Dans le sermon sur la montagne, je trouve une parole de Jésus qui me parait illogique. La voici: «Ne ressemblez pas aux païens qui prient en multipliant de vaines paroles (...) car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le Lui demandiez» (Mat. 6, 7-8). Alors je m'interroge: est-il vraiment nécessaire de prier, de demander à Dieu quoi que ce soit puisqu'Il sait, à l'avance, ce dont nous avons besoin? Ne serait-ce pas douter ou se moquer de Dieu que de Lui rappeler nos besoins? Ne devrions-nous pas nous borner à attendre qu'Il y pourvoit ?
La déclaration de Jésus parait en effet étrange et à même de susciter vos questions et même bien d'autres telles que celle-ci: «la Bible dit que Dieu est au courant de tout pourtant, je dois Lui rappeler ce qui m'est indispensable. C'est donc qu'Il ignore mes besoins malgré l'affirmation biblique ... »
Certainement pas!
Le Dieu «qui sait tout» désire vivement que nous le priions et formulions nos requêtes. C'est pourquoi, sans hésitation aucune, nous devrions Lui faire connaître nos besoins et cela pour quatre raisons au moins:
1) D'abord parce que telle est Sa volonté. Notez l'emploi de l'impératif dans cette déclaration de Paul: «Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose, faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâce» (Phil. 4, 6). Voilà qui est clair et devrait nous Ôter tout scrupule à Lui exposer nos besoins. Dieu n'en sera ni outré, ni irrité.
2) Et puis, demander est nécessaire si nous voulons obtenir quelque chose de Lui. L'apôtre Jacques nous le rappelle sans ambages: «Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas» (Ja. 4, 2). Soyons donc simples comme l'enfant qui ne craint pas de s'adresser à son père, lequel n'ignore certainement pas ce qui lui est nécessaire.
3) Quand malgré nos demandes réitérées la réponse se fait attendre, Dieu nous oblige en quelque sorte à réfléchir sur la raison de son silence. Il veut nous amener à discerner le désir inutile, fruit de l'envie du réel besoin. La divine Providence a en effet promis de satisfaire nos besoins et non pas nos caprices.
4) Peut-être sommes-nous tentés de trouver notre Seigneur un brin compliqué, en tout cas surprenant. Puisqu'Il sait «de quoi nous avons besoin», pourquoi tient-Il à ce que nous venions vers Lui avec insistance et supplication pour obtenir ce qui nous fait défaut? En vérité, le Dieu sage a Ses raisons. Nos multiples occupations, nos familles, les soucis d'ordre matériel... tout cela nous absorbe tellement que nous n'accordons plus à notre Seigneur qu'une place fort réduite dans nos pensées, dans nos prières et notre vie de tous les jours. Soyons assez honnêtes pour le reconnaître. Dieu, qui veut être servi «en tout premier», est bien négligé, lui qui désire tant notre amitié. Notre présence Le réjouit toujours, Il la réclame ardemment alors que nous nous tenons loin de Lui. Aussi, nos multiples besoins serviront-ils à nous ramener vers Lui, à l'assiéger même par d'instantes supplications et qui sait?- à le chercher avec plus de détermination. S'il décide de tarder à répondre, n'est-ce pas justement pour que nous recherchions sa face ou parce qu'il sait ce qui est le mieux pour nous? C'est à n'en point douter pour éviter aux hommes de devenir des consommateurs de sa bonté.
Reconnaissons donc notre ingratitude, avouons notre impiété peut-être. Cultivons Son amitié. Nous serons ainsi agréables au Père et notre vie en sera enrichie. Il nous attend.
Dieu! Donne-moi envie d'être près de Toi. Tu es un Dieu incomparable.
André Adoul
AVENEMENT Février 1995 No 80