Dans le christianisme, la Bible explique le monde dans lequel nous vivons, nous dit l'origine et le sens de l'existence de l'homme, nous donne les bases de la connaissance et de la compréhension du bien et du mal, nous montre comment vivre dans ce monde, apporte des réponses aux problèmes auxquels nous autres humains sommes confrontés, et nous offre l'espérance d'un avenir qui, dès maintenant, imprime un but à notre vie. Avant d'examiner ces différents points, il nous faut répondre à une objection essentielle.
Pour certains, une réflexion chrétienne sur la nature et le sens du monde, sur la connaissance, sur l'homme, sur le bien et le mal, etc., est inutile et sans intérêt. Ils raisonnent ainsi: «Il est évident que ces questions relèvent de la philosophie et le christianisme n'a rien à voir avec la philosophie.» Et de poursuivre: «La philosophie est une abstraction réservée aux intellectuels. Les philosophes posent des questions, dans un style hermétique pour le commun des mortels, sur des sujets qui n'effleurent pas l'homme de la rue. Et par là même, les réponses qu'ils apportent sont inintelligibles.» Pour eux, le christianisme est une affaire de coeur, comme le mariage. Il aborde des questions pratiques: «Est-ce que j'aime Dieu ou non?» - «Suis-je prêt ou non à m'humilier devant Dieu et à me reconnaître pécheur?» - «Suis-je prêt ou non à accepter l'Evangile de la mort et de la résurrection de Christ?»
Certains vont même plus loin et affirment qu'il est dangereux, voire non spirituel, pour un chrétien de s'intéresser à ce genre de questions, et ils citent Paul pour appuyer leurs dires: Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie selon la tradition des hommes, selon les principes élémentaires du monde, et non selon Christ (Col 2.8) et.- Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai l'intelligence des intelligents. Où est le sage? où est le scribe? où est le contestataire de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde? Car puisque le monde, avec sa sagesse, n'a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauveur les croyants par la folie de la prédication (1 Cor 1.19-21). Selon eux, Paul veut dire qu'en discutant du sens de la vie, le chrétien abandonne l'Evangile pour avoir recours à des méthodes du monde et de la philosophie. Et qui plus est, l'Evangile perd de sa simplicité, et il y a risque de ne plus dépendre du Saint-Esprit pour toucher le coeur de l'homme.
Ce sont là des critiques sérieuses que nous ne pouvons ignorer. En premier lieu, Paul ne dit pas que l'Evangile est une folie, au sens littéral du terme, mais que ce monde, en rébellion contre Dieu, pense que l'Evangile est une folie et qu'en revanche, sa propre philosophie est sage. Ensuite, Paul dit que l'Evangile, regardé comme une folie par les hommes, est, en fait, plus sage que la sagesse des hommes. En d'autres termes, c'est la pensée ou la philosophie non-chrétienne qui est, en vérité, folie, et le message chrétien, seule véritable sagesse.
Il est intéressant de comparer les affirmations de 1 Cor 1 avec Rom 1.18-25, où Paul exprime quelque chose de très similaire. Là, Paul démontre que l'univers dans lequel nous vivons prouve à l'évidence l'existence et la puissance de Dieu et que les hommes sont inexcusables s'ils ne le reconnaissent pas. Cependant, les hommes refusent d'intégrer Dieu dans leur pensée et ils considèrent que ce refus de reconnaître Dieu est l'expression de la sagesse. En réalité, leur pensée est folie, parce qu'ils adorent une partie de la création plutôt que Dieu et s'en remettent à elle plutôt qu'à Dieu pour expliquer les origines de la vie et pour comprendre la place et la destination de l'homme dans le monde.
La pensée du non-chrétien, aussi sage et sophistiquée qu'elle puisse paraître sur certains points, repose sur une folie. Car seul le message biblique donne un sens au monde tel que nous le voyons. Si les hommes refusent de reconnaître Dieu, alors le monde n'a plus aucun sens pour eux. Ils ont échangé la vérité contre un mensonge et ils servent la création plutôt que le créateur. Dès lors, le chrétien devrait être prêt à répondre aux questions que soulèvent la philosophie, questions que tout un chacun se pose, parce que le chrétien ne saurait par lui-même apporter des réponses aux questions. Seule la Bible peut le faire. Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s'élèvent contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l'obéissance au Christ (2 Cor 10.5). Les réponses bibliques vont comme un gant à l'univers qui est le nôtre, tandis que, pour employer une métaphore, les réponses que nous offre la philosophie non-chrétienne relèvent de la quadrature du cercle.
Les questions fondamentales concernent:
1° la nature de la connaissance;
2° la nature et l'origine de la vie;
3° la nature de la vie humaine;
4° le fondement de l'éthique;
5°le problème de la souffrance et du mal;
6° la finalité de l'existence et le sens de l'histoire;
7° de quelle manière devrait-on vivre?
En examinant chacune de ces questions et les réponses que la Bible en donne, nous les comparerons aux idées fondamentales de nos sociétés occidentales confrontées aux problèmes du 20' siècle.
1. Le problème de la connaissance
Comment parvenir à la connaissance? Comment pouvons-nous être sûrs de l'exactitude de ce que nous croyons savoir? L'humanisme est la philosophie dominante de notre société. L'humanisme répond à cette question en faisant appel à la raison humaine: l'homme doit pouvoir trouver réponse à tout, à commencer par lui-même. Le philosophe et historien écossais David Hume affirmait: «La raison est souveraine pour dicter des lois et imposer des maximes, sa puissance et son autorité étant absolues». (1) Cette foi en la puissance de la raison est la pierre angulaire de l'ensemble de nos sociétés occidentales modernes. Cependant, Hume lui-même a reconnu qu'à partir de l'homme seul, la valeur de la raison et la réalité de ses perceptions n'étaient pas démontrables, pas plus que l'assurance de sa propre existence physique, l'existence objective du monde matériel qui nous entoure et la relation de cause à effet. Cependant, dans un passage très connu, Hume a admis qu'en dépit du caractère relatif que revêtait sa foi en la raison comme principe de toute connaissance, il ne désespérerait pas:
«Si l'on me demandait si j'adhère sincèrement à ce principe que j'ai pris tant de peine à démontrer, selon lequel je serais l'un de ces sceptiques qui prétendent que tout est sujet à doute, je répondrais... que ni moi ni personne n'a jamais soutenu cette idée sincèrement et d'une façon constante... Je dîne, je joue au trictrac, je m'entretiens agréablement avec mes amis, et lorsqu'après 3 ou 4 heures de divertissement, je m'en retourne à mes réflexions, elles m'apparaissent si froides, si forcées et ridicules que je n'ai pas le coeur de m'y plonger plus avant. Preuve en est que le sceptique continue à raisonner et à croire, bien qu'il affirme se défier de sa raison, et par là-même, il doit bien constater l'existence de son corps, quoiqu'il ne puisse en confirmer la véracité par le jeu d'aucune argumentation philosophique». (2)
Au 20e siècle, la difficulté qui a surgi de cette allégeance à la seule raison, a acculé beaucoup de penseurs au désespoir total. On a fait de la raison de l'homme, son dieu. Mais elle est devenue comme un cadavre dans le placard, lui rappelant constamment la défaillance de l'entendement, la décadence de la valeur dans l'expérience humaine.
Le problème a surgi en raison de la limitation de l'homme. Il est petit. Il est incapable, de par son approche restreinte de la réalité, de produire suffisamment de connaissance pour répondre à toutes les questions, ou pour saisir la réalité dans son ensemble. Tout semble si grand et l'homme est si petit; comment peut-il être sûr de l'exactitude de ce qu'il sait?
Pour le chrétien, la finitude de l'homme n'est pas un problème. Nous reconnaissons aisément notre petitesse et les limites de notre savoir. Mais Dieu existe, et son savoir est complet; il n'y a rien dans l'univers qu'il ne connaisse. Dieu s'est révélé à nous dans sa parole, la Bible, et bien qu'elle ne nous dise pas tout, cette parole nous dit la vérité. Dans la parole de Dieu, nous avons une source de connaissance infaillible, et qui plus est, Dieu nous assure qu'il nous a créés à son image pour que nous comprenions le monde dans lequel nous vivons; ainsi notre perception du monde est juste. La raison, lorsqu'elle est soumise à la révélation de Dieu, devient un instrument de grande valeur, que l'on peut utiliser pour explorer et méditer sur le monde dans lequel nous vivons. En revanche, lorsque la raison règne en maîtresse, elle devient un tyran qui conduit l'homme dans la nuit la plus sombre de l'ignorance et de la confusion.
2. La nature et l'origine de la vie
La pensée humaniste et profane de notre monde moderne est tout entière dominée par la théorie de l'évolution. Sommairement, on peut dire que c'est l'affirmation que tout ce qui nous entoure en ce monde est apparu par hasard, sur des périodes extrêmement longues; qu'un Dieu créateur n'existe pas, pas plus qu'une cause première qui aurait généré l'extraordinaire diversité du monde naturel. Adhérer à cette affirmation nous oblige à accepter que l'ordre est né à partir du désordre, que des développements dus au hasard ont tissé les fils prodigieusement complexes et interdépendants de la vie, que la matière a donné le jour aux êtres vivants, que la vie inanimée a produit la vie pensante, et que de la vie pensante a surgi la vie consciente de l'homme.
Il est absurde de proposer à l'homme un système qui exige qu'il croie que 2 + 2 = 5, en ce qui concerne l'histoire de l'univers, non pas une, mais des milliers de fois. A l'inverse, le christianisme affirme que l'ordre, la diversité, la complexité de l'interdépendance et la beauté du monde naturel ont été créés par le Dieu souverain existant de toute éternité que nous révèle la Bible. L'ordre, la diversité et la beauté sont ainsi le résultat de l'activité créatrice de Dieu, et non le résultat d'un processus dû au hasard et à une sélection naturelle jamais prouvée. Pour l'Ecriture, c'est une vérité évidente et relevant du bon sens, que de regarder le monde et de voir qu'il est l'oeuvre d'un créateur. David écrivait: Les cieux racontent la gloire de Dieu; l'étendue céleste proclame l'ouvrage de ses mains (Ps 19.1), et Paul: les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'oeil nu, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages (Rom 1.20, Nouv. Ed. de Genève).
Lorsque nous regardons une belle toile, nous nous demandons: «Qui a peint cela?» Et nous faisons l'éloge de son auteur; de la même manière, quand nous contemplons l'univers, nous devrions en chercher à connaître l'auteur et le louer. Eternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre! Toi qui établis ta majesté au-dessus des cieux (Ps 8.1).
3. La nature de la vie humaine
Bertrand Russell résume ainsi le dilemme auquel est confrontée la pensée non-chrétienne lorsqu'elle applique le dogme de l'évolution à l'homme: «L'homme est la résultante de causes qui n'avaient pas prévu les effets qui en découleraient: son origine, son développement, ses espoirs et ses craintes, ses émotions et ses convictions ne sont que le produit d'associations d'atomes accidentelles... Aucun feu, aucun héroïsme, aucune pensée ni aucun sentiment aussi intenses soient-ils, ne peuvent préserver une vie au-delà de la tombe... Tout le labeur effectué au cours des âges, toute la ferveur, toute l'inspiration, toute l'éclatante expression du génie humain, sont voués à disparaître dans l'extinction générale de notre système solaire, et tout l'édifice des réalisations humaines sera inévitablement enfoui sous les décombres d'un univers en ruines.» (Bertrand Russel, «Pourquoi je ne suis pas un chrétien», Simon and Schuster, New York 1957).
Russell doit reconnaître que l'homme est différent, qu'il est unique dans ce monde; que ses exigences morales, sa créativité, son besoin d'aimer, ses actes d'héroïsme, sa pensée et son dévouement pour autrui, font qu'il occupe une place bien à part dans l'univers; mais Russell, comme l'ensemble de la philosophie profane moderne, n'apporte aucune explication à ce caractère unique. Certains intellectuels admettent, comme
Russell, la spécificité de l'homme, mais sans pouvoir l'expliquer. D'autres essaient de la nier et insistent sur le fait que seule la complexité de l'homme en fait un être différent. Selon eux, l'homme n'est rien de plus qu'une composition chimique élaborée, un organisme physique comme le moustique ou la souris, mais d'une complexité telle qu'on peut le comparer à l'analyse digitale d'un ordinateur. Perry London, psychothérapeute américain, après avoir été séduit par cette vision de l'homme, reconnaît que cela implique que l'homme, de même que l'ordinateur, est totalement insignifiant; car s'il n'est qu'une mécanique, il n'est nullement responsable de ses actes, quels qu'ils soient. Finalement, la spécificité de l'homme est illusoire; ce que nous expérimentons tous les jours, l'amour, l'engagement, les choix, la créativité, la rationalité etc., n'a absolument aucun sens: ce ne sont que des ombres fugitives sur un mur, des jeux de lumière, fruit de la nature compliquée du cerveau. (Perry London, «Modes et implications morales de la psychothérapie», Holt, New York 1964).
En revanche, la foi chrétienne, elle, donne une explication sur la spécificité de l'homme. L'homme, homme et femme, est créé à l'image de Dieu. Dieu, personne infinie, a créé des hommes et des femmes, des êtres limités et néanmoins des personnes comme lui. Nous reflétons la nature de Dieu. Dieu est amour, dit l'apôtre Jean. Nous sommes faits pour aimer Dieu et pour nous aimer les uns les autres. Dieu est juste. Nous sommes faits pour distinguer entre le bien et le mal, pour discerner ce qui est juste, et pour choisir le bien et le vivre. Dieu est le Créateur. Nous sommes comme lui, responsables de nos choix, et faits pour créer la vie, les relations humaines, la beauté, l'ordre. Dieu communique: l'Ecriture parle d'une communication entre le Père, le Fils et l'Esprit, aujourd'hui aussi bien qu'avant que le monde ne fût. Nous sommes faits pour communiquer par le langage, entre nous et avec Dieu. Dieu est un Dieu d'ordre et non de chaos, de sens et non d'incohérence, de raison et non de l'absurde. Nous sommes des êtres rationnels, appelés à réfléchir sur nos vies et sur le monde dans lequel nous vivons. Ce que nous expérimentons, dans ses multiples facettes, fait de nous des êtres à part, qui portent la marque de ce qui caractérise la personnalité. Au lieu de nous lamenter sur le caractère illusoire de l'expression de notre personnalité dans un univers impersonnel, nous devrions nous réjouir, car en dépit de notre petitesse, nous sommes «chez nous» dans un univers créé par un Dieu en trois personnes.
4. L'éthique
Comment pouvons-nous savoir ce qui est bien et ce qui est mal? Perry London, cité plus haut, admet que si l'homme est une machine, il est vain de parler de bien et de mal et de responsabilité morale. Il ne nous viendrait pas à l'idée d'accuser un ordinateur de comportement criminel; de même, nous ne poursuivrons pas les animaux (desquels nous sommes censés descendre) devant les tribunaux pour infraction à la loi. Si l'homme n'est qu'un mécanisme, un organisme physique complexe, un descendant du rat et du cétacé, pourquoi le tenons-nous pour responsable de ses actes et le considérons-nous comme un agent moral? London affirme que le bien, le mal et la responsabilité morale relèvent de l'imagination; en même temps, il admet que les hommes semblent en avoir besoin pour donner un sens à leur vie. Il poursuit en proposant des moyens de programmer les gens en vue de créer une société meilleure, oubliant que le terme «meilleur» n'a aucun sens, selon sa propre conception philosophique. Nous avons là une théorie du réel et du comportement humain qui ne peut expliquer pour quelle raison toutes les sociétés humaines distinguent entre le bien et le mal, et pourquoi elles considèrent l'être humain comme agent moral. De nos jours, cependant, nous voyons le fruit effrayant d'une philosophie qui gomme toute distinction ultime entre le bien et le mal. Nous le voyons en Occident, où le meurtre d'enfants à naître ou de nouveaux-nés handicapés est considéré comme une assistance médicale charitable. Nous le voyons dans le monde communiste, de façon criante au Cambodge, où un tiers sinon la moitié de la population a été tuée au nom d'une pure révolution marxiste. Le magazine «Time» a commenté ainsi la transformation de toute une nation en un camp de concentration (31 juillet 1978, p. 39-40):
«L'absurde renversement des valeurs repose sur la conviction que des notions telles que la <pureté> ou la <corruption> peuvent avoir un sens en dehors d'un système absolu des valeurs, système qui résiste aux manipulations à volonté des gouvernements ou des groupes révolutionnaires. La révolution cambodgienne, prônant sa propre <pureté> dévaluée, a donné la preuve de ce qu'il arrive lorsque le refus marxiste des absolus moraux est vécu dans toute son acception par ses partisans. Pol Pot et ses amis décident de ce qui est bien, de ce qui est mal, et du nombre de cadavres qui doivent être empilés pour apaiser le démon rapace de la <pureté>.;
L'Occident est aujourd'hui pénétré de la notion de relativisme moral; il lui répugne à admettre que la mal absolu puisse être une réalité. Cela explique pourquoi certains ont tant de mal à accepter le fait que l'expérience cambodgienne est un phénomène infiniment plus grave qu'une aberration révolutionnaire. En fait, c'est la conséquence mortelle et logique d'un système de valeurs athée et anthropocentrique mis en place par des êtres humains faillibles et investis d'un pouvoir absolu, et qui croient, à l'instar de Marx, que la moralité est définie par les détenteurs du pouvoir, et, à l'instar de Mao, que le pouvoir est au bout du fusil. Ce n'est pas un hasard si, aujourd'hui, en Europe, les sociétés marxistes les plus humaines sont celles qui, telle la Pologne ou la Hongrie, permettent la dilution de leur doctrine par ce que Soljenitsyne a appelé des vastes réserves de miséricorde et de sacrifice> de la tradition chrétienne.» (Article de D. Aikman, «Le Cambodge: une expérience en génocide»).
Le christianisme ne connaît pas le problème de l'incertitude quant à savoir ce qui est bien ou mal, de même qu'il n'hésite pas à affirmer que le mal absolu existe bel et bien. Le caractère de Dieu trouve son expression dans une bonté, une justice et une sainteté parfaites. Son caractère nous témoigne de ce qui est bien et juste, et tout comportement doit être évalué en fonction de son caractère et à la lumière du jugement dernier, lorsque toutes les actions, toutes les paroles et toutes les pensées des hommes seront vues telles qu'elles sont.
La loi de Dieu, dans l'Ecriture, exprime la justice de Dieu, et l'homme, fait pour refléter cette justice, est appelé à obéir à la loi de Dieu et à peser ses actes à la lumière de ce critère. Tous les hommes sont créés avec une conscience morale, la loi de Dieu écrite dans leur coeur; mais la conscience peut être obscurcie ou endurcie, soit en raison de la tradition culturelle, soit par les choix coupables de l'individu. Cependant, au-delà des circonstances, nous avons une référence absolue pour apprécier le bien et le mal, car nous pouvons jauger toutes les idées des hommes en fonction du caractère et de la loi de Dieu. Cela implique aussi que le chrétien peut se baser sur de solides fondements lorsqu'il est confronté à l'immoralité des agents du pouvoir, que ce soit en démocratie ou sous une dictature, ou lorsqu'il doit faire face à la volonté de la majorité de nos sociétés occidentales, où l'éthique varie avec le consensus du jour.
Dès lors, au lieu d'être troublés par la doctrine biblique du jugement, nous devrions nous en réjouir et y voir l'une des gloires de la foi chrétienne. Tous les hommes ressentent au fond d'eux-mêmes que certaines choses sont bonnes et que d'autres sont mauvaises, bien qu'ils soient incapables d'en discerner la vraie raison, ni même d'appréhender l'essence des notions du bien et du mal, et celle de la responsabilité morale. Le chrétien peut, dans une totale assurance, affirmer qu'il existe une différence entre ces deux notions et qu'à la fin, lors du jugement, tout mal sera révélé et jugé.
5. Le problème de la souffrance et du mal
La philosophie moderne n'offrant aucun moyen sérieux pour discerner le bien du mal, ni aucun sens moral à l'homme, elle n'est pas à même de comprendre la souffrance, la maladie et la mort. En fin de compte, notre culture en est venue à dire que la souffrance était une chose normale, une partie intégrante de la réalité. Il y a le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, la vie et la mort, la bonté et la cruauté. Toutes ces notions ne sont que les diverses facettes du tout.
Certains iront jusqu'à prétendre que la souffrance est une donnée essentielle du processus évolutionniste, vu que la sélection naturelle exige que le fort survive et le faible soit écrasé. Selon eux, tout développement et tout progrès sur terre sont la résultante de ce processus de transformation. La souffrance devient un bien, le sacrifice de quelques-uns nécessaire pour le bien de tous.
C'est ainsi que Teilhard de Chardin envisage le processus évolutionniste, et Jacques Monod considère avec nostalgie la perte de la sélection naturelle dans l'espèce humaine. La médecine moderne permet aux faibles de survivre et de transmettre leurs gênes aux générations futures. Cela met un point final à l'amélioration évolutionniste de l'espèce humaine. C'est pourquoi certains nostalgiques demandent à ce que soient éliminés les bébés handicapés, les débiles mentaux, les vieillards fragiles: ainsi ne pourraient-ils plus ni procréer ni être une charge pour la société.
Une telle vision ne peut qu'horrifier le chrétien, qui considère la souffrance et la mort comme des phénomènes anormaux et contraires à la nature, comme le ressent d'ailleurs tout être humain au fond de lui-même, à un moment ou à un autre. Tant qu'ils ne sont pas endurcis, les jeunes enfants sont épouvantés par la mort; loin de l'envisager comme un simple aspect de la vie, ils la ressentent plutôt comme quelque chose d'horrible et contre nature. Le chrétien sait que ce sentiment correspond à la réalité telle qu'elle est, car la Bible nous dit que nous vivons dans un monde déchu, que le péché est entré dans le monde par la rébellion de l'homme contre Dieu, et que la souffrance, la maladie, la douleur et la mort en sont la rançon; ce qui veut dire que la souffrance et la mort sont anormales, qu'à l'origine le monde était bon, mais qu'à présent il est défiguré et en pièces.
Christ, lorsqu'il fut confronté à la douleur et à la mort, n'a pas manqué d'être bouleversé, ému de compassion et révolté, bien qu'étant Dieu. Il a éprouvé de la colère et de la tristesse, car il n'en était pas l'auteur; la douleur et la mort résultaient plutôt de ce que l'homme avait rejeté Dieu et sa loi. De même, le chrétien doit suivre Christ en considérant toute souffrance comme une anomalie, et au lieu d'emboîter le pas à notre époque dans sa brutalité envers les faibles et les indigents, il devrait refléter le caractère de Dieu et se préoccuper du sort de la veuve et de l'orphelin, de ceux dont le corps et l'esprit sont brisés, du foetus menacé d'extermination, du vieillard et du mourant.
6. La finalité de l'existence et le sens de l'histoire
Chacun ressent que sa vie doit avoir un but et que l'histoire s'achemine vers un dénouement. Cependant la question surgit: l'homme sait-il pourquoi sa vie devrait avoir un but et quel est-ce but? Peut-il être sûr que l'histoire s'achemine vers quelque chose, et vers quoi? Certes, les gens imaginent toutes sortes d'orientations pour eux-mêmes et pour l'ensemble de l'espèce humaine; de meilleures conditions de vie, l'abondance personnelle, des dieux et des religions de tous genres, la paix pour le monde... Beaucoup de ces solutions sont des refuges pour éviter d'être confronté à ce que Bertrand Russell appelle l'ultime réalité de l'histoire: la mort de l'individu et la mort de notre système solaire. Si Russell a raison, comment éviter la conséquence logique que tout est absurde? Vues sous cet angle, ni la vie de l'individu ni l'histoire de l'espèce humaine n'ont de valeur ultime, et Russell a l'honnêteté de le reconnaître.
La précédente citation de Russell se poursuit ainsi: «Ce n'est que dans le cadre de ces vérités, sur le fondement d'un désespoir inexorable, que l'âme peut trouver un havre sûr... Comment, dans un monde si étranger et si inhumain, une créature aussi impuissante que l'homme peut-elle préserver l'éclat de ses aspirations?» Russell n'a pas de réponse véritable à cette question, et pour cause... Il a renié l'existence du Dieu qui s'est lui-même révélé à nous dans la Bible.
La Bible nous dit que notre quête du sens et de la finalité de l'histoire a été mis en nous par Dieu et que cette aspiration ne peut être satisfaite qu'en se tournant vers Dieu. Nous avons été faits pour aimer Dieu, pour refléter son caractère, et pour nous réjouir en lui pour toujours; nous avons été faits pour aimer, pour nous réjouir et pour nous servir les uns les autres; pour nous réjouir de la création et la dominer comme des administrateurs de Dieu. Nous vivons dans un monde déchu et corrompu où le péché a apporté inimitié et rupture entre nous et Dieu, au plus profond de nous-mêmes, entre les autres et nous, entre la création et nous au sein même de cette création. Tout porte la marque du péché et de la mort.
Pourtant Dieu, dans son amour, a envoyé son propre Fils dans le monde pour nous sauver, nous et toute la création, du péché et de la mort. Par l'oeuvre de Christ, par la foi en lui, notre relation avec Dieu est renouée, notre être intérieur retrouve peu à peu sa vraie dimension, et nous sommes appelés à exercer notre autorité, dans la soumission à Dieu, sur tout le monde vivant et sur tout ce que le péché a altéré en nous et dans le monde. Nous sommes appelés en fait, à être les prémices de la nouvelle création où tout sera transformé lors du retour de Christ. Christ lui-même est déjà passé par la résurrection physique. Dieu nous promet que l'histoire aboutira à la résurrection physique de tous ceux qui croient en Christ et à la création de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre fondés sur la justice seule. Ce qui a été abîmé dans les moindres aspects de la vie sera ôté et toute chose sera renouvelée. En même temps, le diable et tous les méchants connaîtront un jugement éternel. Notre vie individuelle prend ainsi une dimension éternelle et l'histoire s'achemine vers une conclusion glorieuse.
7. Quelle devrait être la vie de l'homme?
Notre époque nous offre plusieurs alternatives toutes aussi décevantes les unes que les autres. Le gouvernement décide de ce qui est bon pour l'homme; la majorité décide de ce qui est bien; ou l'individu décide, sur la base de son appréciation propre, de ce qui est bon pour lui. Encore une fois, il n'y a aucun absolu, et nous devons constater que de toute part s'installe la confusion et le chagrin dans les vies et dans les foyers.
Dieu nous promet la liberté si nous obéissons à sa loi. La loi de Dieu, comme nous l'avons vu précédemment, est le reflet du caractère de Dieu. L'homme est fait pour être comme Dieu. La loi indique donc comment doit vivre l'homme. Il ne s'agit pas d'un ensemble de règles arbitraires imposées par un Dieu en colère; au contraire, la loi elle est adaptée à la vie humaine. Jacques a écrit: «Celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui persévère, non pas en l'écoutant pour l'oublier, mais en la pratiquant activement, celui-là sera heureux dans son action même» (Jac 1.25).
De même, les Psaumes décrivent la loi de Dieu comme une lampe à nos pieds pour nous empêcher de tomber dans des fosses et des fondrières dangereuses. Si nous obéissons à la loi de Dieu, nous aimerons la vie. La vérité de Dieu nous affranchit pour que nous puissions vivre. Nous le constatons à tous les niveaux: si nous obéissons aux commandements de Dieu sur le mariage par exemple, le mariage sera source de joie. Si nous désobéissons à ses commandements, alors le chaos et le malheur qui en découlent ne sont que trop évidents dans notre société. Je le répète, le christianisme est ce qu'il nous faut.
Pour en revenir à notre point de départ: le chrétien n'a pas à craindre la philosophie et les questions qu'elle soulève. Etant la sagesse véritable révélée par Dieu, la foi chrétienne est infiniment supérieure à la sagesse humaine. Si nous lisons l'Ecriture, nous y trouvons les réponses que nous pose la vie dans ce monde. Oui, le christianisme colle avec la réalité.
Jerram Barrs Collaborateur de «L'Abri»
d'abord en Suisse, ensuite en Angleterre
Traduction autorisée par Dominique Mallol et J.-P. Schneider; texte tiré de «What in the World is Real» Copyright 1982 by l'Abri Fellowship.
(1)David Hume, «A Treatise of Human Nature», ed. L. A. Solby-Bigge (Oxford: Clarendon Press, 1896), p. 183-187
(2) ibid.
Promesses 1990 - 3 / No 93