SAINTETE et / ou UNITE ?

 

Dans notre vision cartésienne du monde, « sainteté » et « unité » ne semblent vraiment pas faits pour s'accorder. L'un sépare, l'autre rassemble. En effet, dictionnaire en main, « saint » ou « sacré » est défini comme « ce qui appartient au domaine séparé », alors qu' « unité », c'est « le caractère de ce qui est considéré comme faisant un tout ».

Si, de nos jours le premier fait vieillot, démodé, inspirant les sourires moqueurs de ceux qui s'estiment libres parce que pouvant se laisser porter par leur propre passion, le second par contre est dans le vent.

Qui n'a pas entendu parler d' « oecuménisme », mot rébarbatif mais combien séduisant de ce mouvement tendant à regrouper toutes les religions autour d'une pensée commune. Il emboîte le pas à la « mondialisation », qui, sur le terrain politique, poursuit le même but. Et pour tenter de séduire ceux qui, malgré tout, s'interrogent, désirant obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes, l'Église Catholique ayant pris les rênes de ce mouvement fait valoir ce qui nous est rapporté au chapitre 17 de l'Évangile selon Jean des dernières paroles que Jésus, s'avançant vers la croix, adressait à son Père.

Aussi c'est pour donner un aperçu de la façon merveilleuse dont, dans la Bible, Parole de Dieu, ces mots, loin de s'opposer s'accordent qu'il nous a semblé intéressant de transcrire quelques extraits d'un petit message qui, en ce début d'année, a été partagé par Marcel JOUVE avec quelques uns de ses frères et soeurs dans la foi.


Ce début d'année 2001 a été marqué au fer par le « Dominus Iesus », déclaration officielle de l'Église Catholique romaine sur « l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus-Christ et de l'Eglise », l'Église Catholique romaine se déclarant être la seule et unique Église de Jésus-Christ. Peut-on, dans ces conditions, parler d'oecuménisme ? Quelle image déplorable est donnée de notre grand Dieu Sauveur!

Alors, que signifie cette prière de Jésus à son Père, sur laquelle s'appuient les partisans de l'oecuménisme :

« Qu'ils soient un comme nous ...

(et nous soulignons ces deux mots qui, quand ce texte est cité, sont souvent omis ! - N.D.L.R.)

... afin que le monde croie que tu m'as envoyé ». (Ev. selon Jean, ch. 17, v. 22)

 

Soulignons, tout d'abord que c'est une erreur de considérer ce passage comme un texte exclusivement oecuménique, centré sur l'unité chrétienne. Ce qu'exprime alors le Seigneur va bien au delà.

Il convient d'ailleurs de s'arrêter avant d'aller plus loin dans ces remarques, soulignant que cette prière de Jésus, appelée couramment « prière sacerdotale », nous permet de pénétrer dans le lieu très saint de Sa communion avec Dieu, Son Père, nous faisant entrer dans Ses pensées et dans Son coeur.

« Dieu nous accorde la grâce en quelque sorte d'écouter à la porte pendant que son Fils communie avec Lui » (J. Stott)

 

Jésus devant qui se dresse la Croix, prie d'abord pour Lui-même (versets 1 à 5) ; puis Il intercède pour les apôtres qui L'ont suivi tout au long de son ministère terrestre et qui sont groupés autour de Lui pendant qu'Il prie (versets 6 à 19) ; enfin Il plaide en faveur de tous ceux qui croyant en Lui grâce à la prédication des apôtres formeront son Église (versets 20 à 26).

Examinons ce qui, dans cette prière, concerne les disciples, ceux que le Père Lui avait donnés pour Le suivre sur les chemins de la Galilée et ceux qui, jusqu'à son retour formeront l'Église pour laquelle Il se donnait Lui-même (versets 6 à 26).

 

Ces versets énoncent trois vérités :

1 - Les disciples appartiennent au Christ : A quatre reprises (versets 6, 9, 12 et 24) Jésus souligne que le Père les Lui a donnés :

« Père, je veux que là où je suis ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi. » (v.24)

 

2 - Ils connaissent le Père :

« J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu m'as donnés. » (v. 6)

« Je leur ai donné les paroles que tu m'as données. » (v. 8)

« Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée. » (v. 2 2)

« Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître. » (v.26)

 

3 - Ils vivent dans le monde :

« Ils sont dans le monde. » (v. 11)

« Je les ai envoyés dans le monde. » (v. 18)

 

Tout en ayant été « du milieu du monde » (verset 6), tout en « n'étant plus du monde » (verset 14), ils demeurent néanmoins dans le monde comme représentants ou ambassadeurs de Christ.

 

Jésus rappelle ainsi trois éléments qui caractérisent les siens depuis les apôtres jusqu'à nous aujourd'hui qui constituons son Eglise : le Père nous a donnés au Fils, le Fils nous a révélé le Père et nous vivons dans le monde. C'est cette triple orientation (vers le Père, vers le Fils, vers le monde) qui fait de nous le peuple saint, c'est-à-dire distinct, chargé de la mission unique de faire connaître au monde Celui que nous connaissons et à qui nous appartenons.

Que demande Jésus dans sa prière en faveur des siens ?

« Père saint, garde-les en ton nom... je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal. » (v.11 et 15)

Il intercède pour que nous restions attachés à ce que nous sommes vraiment : un peuple qui connaît Dieu, qui appartient à Jésus-Christ et qui vit dans le monde.

John Stott dans son livre « Chrétien à l'aube du XXIème siècle » considère que Jésus prie pour que les siens se caractérisent par quatre vertus: la vérité, la sainteté, l'esprit missionnaire et l'unité.

 

1 - LA VÉRITÉ : (versets 11 à 13)

« Je leur ai donné les paroles que tu m'as données. » (v. 8)

Garde-les en ton nom, demande Jésus. Le nom de Dieu , Yahvé, « Je suis celui qui suis » révélé à Moïse, le Dieu Éternel; le nom de Dieu, c'est Dieu en personne, son identité, son être et ses attributs; c'est tout cela que Jésus a révélé aux siens. Durant son ministère terrestre, Jésus les a gardés dans ce nom. C'est pourquoi, au moment où Il va les quitter, Il demande au Père de les garder dans la loyauté au nom qu'Il leur a révélé « afin qu'ils soient un comme nous » ; c'est-à-dire que le principal facteur de leur unité soit leur loyauté, leur fidélité à la vérité de Dieu révélée dans et par le Christ. La première préoccupation de Jésus, exprimée dans sa prière, est donc que son Église se maintienne dans la vérité et que l'unité des chrétiens soit fondée sur leur foi commune en elle. Tant que l'Église ne sera pas renouvelée dans sa foi, dans son attachement à la vérité de Dieu en Jésus-Christ et dans le témoignage que toute la Bible lui rend, il est inutile d'espérer d'unité véritable.

 

2 - LA SAINTETÉ : (versets 14 à 16)

« Sanctifie-les par ta vérité : ta parole est la vérité. » (v. 17)

Jésus a également demandé au Père de garder les siens du mal ou du malin (verset 15) ; Il voulait qu'ils soient d'un côté préservés de l'erreur et maintenus dans la vérité, et de l'autre à l'abri du mal et enracinés dans la sainteté. Mais qu'entend-on par « sainteté » ?

Deux extrêmes sont à éviter dans lesquels, hélas ! l'Église a eu et a toujours tendance à tomber : par son désir de se préserver elle-même des souillures du monde, elle s'en est détachée et a perdu le contact avec lui. Et, au contraire, dans son souci de ne pas perdre le contact avec le monde, elle s'est conformée à lui au point de ne plus pouvoir l'en distinguer. Jésus rejette ces deux positions extrêmes et nous appelle à vivre dans le monde (verset 11, sans être du monde, verset 14), tout comme Lui. Nous n'appartenons plus au monde et nous n'avons pas à l'imiter; l'Église est appelée hors du monde, elle est sainte car elle est appelée à appartenir à Dieu et à l'adorer. Mais elle est aussi envoyée dans le monde, comme Jésus a été envoyé dans le monde, pour accomplir sa mission. Nous devons rester dans le monde, mais tenir ferme.

 

3 - L'APPEL MISSIONNAIRE : (versets 17 à 19)

« Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. » (v. 18)

Dans sa prière Jésus fait 15 fois référence au monde, ce qui montre à quel point le Seigneur s'intéresse à la manière dont Son peuple se comportera vis-à-vis de la société non chrétienne au milieu de laquelle Il va laisser les siens pour un temps. Les disciples qui Lui ont été donnés, ont été tirés hors du monde (verset 6), mais ils ne doivent pas être Ôtés du monde (verset 15; ils vivent encore dans le monde (verset 11), mais ils ne doivent plus être du monde (verset 14) ; ils seront haïs par le monde (verset 14), et cependant, ils seront envoyés dans le monde (verset 18). C'est ainsi que se présente la relation entre l'Église et le monde : elle vit dans le monde, elle ne lui appartient pas, elle sera haïe par le monde et néanmoins elle lui sera envoyée.

L'Église ne pourra vraiment s'acquitter de sa mission dans le monde que si elle évite l'écueil des deux extrêmes; la fuite et le conformisme. Si nous nous retirons du monde, la mission devient impossible, puisque nous avons perdu tout contact avec lui. Si nous nous conformons en tous points au monde, elle est également impossible puisque nous avons perdu ce qui nous distingue.

A noter, que bien que nous vivions dans le monde, nous avons besoin d'être envoyés vers lui; en effet, nous pouvons vivre dans le monde sans obéir vraiment à l'ordre du Seigneur.

Envoyés dans le monde, comme Jésus a été envoyé dans le monde. Jésus a terminé sa mission, c'est maintenant aux siens de poursuivre cette mission dans le monde, mais c'est Lui qui nous y envoie. Il nous a laissé un exemple : nous sommes missionnaires, témoins sous Ses ordres et avec Son aide, mais aussi avec les sacrifices que cela implique.

 

4 - L'UNITÉ : (versets 20 à 26)

« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi., et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. » (v.21)

Jésus désire pour les chrétiens du monde entier et de tous temps qu'ils « soient un » ; cette demande est de la plus grande importance puisqu'elle est exprimée cinq fois dans sa prière. Mais quelle est la nature de cette unité ? Jésus en souligne deux aspects :

Jésus prie d'abord pour ses disciples (verset 11) « qu'ils soient un », puis pour ceux qui croiront en Lui par leur parole, c'est-à-dire ceux qui constitueront l'Église d'hier et d'aujourd'hui, en disant « que tous soient un » (verset 21). On peut considérer qu'Il exprime, par sa prière son souci de voir une continuité entre les apôtres et l'Église; que la foi de l'Église ne change pas avec le temps, que l'Eglise reste fidèle au message et à la mission des apôtres, fidèle à la Parole de Dieu.

Jésus prie ensuite pour que les siens soient un avec le Père et avec le Fils. L'unité ne peut être réelle que si elle est le résultat d'une union, d'une relation personnelle avec Dieu, union si intime et si réelle qu'elle est comparable à celle que le Fils entretient avec le Père.

 

C'est cette unité avec les apôtres, unité de vérité, union avec Dieu, unité de vie, qui amènera le monde à croire en Jésus; cette unité qui englobe le Père, le Fils et l'Église dans un même amour, unité vers laquelle nous devons tendre et qui ne connaîtra la perfection que lorsque nous serons tous ensemble avec le Père et avec le Fils pour contempler sa gloire (versets 24 à 26)

La prière de Jésus est donc bien plus vaste qu'on ne le pense généralement : prière pour la vérité , pour la sainteté, pour la mission et pour l'unité de tous ceux qui croiront en Lui par la Parole.

Ce qui divise l'Église, c'est qu'elle a tendance à morceler cette vision d'ensemble du Christ et à choisir tel aspect qui l'intéresse en négligeant les autres.

 

L'Église du 20 ème siècle s'est surtout polarisée sur la recherche de l'unité structurelle, mais malheureusement sans mettre le même empressement à rechercher la vérité et la vie qui sont les bases mêmes de toute unité pratique.

Pour certains, la préoccupation essentielle de la vérité, de l'orthodoxie doctrinale, les amènent à devenir secs, durs et dépourvus de grâce.

Pour d'autres, c'est la sainteté qui prime sur tout; ils se sont donc penchés sur l'état de la vie intérieure de l'Église, oubliant que nous avons été envoyés dans le monde pour y faire oeuvre missionnaire

La recherche de l'unité dans la vérité, la sainteté et la mission était le souci de la première Église à Jérusalem. Les premiers chrétiens, remplis du Saint-Esprit, « persévéraient dans l'enseignement des apôtres (la vérité), dans la communion fraternelle (l'unité), dans la fraction du pain et les prières (l'adoration liée à la sainteté) » et « le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Église ceux qui étaient sauvés » (mission).

(Actes des Apôtres, ch. 2, v.42 et 47)

 

C'est dans ces quatre directions que nous devons prier et travailler pour le renouveau, pour le réveil de l'Église.

Alors nous donnerons réellement une image visible de Dieu au monde (1ère Épître de Jean, ch. 4, v. 12) ; alors tous connaîtrons que nous sommes les disciples du Christ (Évangile selon Jean ch. 13, v. 35)


Voix dans le désert 1- 2001