« Interroge les bêtes, elles t'instruiront. » Job 11 : 7
Jean de La Fontaine disait : «Je me sers d'animaux pour instruire les hommes».
La statuette représentant trois singes se bouchant l'un les yeux, l'autre les oreilles et le dernier la bouche a retenu notre attention. Il est vrai que l'on prête à ces singes des gestes qui ne leur sont pas coutumiers, mais qui nous servent ici de point de départ et d'illustration à des réflexions fondées sur les Ecritures.
A. Premières réflexions
a) Ne pas voir
« Fermer les yeux» Il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas voir, même si elles nous « sautent aux yeux » ou qu'elles nous les «crèvent», parce qu'elles ne nous sont d'aucune utilité et qu'elles pourraient plutôt présenter une vaine et vilaine distraction, ou une dommageable tentation. L'apôtre Jean parle de la convoitise des yeux qui risque de nous attacher aux choses qui sont dans le monde, un monde souillé qui passe (1 Jean 2 : 17), alors qu'il est salutaire de s'affectionner aux «choses d'en haut» (Col. 3 : 2) qui demeurent éternellement. Job avait fait un pacte avec ses yeux (Job 31 : 1), c'est-à-dire qu'il avait pris la résolution de ne pas laisser vagabonder ses regards au risque d'être fasciné par le mal et d'y succomber. Jésus a dit : «Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le..., car il vaut mieux qu'un seul organe périsse et que le corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne» (Mat. 5:29). Apprenons donc à fermer les yeux quand cela est nécessaire, refusons de les fixer sur ce qui serait préjudiciable à notre vie spirituelle, et n'hésitons pas à éteindre la TV ou à nous en défaire - pour ne pas voir la violence et la débauche livrées en pâture aux regards des assoiffés du sensationnel, de l'érotisme et de la brutalité.
b) Ne pas entendre
« Faire la sourde oreille» De même il serait sage de faire parfois la sourde oreille. David, face aux injures et aux tromperies de ses adversaires, disait : « Moi, comme un sourd, je n'entends pas» (Ps. 38 : 13-14). Ah! si nous pouvions fermer nos oreilles aux insanités, aux sarcasmes, aux offenses, aux calomnies et autres méchancetés, nous désamorcerions bien des conflits! «Celui qui ferme l'oreille pour ne pas entendre des propos sanguinaires, et qui bande les yeux pour ne pas voir le mal, celui-là habitera dans les lieux élevés, des rocs fortifiés seront sa retraite» (Es. 33 : 15-16). Voilà une position spirituelle qui nous semble fort enviable; qui voudrait s'en priver en ripostant aux mauvais propos de ses ennemis, plutôt que de s'en remettre au Seigneur? (Ps. 31: 14-15).
c) Se taire
«Taire ce qu'il ne faut pas dire et savoir supporter l'injustice, voilà des choses difficiles» (Chilon de Sparte, IVe s. av. J.-C.) Il faut donc aussi savoir se taire. Jacques disait : « La langue est un mal qu'on ne peut réprimer» (Jacques 3 : 8). Heureux celui qui parvient à la tenir en bride! L'apôtre Paul écrivait à Tite : « Il y a beaucoup... de vains discoureurs et de séducteurs auxquels il faut fermer la bouche» /Tite 1 : 10). David nous donne un bon conseil: «Parlez en vos coeurs sur votre couche, puis taisez-vous» (Ps. 4 : 5), et Salomon d'ajouter: « Mets ta main sur ta bouche, si tu as de mauvaises pensées » (Prov. 30 : 32), car «Celui qui veille sur sa bouche garde son âme» (Prov. 13:3). Demandons à Dieu de mettre une «garde à notre bouche» (Ps. 141:3) et souvenons-nous de cette maxime: « La parole est d'argent, le silence est d'or. » Du Serviteur de l'Eternel (prophétiquement il s'agit de Jésus) il est dit : « Il a été maltraité et opprimé et il n'a pas ouvert la bouche, semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent. » (Es. 53 : 7). Aussi, lorsque Pilate demanda à Jésus: « N'entends-tu pas de combien de choses ils t'accusent?», Jésus ne lui répondit pas (Mat. 27 : 14). « Injurié, il ne rendait point d'injures, maltraité, ne faisait pas de menaces, mais s'en remettait à celui qui juge justement» (I Pierre 2 :23). Il y a des temps ou des moments où le sage fait bien de se taire (Amos 5 : 13). En certaines circonstances sachons garder « bouche cousue», plutôt que d'avoir la langue trop bien pendue, et laissons agir le Seigneur.
B. Réflexions poursuivies
Il existe à Lausanne (Ouchy*) un modeste monument avec un cadran solaire présentant également trois singes d'une version un peu différente, le premier ne se bouchant qu'un seul oeil, le deuxième la bouche et le troisième qu'une seule oreille, l'ensemble portant l'inscription suivante : « NE VOIR QUE D'UN OEIL - SAVOIR SE TAIRE - N'ENTENDRE QUE D'UNE OREILLE - ETRE TOUJOURS À L'HEURE». Cette image mérite aussi qu'on s'y attarde un moment. Il y a des faits auxquels il ne faut pas prêter trop d'attention, sans toutefois les ignorer totalement. Il importe parfois de voir et d'entendre discrètement certaines choses, sans forcément les publier ou les crier sur les toits. Cela dit, nous nous proposons de poursuivre nos réflexions en dépassant ce que nous suggèrent ces singes, imaginant un instant d'autres singes ne se bouchant plus du tout leurs yeux, leurs oreilles et leur bouche, puisque l'Écriture nous invite par ailleurs à voir, à entendre et à parler, sans que cela ne soit en contradiction avec nos précédentes considérations.
a) Voir
«Qui est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir? »
Il y a des personnes qui ne voient pas - ou qui ne veulent pas voir - la réalité en face. Elles pratiquent ce que l'on appelle la «politique de l'autruche». Ces personnes préfèrent ignorer certains faits pour n'avoir pas à changer d'opinion et de comportement, ou pour n'avoir pas à prendre position et à engager leur responsabilité. C'est de ce genre de personnes que parlait Jésus en disant: «Ils ont fermé les yeux de peur qu'ils ne voient de leurs yeux... qu'ils ne comprennent de leurs coeurs, qu'ils ne se convertissent et que je ne les guérisse» (Mat. 13 : 15-16). «Le dieu de ce siècle a aveuglé leur intelligence» (2 Cor. 4:4), et à l'instar de l'Église de Laodicée, ils auraient besoin d'un collyre pour oindre leurs yeux, afin qu'ils voient (Apoc. 3 : 18). C'est par la foi que l'on discerne ce que l'oeil naturel ne perçoit pas: « Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu? » (Jean 11:40). Que le Seigneur dessille les yeux de notre coeur (Eph. 1:18) pour que nous puissions contempler les merveilles de sa loi (Ps. 119 : 18), voir briller la splendeur de l'Évangile de la gloire de Christ (II Cor. 4 : 4) et apprendre à distinguer le bien du mal (Héb. 5 : 14).
b) Entendre
«Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ».
Il en est qui n'écoutent pas, parce qu'ils se complaisent dans leur état, sans réaliser qu'ils courent à leur perdition. Dieu disait à son peuple : «J'ai appelé, et vous n'avez point répondu, j'ai parlé, et vous n'avez point écouté» (Es. 65 : 12)_ Toujours à nouveau l'Éternel reprocha à Israël d'avoir endurci ses oreilles pour ne pas entendre (Zach. 7:11). D'autres encore ne tiennent pas à être informés, parce qu'ils ne veulent pas se mouiller, préférant rester neutres en toutes circonstances, de peur de perdre un avantage ou un ami. Mais il n'y a pas de neutralité face au mal, à l'erreur ou à l'injustice. Ceux qui refusent d'écouter ne sont pas en mesure de se faire une opinion juste, de comprendre une situation conflictuelle et d'adopter une attitude correcte face aux événements. Encore de nos jours beaucoup font la sourde oreille quand Dieu parle, mais c'est toujours à leur détriment. Lorsque dans son discours Etienne se mit à évoquer Jésus que les Juifs avaient livré à la mort, les hommes poussèrent de grands cris, se bouchèrent les oreilles et traînèrent Etienne hors de la ville pour le lapider (Actes 7 : 57-58). Ils voulaient ainsi se débarrasser d'une voix devenue gênante, parce qu'elle les accusait d'être des meurtriers. Hérode aussi fit arrêter Jean-Baptiste pour le faire mourir, ce prophète lui ayant dit qu'il ne lui était pas permis d'avoir pour femme la femme de son frère. (Mat. 14 : 3-12).
L'homme naturel, et malheureusement parfois même le chrétien, voudraient faire taire ceux qui leur font des reproches justifiés, plutôt que de se repentir de leurs péchés, de demander et d'obtenir le pardon de ceux qu'ils ont lésés et de Dieu qu'ils ont déshonoré.
Tout autre est la réaction de celui qui prend au sérieux la Parole de Dieu : «Chaque matin le Seigneur éveille mon oreille pour que j'écoute comme écoutent des disciples.» (Es. 50 :4), c'est-à-dire comme ceux qui veulent apprendre et mettre en pratique ce qu'ils ont appris. Puissions-nous répéter avec Samuel : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ! » il Sam. 3 : 9). Jésus disait : « Que celui qui a des oreilles entende» et les sept lettres aux Eglises dans l'Apocalypse (2-3) s'achèvent par une recommandation semblable : «Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Eglises. » N'oublions pas que « la foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de parole de Christ » (Rom. 10 : 17). Ouvrons donc toutes grandes nos oreilles à la voix du Seigneur et nous pourrons dire avec Job: «J'avais entendu parler de toi, mais maintenant mon oeil t'a vu. C'est pourquoi je me condamne et me repens... » (Job 42 :6).
c) Parler
« Qui ne dit rien consent »
Se taire peut être un signe de lâcheté, de complicité dans le mal, ou encore la preuve d'un manque d'amour. Dans Esaïe 50 :4 il est écrit: « Le Seigneur m'a donné une langue exercée pour que je sache soutenir celui qui est abattu. » Mardochée disait à la reine Esther: «Si tu te tais maintenant, le secours et la délivrance surgiront d'autre part pour les Juifs, et toi et la maison de ton père vous périrez. » (Esther 4 : 14). Il faut avoir le courage de ses opinions, savoir prendre position pour ce qui est vrai, juste et bon, en se prononçant contre ce qui est faux et vicieux. Se taire quand il faudrait parler, c'est favoriser le mal. Le Seigneur encourageait l'apôtre à parler en lui disant :
« Ne crains point, mais parle, et ne te tais point, car je suis avec toi. .. » (Actes 18 : 9-1 0). Lorsque le sanhédrin eut interdit à Pierre et Jean de parler et d'enseigner au nom de Jésus, ils répondirent : « Nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu » (Actes 4 : 20). Jean aussi écrit : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons. » (l Jean 1: 3). C'est la contrainte intérieure de la foi qui les pousse à transmettre le message du Salut en Christ crucifié et ressuscité. Paul dira:_ «J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé. » (II Cor. 4 : 13).
L'apôtre a parlé pour glorifier le Seigneur, pour montrer aux perdus le chemin du Salut, pour édifier, réjouir et consoler les rachetés, mais aussi pour avertir, pour reprendre et corriger. Il a osé dénoncer la débauche, l'homosexualité, l'adultère, le mensonge, la magie, l'idolâtrie, l'ivrognerie, l'amour de l'argent, l'orgueil, la jalousie, l'hypocrisie, les sectes, les excès de table et tout ce qui est contraire à la bienséance et à la saine doctrine, qualifiant toutes ces choses d'oeuvres de la chair (Gal. 5 : 19-20) ; 1 Tim. l : 10). Il a mis en garde contre ceux qui prêchaient un autre évangile (Gal. 1: 6-9), et de façon générale contre les faux apôtres, les faux docteurs, les faux prophètes et les faux frères. Il a rappelé l'ordre voulu par Dieu dans la famille, dans l'Eglise et dans la société. Tout cela faisait partie de la prédication et de l'enseignement des apôtres. Mais qu'en a-t-on fait de nos jours dans bien des milieux évangéliques, qui se veulent ouverts, tolérants, conviviaux, dans le vent, non soumis à des ordonnances «aliénantes», mais épris d'une liberté qui mène au laxisme et à l'apostasie? Il nous faudrait de nouveau des hommes osant annoncer et mettre en pratique «tout le dessein de Dieu, sans en rien cacher» (Actes 20 : 27). Mais ne risqueraient-ils pas de se faire boycotter et rejeter par ceux qui suivent délibérément un chemin plus large? Paul écrivait aux Galates : « Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité? » (Gal. 4 : 16). Le prophète Esaïe (62 : 1) déclarait : « Pour l'amour de Sion, je ne me tairai point». Eprouvons-nous ce même amour pour la « Maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, colonne et appui de la Vérité»?
Conclusion
Nous devons donc tantôt fermer nos yeux, tantôt ouvrir un oeil ou les deux, selon ce qui se présente à notre vue.
Il nous faut savoir faire la sourde oreille ou tendre une oreille, sinon les deux, selon ce qui se dit.
« Il y a un temps pour parler et un temps pour se taire. » (Eccl. 3 : 7).
Avouons que ce n'est pas toujours chose aisée que de s'y retrouver. Aussi avons-nous besoin que nos coeurs soient éclairés par la Parole de Dieu sous l'action du Saint-Esprit pour l'acquisition du discernement indispensable à un comportement spirituel honorant Dieu. Si nous sommes disposés à vivre dans la dépendance du Seigneur, il nous donnera la sagesse et le courage nécessaires pour agir dans l'amour et selon la vérité. Par crainte des hommes, pour ne déplaire à personne, pour être estimé de tout le monde et avoir du succès, nous risquerions de nous engager dans les voies tortueuses des compromissions et des abandons. Que le Seigneur nous en préserve et qu'il se lève une génération d'hommes droits et courageux bénis par l'Eternel (Ps. l 12 : 2) et en bénédiction à leurs contemporains !
Jean Hoffmann
* Au parc « Le Denatou »
La Bonne Nouvelle 4/96
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