Les étiquettes 1 Corinthiens 1 : 13
On entend parfois dire qu'il faudrait supprimer toutes les « étiquettes » confessionnelles et certains voient une oeuvre du Saint-Esprit dans le fait qu'ici et là des chrétiens de plusieurs dénominations se rencontrent «en laissant leurs étiquettes au vestiaire »... pour les reprendre à la sortie!
C'est qu'en réalité on ne se débarrasse pas si facilement de son étiquette. Parfois même on vous en colle une sans que vous l'ayez demandée! Dans certains congrès les participants sont munis d'office d'un « badge » (insigne) avec la mention de leurs noms, langue, origine, fonction et dénomination afin de faciliter les contacts. L'étiquette peut donc répondre à un besoin, elle exprime un fait, elle renseigne et elle permet d'éviter les confusions, tout comme elle rend service dans le commerce quand elle fait connaître la marque, la qualité, le poids et le prix d'une marchandise. L'étiquette que portent les chrétiens indique leur position ecclésiastique dans un monde religieux qui est ce qu'il est, c'est-à-dire multiconfessionnel ou pluraliste.
Sous prétexte de ne pas vouloir porter d'étiquette certains se déclarent tout simplement «chrétiens» ou «enfants de Dieu », alors qu'ils se rattachent quand même à tel groupement ou à telle assemblée, à moins qu'ils ne soient « partoutistes», butinant en tous lieux et ne s'engageant nulle part. Qu'on ne nous oblige pas à deviner la couleur de notre interlocuteur, nous exposant au risque de fâcheuses méprises. Clarté et honnêteté facilitent les rapports entre chrétiens, comme de façon générale entre tous les hommes.
À l'origine il ne fut question que de l'« Eglise». Il n'y en avait qu'une en un seul endroit. Mais des Actes 8 : 1 on précise « l'Eglise de Jérusalem» parce que la dispersion avait commencé et d'autres églises allaient voir le jour en d'autres lieux. On ajouta alors des indications géographiques (les églises de Galatie, Galates 1:2). On précisa même qu'il s'agissait de «l'église de Dieu» (1Cor. 1:2), puisqu'il y avait des «églises» d'une autre nature, vu que le terme en cause (ecclésia = assemblée) était alors d'un usage courant dans le monde et pouvait aussi bien désigner une assemblée politique (Actes 19 : 32, 39 et 40). Et quand l'indication de la localité ne suffisait plus, on spécifiait « l'église qui est dans la maison » d'un tel (Rom. 16 : 5 ; 1 Cor. 1 6 : 1 9 ; Col. 4: 15; Phil. 2), ce qui liait déjà le nom d'une église à celui d'un homme.
N'oublions pas non plus que «chrétiens» est une étiquette et ce fut à Antioche que pour la première fois on appela ainsi les disciples de Jésus (Actes 11:26). Eux-mêmes se disaient plutôt « frères », « saints » ou « croyants ». Ce sont donc les autres qui leur donnèrent ce surnom qui devait leur rester et qui devint par la suite l'appellation la plus universellement admise.
Pour les distinguer des juifs, on nomma aussi les premiers chrétiens des adeptes de la « Voie » (Actes 9 : 2 ; 1 9 : 9) appelée une secte (littéralement : une hérésie) et plus précisément la « secte des Nazaréens » (Actes 24 : 5 et 14). Donner un surnom ou un sobriquet était alors chose courante. C'est ainsi qu'on ajouta au nom de Jean, fils de Zacharie et d'Elisabeth, l'épithète « baptiste» (= plongeur) parce qu'il s'était fait remarquer par l'immersion qu'il pratiquait dans le Jourdain. On pouvait ainsi mieux le distinguer des autres Jean. Nous constatons donc qu'en ce temps déjà on se servait volontiers d'étiquettes et cela permettait d'éviter la confusion et d'être plus précis dans la désignation des personnes ou des collectivités.
Il est vrai, hélas! que les étiquettes font aussi apparaître très tôt des divisions entre les chrétiens. On sait qu'à Corinthe les uns se disaient de Paul, d'autres d'Apollos, de Céphas ou de Christ (1 Cor. 1 : 12) et que Paul qualifiait cet esprit partisan d'humain et de charnel (1 Cor. 3 : 3-4). Le plus grave n'était pas l'affichage des étiquettes, mais plutôt la triste réalité que ces étiquettes recouvraient. Supprimer ces divers noms n'aurait pas guéri les Corinthiens de leur mal. Mais aussi longtemps que l'étiquette exprime une réalité, elle constitue une façon honnête de se présenter et si un nom seul ne suffit plus, pourquoi ne pas faire usage d'un prénom ou même accepter un surnom pour mieux se définir à côté d'autres?
Laisser les étiquettes au vestiaire n'est certainement pas la meilleure façon de s'en débarrasser. La garde-robe est destinée à restituer les objets qui lui ont été momentanément confiés. Au fond, l'étiquette n'est pas déterminante. Que servirait-il de la changer, si la marchandise restait la même? On tromperait l'acheteur sans changer la nature des choses. Il y a des chasseurs d'étiquettes, des faiseurs d'unité au rabais, qui sans tenir compte de la réalité de l'imbroglio religieux, voudraient placer tout le monde sous un dénominateur commun. Laisser les étiquettes au vestiaire ne serait qu'un bluff, si au fond de soi-même chacun désirait rester sur ses positions en ne cherchant qu'à camoufler sa vraie identité.
Ne faisons pas la guerre aux étiquettes, nous y perdrions notre temps. Il faudrait plutôt réexaminer ce qu'elles recouvrent et demander à ceux qui sont pour leur suppression s'ils sont disposés à se soumettre à la Parole de Dieu. D'où viennent donc ces étiquettes de calvinistes, de luthériens, de catholiques romains, de catholiques chrétiens (vieux catholiques), de méthodistes, de salutistes, de darbystes, de pentecôtistes, de charismatiques, de mennonites, d'anabaptistes, de baptistes, etc. ? Certaines vérités ont été oubliées par les uns, redécouvertes par d'autres, parfois trop accentuées ou déformées. Tel fondateur, ou réformateur, ou chef de file religieux a exercé une influence prépondérante et sa personnalité a parfois profondément marqué son oeuvre ou ses adeptes. Mais la plupart de ces étiquettes n'ont pas été choisies par ceux qui les portent. Ce sont souvent leurs ennemis ou détracteurs qui les ont ainsi appelés. Nous nous demandons toutefois si les héritiers de ces hommes et de leurs enseignements sont prêts à examiner toutes choses et à ne retenir que ce qui est bon, c'est-à-dire conforme aux Écritures. C'est par là qu'il faudrait commencer pour prouver sa sincérité. En s'attaquant à la racine du mal on parviendrait à en supprimer les effets et les étiquettes tomberaient d'elles-mêmes, parce qu'elles perdraient leur raison d'être.
Jean Hoffmann
La Bonne Nouvelle 3/96
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