Un ouvrage sur le pardon rapporte l'histoire d'une chrétienne qui avait été calomniée par des personnes influentes de son Église. Ces critiques avaient totalement ruiné sa vie spirituelle, et sa haine et son découragement la conduisirent à s'adonner à la boisson. Elle avait le désir de pardonner, mais, affirme l'auteur, "elle persistait dans une grave erreur: elle pensait que le pardon ne pouvait être accordé qu'à la condition que l'offenseur vienne s'humilier et reconnaître ses fautes". Mais aucun de ses calomniateurs ne vint!
"Finalement, sur le conseil avisé de quelques amis, elle prit une carte de la ville et commença à bénir chaque personne qui s'était dressée contre elle. Et c'est en bénissant ceux qui l'avaient maudite qu'elle retrouva sa liberté."
On ne vint jamais lui demander pardon. Cette femme n'avoua pas non plus avoir pardonné afin que personne ne se sente gêné , Et à présent, l'Église l'entoure de son affection.
Cet exemple illustre combien l'offense est grave car elle est un scandale : à cause d'elle, durant sept années, cette femme a souffert d'une blessure qui l'a fait tomber. Mais il montre aussi combien Dieu est fidèle: dans sa grâce, il est venu chercher et panser, tel un berger, la brebis qui s'était égarée. Cette enfant de Dieu a compris qu'elle devait remettre ses griefs au Seigneur, le seul Juge. Elle a cherché à lui ressembler en voulant pardonner et en priant pour le bien de ceux qui l'avaient calomniée. Alors, petit à petit, sa haine s'est tue et elle a pu aimer ceux qui l'avaient méprisée.
Mais l'événement du pardon a-t-il eu lieu ? La dette , la calomnie, a-t-elle été enlevée, remise? Ne s'est-on pas contenté de ne plus en parler ? Cette croyante a confondu la dette et sa blessure. Elle a soigné cette dernière, mais les torts objectifs n'ont jamais été traités à cause d'une conception du pardon sans repentance. Certes, c'est une erreur de justifier le ressentiment par l'absence de repentance; mais cela en est une autre de pardonner sans repentir. Une telle attitude est en effet une caution au mal et un manque d'amour qui encouragent la confusion: cette chrétienne et ses calomniateurs ne fréquentent-ils pas la même Église?
L'exigence biblique
Selon l'Écriture, Dieu exige notre repentance pour nous pardonner. Par ces mots, elle désigne une répudiation de la vie sans Dieu et un changement d'optique et de conduite.
En Jérémie 36 : 3, le Seigneur exprime son espoir de voir les Israélites revenir de leurs mauvaises voies à l'écoute des menaces de jugement que le prophète doit consigner par écrit: Alors , dit Dieu, "je pardonnerai leur faute et leur péché." Le désir du Seigneur, "ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive" (Ezéch. 33:11). Jean-Baptiste prêchait le baptême de repentance pour le pardon des péchés , (Marc 1 : 4) et Pierre a suivi son exemple. Après sa prédication lors de la Pentecôte, plusieurs de ses auditeurs eurent le coeur vivement touché et lui demandèrent que faire (Actes 2.' 37). Pierre leur répondit : "Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit" (v.38). Jésus déclarait à ceux qui l'écoutaient: "Si vous ne vous repentez pas, vous périrez" (Luc 13: 5). Et Jean enseigne qu'il faut confesser ses péchés à Dieu, expression concrète de la repentance, pour trouver le pardon (I Jean 1 : 9). Le modèle divin du pardon inclut la nécessité de la repentance. La Parole de Dieu serait-elle moins exigeante en ce qui concerne notre pardon ?
Nulle part l'Écriture ne prévoit de pardon accordé sans la repentance du fautif." Bien au contraire ! Elle enseigne explicitement: "Si ton frère a péché, reprends-le, et, s'il se repent, pardonne-lui" (Luc 17:3).
"Si Bonhoeffer nous a mis en garde contre l'idée de 'grâce à bon marché', il faut aussi dénoncer la paix à bon marché. Affirmer que la paix est établie lorsque ce n'est pas le cas, c'est faire oeuvre de faux prophète. Nous connaissons tous des situations où la paix n'a pu être reconquise qu'au prix de la souffrance. Et lorsque nous sommes nous-mêmes impliqués dans un conflit, présenter des excuses à la personne que nous avons blessée ou reprendre celle qui nous a fait du tort n'est jamais facile. Il y a même des situations dans lesquelles il faut refuser le pardon à une personne jusqu'à ce qu'elle se repente. la vraie paix et le vrai pardon sont des trésors qui coûtent. Et c'est seulement lorsque nous nous repentons que Dieu pardonne. Jésus nous a dit de faire de même: "si ton frère vient à t'offenser, reprends-le, et s'il se repent, pardonne-lui". Comment pouvons-nous pardonner une offense si celui qui l'a commise n'en vient ni à la reconnaître ni à la regretter ?"
Une question se pose bien sûr: pourquoi Dieu demande-t-il cette repentance? Et pourquoi devons-nous suivre son exemple? Ce n'est certes pas pour voir notre offenseur se rouler dans la poussière à nos pieds et pour nous délecter de son humiliation servile! Car cette forme de pénitence n'est pas la repentance. L'Écriture exige le repentir pour le bien de l'offensé, è cause de l'offense et par amour pour l'offenseur.
Les raisons de l'exigence
1. Pour le bien de l'offensé . Pardonner sans exiger la repentance, c'est donner raison à l'offenseur et tort à l'offensé, de manière implicite en tout cas. La repentance face à Dieu, c'est premièrement reconnaître que le Seigneur, c'est lui et non pas nous. C'est accepter que sa façon de voir est la bonne, et non la nôtre. C'est avouer s'être trompé.
L'offense renverse l'ordre, la repentance le rétablit. Voyez le contre-exemple donné plus haut. La calomnie a dénigré la chrétienne, la repentance de ses calomniateurs l'aurait justifié Mais celle-ci n'a pas eu lieu et le mensonge sur cette personne demeure telle une vérité.
2. A cause de l'offense. Pardonner sans exiger de repentance, c'est cautionner le mal, involontairement en tout cas. On donne ainsi l'impression que l'on peut s'endetter sans jamais payer. Les conséquences sont sérieuses. Et d'abord celui qui trouvera plus généreux le pardon sans repentance sera tenté de l'attribuer à Dieu; il glissera facilement vers la dangereuse illusion que Dieu pardonnera pour finir à tous, même impénitents endurcis. Contre sa Parole.
3. Par amour pour l'offenseur. Pardonner sans exiger de repentance peut donner l'apparence de la grâce. L'amour semble déborder. Mais, en réalité, c'est manquer de compassion: la repentance de l'offenseur serait sa délivrance, car son péché lui fait d'abord du mal à lui-même; l'amour le plus profond doit chercher de toutes ses forces ce bien de l'autre, ' écho du salut que Dieu nous offre. Ce sont ceux qui exigent la repentance de leur offenseur au nom de leur orgueil blessé qui en dénaturent le sens. Elle devient un instrument de vengeance entre leurs mains. Seule la compassion peut inspirer une juste démarche du pardon.
Jacques Buchhold
(Extrait autorisé de "Le Pardon et l'Oubli" Éditions Sator, pp. 118-122)
La Bonne Nouvelle 3/90
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