait raison, car un univers gouverné par une divinité capricieuse, n'obéissant à aucune règle, serait une monstruosité. La possibilité d'un univers ordonné où la morale puisse exister, dépend de la justice et de la gloire de Dieu et de son unité propre. Abraham basa sa requête sur cela. La prière qui se fonde fermement sur le caractère et la gloire de Dieu est puissante. Nous commençons trop souvent nos prières par le mauvais bout.
Nous pouvons voir aussi que, même à ce degré d'intimité avec Dieu, Abraham ne perdit jamais de vue que Dieu est et cendre devant lui. Il s'adressa au Seigneur en disant : Que le Seigneur ne s'irrite point, et je parlerai (Gen. 18: 30-32). Il avait conscience de sa petitesse face à la majesté de Dieu, et de la fragilité de sa nature devant le juge de toute la terre. Bien que nous vivions à une époque où le chemin jusqu'à Dieu soit en permanence ouvert par le Seigneur Jésus-Christ, nous devons malgré tout nous souvenir de notre position. Pierre nous rappelle: que si vous invoquez comme Père celui qui juge selon l'oeuvre de chacun, sans acception de personnes, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre pèlerinage (l Pierre 1 : 17). La familiarité qui nous permet de crier Abba Père doit être contrebalancée par le souvenir de notre position de créature devant son Créateur. L'intimité de notre communion avec Dieu ne doit pas nous faire oublier la crainte respectueuse que nous lui devons. Le royaume de Dieu n'est pas une démocratie.
Par ailleurs, Abraham alliait dans sa prière le respect avec la hardiesse. Plus il priait et plus il demandait de choses. Sa prière s'approfondissait avec le temps. Il n'y a rien de plus approfondissant pour la prière que le fait de prier. Cette prière conduit à l'assurance de l'exaucement.
Certains ont suggéré qu'en continuant à prier, il aurait pu sauver la ville tout entière seulement à cause de Lot. Cependant, lorsque nous nous souvenons que Lot, sa femme, ses filles et leurs fiancés respectifs ne font que six personnes sur les dix requises pour sauver la ville, nous comprenons mieux pourquoi Abraham ne crut pas bon de poursuivre plus avant. En fait, les deux futurs gendres de Lot méprisèrent la grâce de Dieu lorsqu'elle leur fut révélée, pensant qu'il plaisantait. Quant à nous, grâce à cette histoire, nous pouvons apprendre la nécessité et l'efficacité de la persévérance dans la prière lorsque Dieu nous révèle ses desseins. Nous ne devons pas craindre de prier, ni de demander de grandes choses à Dieu.
Voilà donc un homme qui avait appris à prier. Pourtant, il est à noter que ce passage apparaît relativement tard dans l'histoire de la vie d'Abraham. Nous pouvons être certains qu'il priait depuis longtemps déjà et que sa communion avec le Seigneur grandissait de jour en jour. Pourtant, un certain type de prière réclame une maturité que l'on mettra des années à atteindre. Une des choses merveilleuses à propos de la prière est qu'elle peut être utilisée par un jeune enfant comme par un chrétien âgé et que tous deux ont toujours beaucoup à apprendre. Nous ne saurions commencer trop tôt.
A la fin de cette histoire nous lisons : L'Éternel s'en alla, lorsqu'il eut achevé de parler à Abraham. Et Abraham retourna dans sa demeure (Gen. 18 : 33). C'est surtout Dieu qui avait parlé ce jour-là et l'homme de foi, en rentrant chez lui, se souvenait plus de Dieu que de sa propre prière. Si nos réunions de prière finissaient ainsi, nous n'aurions aucun problème de participation.
Denis Lane
Avec confiance vers l'inconnu
Europresse
pp. 102-107
(La Bonne Nouvelle 1/90)
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