Le jour du Christ va-t-il devenir le jour du christianisme?

 

On sait ou devrait savoir que les personnes considérées comme appartenant au christianisme constituent deux catégories bien distinctes : celles qui ont passé par la nouvelle naissance; et celles qui n'ont pas vécu l'expérience de la conversion et de la régénération.

Dans son célèbre entretien avec Nicodème, notre Seigneur a insisté sur cette distinction capitale d'une manière catégorique, voire quelque peu brutale pour son interlocuteur : et tout croyant fidèle est ainsi appelé à la garder à l'esprit sans défaillance.

Par ailleurs, de par un phénomène général lié à sa structure, l'être humain aspire à rendre témoignage de ses convictions non seulement individuellement, mais aussi collectivement, se regroupant à cet effet avec ceux dont les positions correspondent aux siennes.

C'est le cas sur le plan religieux comme dans le monde laïc; et c'est en harmonie avec ce fait, comme d'ailleurs avec le plan divin, que les chrétiens se groupent en associations qu'on appelle communément des Eglises.

Tout naturellement, les deux catégories énoncées tout à l'heure au sujet des individus se manifesteront sur le plan collectif. Ainsi, au sein de ce qu'on appelle des Eglises, on constatera l'existence de deux types fondamentaux de groupements : les Eglises dont les membres font profession d'avoir passé par la conversion ; et les Églises qui ne considèrent pas cette expérience spirituelle comme fondamentale, et n'en tiennent par conséquent pas compte dans leur façon de s'organiser et de fonctionner.

C'est à ces dernières qu'appartiennent de toute évidence les Églises multitudinistes du protestantisme.

C'est un fait, bien sûr, qu'on trouvera ici et là au sein des Eglises dites de professants des personnes qui n'ont pas véritablement passé par une expérience personnelle du salut. Et c'est un fait aussi qu'on trouvera au sein du multitudinisme protestant nombre de croyants qui ont vécu cette expérience. Mais il n'en demeure pas moins que, prises comme telles, les Églises dites de professants témoignent de la nécessité de la nouvelle naissance, alors que, prises comme telles, les Eglises de multitude sont l'expression d'un christianisme sans conversion.

On peut s'attendre à ce que le «Jour du Christ » prévu pour juin prochain rassemble essentiellement, en fait, des gens qui se sont laissé racheter par le sang de Jésus. Et on se laisse aller à espérer que tous ceux qui y auront une participation marquée seront des croyants ayant vécu cette réconciliation avec Dieu.

Néanmoins, c'est une grave inconséquence que d'avoir introduit cette fois-ci en cette rencontre la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, cela non à titre d'invitée, mais à titre de coorganisatrice. Cet organisme est en effet, est-il besoin de le rappeler, l'élément faîtier des Eglises multitudinistes de notre pays, et ces dernières constituent la très grande majorité des membres de l'Association en question.

En associant la Fédération des Églises protestantes à l'organisation de cette concentration évangélique, on hérite évidemment en retour, de la part du protestantisme historique, d'une reconnaissance quasi officielle du bon aloi de nos milieux. Mais appartient-il vraiment à ceux qui ont à coeur d'annoncer la portée expiatoire de la mort sur la croix de l'homme-Dieu de chercher à être reconnus par des groupements qui n'ont pas cette orientation ?

A tout prendre, j'en viens à me demander si les têtes pensantes dirigeantes de nos diverses associations évangéliques ne sont pas en passe de perdre une claire vision de l'importance des vérités bibliques essentielles, poussées qu'elles seraient par la recherche d'un rapprochement entre tout ce qui est religieux ou pour le moins appartenant au christianisme, ce qui est bien dans l'air du temps.

Il est pour moi hors de doute qu'en l'été 1996, de nombreux croyants sincères feront, sans même s'en rendre compte, un grand pas dans la direction de la triste et pernicieuse incohérence spirituelle qui caractérise de plus en plus les temps présents.

Jean-Paul Emery

La Bonne Nouvelle 3/96

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