Vérité et unité

 

Il n'y a jamais eu autant de missionnaires et de campagnes d'évangélisation. Jamais n'a-t-on vu autant de méthodes et de cours pour permettre aux chrétiens de se former en vue de l'évangélisation personnelle.

Jamais non plus, n'a-t-on vu autant de grands colloques, forums et conférences à l'échelle mondiale, organisés dans le but d'examiner avec sérieux les causes de la faiblesse du ministère évangélique et les remèdes à lui apporter.

L'on se penche sur le problème des obstacles responsables pour la lenteur de l'évangélisation du monde. L'on espère découvrir «le détonateur de l'évangélisation mondiale». Et la liste s'allonge chaque année de quantité de nouvelles tentatives.

Malgré toutes ces analyses en profondeur et ces évaluations de la situation, en dépit de toutes les espérances suscitées et de tant de prières offertes, les missions ne connaissent pas de véritable revitalisation. Les pécheurs ne se tournent pas vers Christ en beaucoup plus grand nombre ou, quand ils le font, c'est bien trop souvent pour continuer à vivre à la manière du monde.

Parmi les mouvements missionnaires et au sein des églises locales, la perplexité continue d'agiter le coeur des responsables qui osent regarder les faits en face. Les grandes questions demeurent: «Notre évangélisation s'égarerait-elle? Que faut-il faire pour vraiment toucher le monde pour Christ? Où est passée la puissance des gigantesques gagneurs d'âmes d'autrefois, dont les récits font rêver? »

 

Vérité et unité

Dans cette recherche sincère du retour aujourd'hui de la puissance divine dans la proclamation du message de l'Evangile, le monde évangélique a commis certaines erreurs décisives. Quantité de responsables et de chrétiens engagés sont honnêtement persuadés au plus profond de leur coeur de la centralité de la Parole de Dieu et de sa toute-puissance efficace pour le salut de l'homme pécheur.

L'on voit cependant, depuis plusieurs décennies maintenant, se dessiner un courant qui reprend les mêmes solutions superficielles que les libéraux et les non-évangéliques ont adoptées. Et les évangéliques fidèles à la Parole, troublés par leur propre faiblesse, se laissent persuader à ajouter leur poids à ce mouvement.

La pertinence, la respectabilité (tant intellectuelle que sociale) et surtout l'unité sont devenues les priorités du peuple de Dieu, dans l'espoir que ces éléments permettront de revivifier une Eglise qui a perdu son impact et n'arrive pas vraiment à le retrouver. «Nombre égale poids», nous a-t-on dit; et nous l'avons cru.

«Si seulement tous les croyants bibliques s'assemblaient, le monde prêterait attention et écouterait. Fusionnons nos sociétés missionnaires, mettons en commun nos fonds et notre personnel.

Engageons-nous en commun dans d'immenses projets, et le monde sera bien forcé d'écouter.»

«Si tous les chrétiens évangéliques s'unissent dans l'organisation d'efforts communs, l'impact de notre évangélisation se multipliera grandement.» Ainsi, l'unité d'organisation a pris précédence dans les buts des églises évangéliques.

Cependant, cette conviction de l'importance capitale de l'unité pour l'évangélisation du monde (légitime,en soi, cf. Jean 13:35) appelle à la fois l'Eglise et le chrétien à reléguer au second plan leur valeur de l'importance de la vérité.

En effet, dans un grand congrès sur l'évangélisation par exemple, l'on peut difficilement mettre vraiment l'accent sur telle ou telle vérité de la Parole de Dieu, de crainte d'offenser un quelconque frère évangélique dont les pensées diffèrent et, par cela, risquer de perdre sa présence et sa collaboration.

Pour cette raison, il convient de s'efforcer à découvrir le plus petit dénominateur commun auquel tout chrétien né de nouveau puisse souscrire. Tout autre enseignement biblique vient alors s'entasser dans une case étiquetée «non essentiel pour l'évangélisation». De cette manière, l'unité parmi les chrétiens se révèle bien plus importante que la voix de la vérité.

Il est d'ailleurs fort intéressant de remarquer combien les sociétés missionnaires et organismes dénominationnels éprouvent souvent de la réticence à examiner avec précision le problème fondamental en cg qui concerne la proclamation de l'Evangile. Leurs responsables préfèrent étudier ce qui est acceptable au plus grand nombre, ou comment gagner les gens sans les froisser, plutôt que d'aborder de front la question: «Qu'est-ce que 'Évangile selon l'Evangile?»

Une réponse nette et fondamentale à une telle question condamnerait l'enseignement prodigué par une grande majorité de leurs missionnaires ou de leurs pasteurs. Cette réponse détruirait les sociétés missionnaires elles-mêmes, qui souvent dépendent de fédérations d'églises dont les convictions profondes sur la question diffèrent énormément.

Adopter la position d'une seule église (ou dénomination) entraînerait la perte de l'appui des autres. De ce fait, tout ce système construit sur ce concept de l'unité générale s'écroulerait.

L'église locale non plus ne peut pas se permettre une trop grande précision à l'égard de la vérité. Cela pourrait affecter et nuire à son harmonie avec sa propre dénomination ou l'union d'églises à laquelle elle adhère.

Une définition claire et consciencieuse de l'Evangile entraînerait probablement des différends avec les mouvements qui travaillent parmi la jeunesse; elle engendrerait des problèmes épineux et irritants avec les instances de la société missionnaire et des désaccords embarrassants avec des missionnaires soutenus depuis des années.

Peut-être même condamnerait-elle aussi une majeure partie de l'enseignement prodigué parmi les enfants. Enfin, accorder une trop grande attention au contenu de l'Evangile susciterait des frictions avec les autres évangéliques.

La recherche de la vérité effriterait les forces déjà bien fragiles, alors qu'en revanche, le poids de l'unité, entretenue dans le cadre du statu-quo, procurerait, pense-t-on, la clé de la réussite.

Walter Chantry

 

Extrait de «Le Maître à l'oeuvre» Sous-titre: «Notre Evangélisation a-t-elle si bonne mine?» (avec l'autorisation d'Europresse)

La Bonne Nouvelle 5/91

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