Jadis, dans le Temple reconquis et fortifié mais jusqu'à nos jours, dans les familles juives Hanoukka la fête des lumières
C'est pour la célébration du 25e jour du mois de kisleu (novembre-décembre), solennité de la nouvelle dédicace du Temple, que les Juifs hellénistiques d'Égypte sont conviés par l'auteur du 2e Maccabées à se joindre à leurs frères de Palestine. Il s'agit là bien sûr d'une innovation, propre d'abord à ceux qui luttaient sur la terre des ancêtres; et il fallait la faire accepter par les communautés de la dispersion, dont celle d'Alexandrie était de loin la plus influente. Mais Hanoukka - c'est le nom donné à la fête - prendra finalement une importance suffisante pour que, à travers les siècles, la tradition juive lui ait conservé une grande place dans les pratiques familiales.
Après la purification de la maison de Dieu, désormais sans tache (chap. 14, vers. 36),la restauration - du sacrifice est en somme l'acte essentiel de la Hanoukka historique du 17 décembre de l'an 167 avant notre ère. Et pour donner à cet acte tout l'éclat qu'il mérite et qu'ils lui souhaitent, les Asmonéens, Judas Maccabée et les siens, tiennent à l'environner - pour autant que le permettent les circonstances - de la pompe des dédicaces du passé : celle du premier Temple sous Salomon ( 1er Rois, chap. 8, vers. 62 et suivants) et du second (Esdras, chap. 6, vers. 16 et suivants). On parlera des « soukkoth de kisleu » comme de la fête des Tabernacles, « soukkoth de tisri ». Une telle assimilation doit donner aux Juifs d'Égypte une haute idée de la nouvelle institution. Placée en hiver, Hanoukka enfin va combler une sorte de lacune : chaque saison aura ainsi « sa fête » puisqu'on célèbre déjà Pâques au printemps, la Pentecôte aux approches de l'été, et les Tabernacles en automne.
Le désir de hisser cette solennité issue de la « résistance » au même rang que les trois grandes fêtes mosaïques traditionnelles expliquerait l' « octave » qui la prolonge, ainsi que l'usage du chant du « Hallel » (celui des psaumes 112-117 - 113 à 118 de l'ordre hébreu), marquant toutes les grandes fêtes. Le psaume 117 de la Vulgate est tellement adapté à la cérémonie de l'inauguration du Temple qu'on a tout lieu de penser qu'il a servi au jour de la première Hanoukka.
La cérémonie fut donc célébrée « comme pour les Tabernacles » (2- Maccabées, chap. 10, vers. 6 et suivants), non que les participants demeurèrent aussi sous des huttes de feuillages, car en hiver ce rite n'aurait guère eu de signification, mais parce qu'on utilisa également des branches de palmiers. Ces rameaux de la dédicace sont portés non seulement en signe de joie et de victoire : « un grand ennemi a été jeté hors d'Israël », mais encore pour rappeler aux participants le temps où les partisans de Judas vivaient comme des bêtes sauvages sur les montagnes et dans les cavernes.
Ils n'avaient pas alors le bonheur de célébrer la fête des Tabernacles, et Hanoukka est une sorte de compensation des « soukkoth » manquées (2e Maccabées, chap. 10, vers. 6)
C'est là, évidemment, une interprétation un peu inattendue et apparemment forcée qui souligne en tout cas le dessein de l'auteur d'apparenter Tabernacles et Dédicace. A vrai dire il ne semble pas que cette fête ait été jamais mise vraiment sur pied d'égalité avec les trois fêtes majeures. Dans le judaïsme actuel, la fête de Hanoukka ne figure en fait que parmi celles qu'on appelle les « demi-fêtes », bien qu'elle dure effectivement huit jours et soit appréciée des fidèles.
L'historien Josèphe donne des indications précieuses sur l'évolution de la tradition à ce sujet. Paraphrasant quelque peu le récit biblique, et après avoir décrit le nettoyage du Temple, la réorganisation du mobilier et la construction du nouvel autel, il ajoute :
« Depuis ce temps jusqu'aujourd'hui, nous célébrons cette fête, que nous appelons fête des lumières, d'un nom, je pense, qui lui fut donné parce que cette nouvelle liberté du culte avait lui, pour nous, d'une manière inespérée » (Antiquités, XII, 7, 6).
Une coutume déjà obligatoire avant la ruine du sanctuaire
Comme C'est souvent le cas chez cet historien juif du 1er siècle de notre ère, l'interprétation demeure surtout valable sur le plan spirituel. Mais le nom qu'il donne à cette célébration se justifie aussi sur le plan matériel et historique.
Il révèle un rite important d'illumination. Hanoukka devient le temps des luminaires. La coutume est tenue pour obligatoire dès avant la ruine du sanctuaire; elle préserva la fête de la disparition dont elle aurait pu être menacée avec la ruine du Temple. Les sacrifices ayant cessé, l'illumination devint le rite marquant de la solennité. Un texte rabbinique n'hésite pas à dire : « Le sacrifice n'était valable qu'au temps du Temple, mais les lumières de Hanoukka demeurent éternellement. » Le judaïsme tardif a surtout retenu cette idée. La restitution du Temple au culte du vrai Dieu n'avait-elle pas permis de réanimer le luminaire sacré, le chandelier à sept branches?
Par ailleurs, le deuxième livre des Maccabées insiste longuement sur la conservation miraculeuse du feu sacré durant la période qui va de la ruine du premier Temple jusqu'à la construction du second (chap. 1, vers. 19 et suivants), et introduit le thème de la purification à partir de ce « liquide-feu-purificateur » que Néhémie aurait appelé « Nephtar ». Ainsi le thème du feu et de la lumière était-il inscrit d'une certaine manière au frontispice de l'ouvrage. Il est d'ailleurs vraisemblable aussi que la fête de la Dédicace donna lieu à des illuminations permettant d'en poursuivre le déroulement, la nuit tombée.
Toujours est-il que Hanoukka est bien restée « la fête des lumières ».
Le « chandelier à huit branches»
Un chandelier spécial est même utilisé lors de sa célébration.
L'école de Hillel décide que les lampes ou bougies seraient allumées graduellement : une chaque soir, jusqu'à ce qu'on ait atteint le total de huit. La cérémonie de l'allumage durant les huit jours de la célébration rappelle donc l'embrasement du chandelier sacré, et les illuminations générales de la première fête. Mais le thème de la lumière avec son symbolisme multiple ne pouvait manquer d'imprégner la solennité d'un éclat tout particulier.
Voici comment est présenté ce thème dans l'Édition abrégée du « Shoul'han Arouk », guide pratique du judaïsme contemporain : la fête de Hanoukka est celle des lumières. La lumière est le symbole de l'esprit (Proverbes, chap. 20, vers. 27). L'entreprise d'Antiochus fut un attentat contre l'esprit de Dieu et contre l'esprit de la Tora, lumière et âme d'Israël. Nos ancêtres auraient pu éviter cette lutte gigantesque en abjurant et en trahissant. A leurs yeux une vie sans Tora n'avait plus de valeur...
Leur bravoure a montré que l'esprit de la Tora ne se laisse pas supprimer. L'esprit de Dieu a allumé en eux l'esprit du sacrifice..., la flamme de l'enthousiasme, la volonté de vaincre...
Il est question, dans l'Évangile de saint Jean (chap. 10, vers. 22-30), de la fête de Hanoukka. Le texte précise que c'est bien en hiver.
Jésus est monté à Jérusalem à cette occasion. Les paroles qu'il prononce alors tendent peut-être à établir une fois encore le parallèle entre sa personne et le Temple, qu'il a déjà évoqué : il est « celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde ». Or Hanoukka est justement l'anniversaire liturgique de la « sanctification » du Temple.
Ainsi l'évangéliste qui met le Christ en relation avec les grandes fêtes de l'année liturgique juive : Pâque (chap. 6, vers. 4), sans doute la Pentecôte (chap. 5, vers. 1 ) et la fête des Tabernacles (chap. 7, vers. 2), n'omet pas de le relier aussi à celle de la Dédicace, suggérant à chaque fois qu'il apporte la plénitude du mystère signifié.
En ce temps-là, la Bible No 4 1 pages II-III.