«Tourner la page », c'est tenir une chose pour achevée et passer à une autre. Cette locution courante peut être appliquée de façon appropriée à une époque révolue ou à une affaire liquidée avec la volonté d'aller de l'avant. Mais elle peut aussi servir à expédier une affaire litigieuse dont on ne veut plus entendre parler, parce qu'on n'a pas la conscience tranquille et qu'on n'est pas disposé à agir comme il se doit devant le Seigneur. Examinons donc d'un peu plus près ces deux possibilités :
Quand faut-il savoir tourner la page ?
Notre vie est fractionnée en périodes distinctes liées les unes aux autres. Ainsi une année remplace une autre, l'une emportant le passé, l'autre nous faisant entrer dans le futur, ce qui est d'ailleurs aussi vrai pour chaque nouvelle journée. Notre existence est faite d'étapes, de successions et de transitions. Au fil des années on passe de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence à l'âge adulte, sans que l'on puisse arrêter le cours de cette progression. L'apôtre Paul disait: «Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant, lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant » (1 Cor. 13 : 11).
Des pages se tournent quand on finit ses études, quand on entre dans la vie professionnelle, quand on déménage, quand on change de métier... Le mariage, la naissance d'un enfant, d'autres heureux événements, ou le chômage, la maladie, le deuil et d'autres épreuves ponctuent la vie. Remarquons bien que les pages se tournent souvent comme d'elles-mêmes de par la volonté de Dieu. Une grande page se tourna lorsque l'Ancienne Alliance fut remplacée par la Nouvelle: « En disant : une alliance nouvelle, Dieu a déclaré ancienne la première; or ce qui est ancien, ce qui a vieilli, est près de disparaître » (Héb. 8 : 13).
Mais nous faisons volontiers référence au passé, et nous avons de la peine à tourner une page, à accepter un changement de nos conditions de vie, un renversement de notre situation familiale, un tournant décisif, une permutation . . . et tout notre être en est troublé. Si seulement nous apprenions à dire avec l'apôtre: «Je fais une chose, oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but . . . » (Phil. 3 : 13-14). Encore faudrait-il avoir un but autre et plus élevé que nos ambitions personnelles terrestres.
Une nouvelle perspective à portée éternelle s'ouvre lorsque se produit une authentique conversion spirituelle. C'est-à-dire lorsque nous passons au travers d'une véritable conviction de péché et d'une sincère repentance à la foi vivante en Jésus-Christ crucifié pour nous.
Alors commence une nouvelle existence. Une page ancienne est tournée et une page nouvelle et vierge s'offre à nous. La Bible dit à ce sujet:
«Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle création, ce qui est ancien a passé ; voici qu'a paru du nouveau. Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ ... » (Il Cor. 5:17-18).
Mais quand ne peut-on pas simplement tourner la page?
On ne peut pas sans autre effacer le passé lorsqu'il comporte des problèmes et des conflits qui n'ont pas été réglés selon la Parole de Dieu. Certes, le pardon de Dieu est pleinement accordé à quiconque se repent sincèrement et se confie de tout coeur en Christ. Le pardon réciproque entre frères reconnaissant leurs torts devrait aussi être entièrement assuré. Mais «nulle part l'Ecriture ne prévoit de pardon sans la repentance du fautif ».*S'il y a eu des erreurs, des abus ou d'autres injustices et péchés aux conséquences graves et persistantes, il faut chercher à y remédier ou à en limiter les effets.
Après avoir calomnié, discrédité ou lésé son prochain de quelque manière que ce soit, on ne peut pas simplement tourner la page sans avoir fait tout son possible pour rétablir la vérité, disculper l'innocent et réparer le mal qu'on a commis. Des démarches réparatrices s'imposent, parce qu'elles permettront une sincère et efficace réconciliation. C'est pourquoi Jésus disait: «Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère» (Mat. 5:23-24). Quiconque est au courant du dommage causé à autrui, se ferait le complice de ceux qui ont mal agi, si de connivence avec eux, par facilité, intérêt ou lâcheté, afin de ne pas se mouiller, il considérait aussi la page «non corrigée» comme tournée. On ne doit pas déclarer dépassée ou classée une affaire, parce que l'on craint d'être reconnu co-responsable ou coupable d'agissements blâmables par le Seigneur.
Conclusion
Essayons donc de régler selon l'Écriture tous les problèmes en suspens pour que, s'il est possible, et autant que cela dépende de nous, nous soyons en paix avec tous les hommes (Rom. 12 : 18). C'est ainsi que l'apôtre Paul s'efforçait d'avoir constamment une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes (Actes 24 : 16). C'est par la foi en la valeur expiatoire du sang de Christ que nos coeurs sont purifiés d'une mauvaise conscience (Héb. 9 : 14 et 10 :22). Mais cela ne règle pas automatiquement les conséquences de nos fautes antérieures. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter de tourner la page en nous dégageant de toute responsabilité concernant notre comportement passé. Mais le Seigneur ne nous demande pas l'impossible, il connaît nos dispositions, nos intentions, nos limitations et nos possibilités. Si donc nous agissons droitement selon Sa Parole, même s'il ne nous est pas possible de « refaire » notre vie et de réparer toutes nos injustices, il y aura un heureux dénouement et Dieu nous accordera Sa Paix et Sa joie par le Saint-Esprit. Ainsi une page sera effectivement tournée.
Jean Hoffmann
*Voir « Le pardon et l'oubli » de Jacques Buchhold, Éditions SATOR, extrait dans la B. N. 3/90 pp. 40-42 sous : « La nécessité de la repentance ».
La Bonne Nouvelle 1/95
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