La Bible dans l'expérience chrétienne
Préambule
Avant de faire une analyse descriptive du rôle de la Bible dans l'expérience chrétienne, je tiens à rappeler quelques principes salutaires. Ce rappel s'impose face aux dangers qui menacent la chrétienté actuelle, y compris sa fraction «évangélique».
La Réforme - le plus grand réveil spirituel de l'histoire - a honoré ces principes. C'est même pour s'y être tenue qu'elle a été si marquante. Raison supplémentaire pour les considérer avec attention.
A. L'autorité souveraine, unique et normative de l'Écriture, face à toute autre autorité. Sola Scriptura!
«D'où il suit que ni l'antiquité, ni les coutumes, ni la multitude, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les écrits, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne doivent être opposés à cette Écriture Sainte, mais au contraire, toutes choses doivent être examinées, réglées et réformées selon elle», Confession de La Rochelle, 1559.
B. La pleine suffisance de l'Écriture pour tous les besoins du chrétien et de l'Église.
«Tout le conseil de Dieu, concernant toutes les choses nécessaires à Sa propre gloire, au salut de l'homme, à la foi, et à la vie, se trouve soit expressément consigné dans l'Écriture, ou peut être légitimement et logiquement déduit de l'Écriture: à laquelle, à aucun moment, l'on ne peut rien ajouter, soit par de nouvelles révélations de l'Esprit, soit par les traditions des hommes», Confession de Westminster, chap. 1, article 6 (traduction), 1645.
C. Le lien étroit, indissoluble, inviolable, entre l'Écriture et le Saint Esprit.
Ce lien est établi d'une façon catégorique et lumineuse par le fameux texte sur l'inspiration divine de la Bible: «Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu... », 1 1 Timothée 3:16.
«Theopneustos», pour «inspirée», signifie littéralement exhalée, soufflée par Dieu. L'Écriture est l'émanation même du souffle de Dieu et, par conséquent, indissociable de ce souffle. Ce qui veut dire que la parole inscripturée est et demeure le produit achevé, parfait, de Dieu le Saint-Esprit.
Comme telle, cette parole est un guide infaillible et même le seul guide infaillible. En elle, par elle, Celui qui a parlé parle encore, aujourd'hui même (cf. les verbes «parler» et «attester», au présent, en Hébreux 3:7 et 10: 15).
De là cette formule frappante de Calvin: « ... l'Écriture est l'école du Saint-Esprit, en laquelle comme il n'y a rien d'omis qui ne soit salutaire et utile à connaître, ainsi il n'y a rien d'enseigné qu'il ne soit expédient de savoir... » L'Institution Chrétienne, 3e livre, chap. 21, sur l'élection éternelle.
Dans et par l'Écriture, c'est le Saint-Esprit lui-même qui nous instruit. Nous sommes sous son divin magistère.
Voix du Saint-Esprit
L'Ecriture est aussi l'organe de l'Esprit. C'est par elle qu'il agit, opère, vivifie, transforme, en nous révélant le Christ glorifié, source de toute vie spirituelle.
Le lien indissoluble entre la Parole et l'Esprit se voit, au Psaume 33, dans l'activité créatrice: «Les cieux ont été faits par la parole de l'Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche», v. 6. Ils agissent ensemble.
L'Ecriture représente un espace spirituel absolument unique, privilégié. Dans cette sphère de la Parole où l'Esprit Saint se meut, il y a tout ce dont l'esprit humain a besoin en fait de lumière, vie, puissance, renouvellement. Pour être «complet», cf. Il Timothée 3: 17, il suffit de rester dans sa sphère. En sortir, c'est s'appauvrir. Comme nous le disions plus haut, l'Écriture est pleinement suffisante.
Les principes fondamentaux que nous venons de rappeler: autorité et suffisance de l'Écriture, unité essentielle entre l'Écriture et l'Esprit Saint, sont salutaires. En quel sens? Eh bien! en ce qu'ils nous rendent circonspects à l'égard de:
- Toute spiritualité où la Parole n'est pas centrale, toute spiritualité qui déloge la Parole du centre.
Dans certains milieux, aujourd'hui, le point central semble être la prière plutôt que la Parole.
- Toute spiritualité qui ne se nourrit pas, ne se contente pas de la Parole, mais cherche des compléments hors de l'Écriture. Ces tendances, ces tentatives, sont une négation pratique de la suffisance de la Bible.
- Toute spiritualité dont le lien avec la Parole est vague, indéfini, relâché, qui semble déconnecter l'Esprit Saint de la Parole, ou la Parole de l'Esprit, comme s'il y avait deux pôles à la vie spirituelle.
Confronté aux mystiques et illuminés de son temps, Calvin souligne vigoureusement l'unité infrangible Parole-Esprit. S'appuyant sur Esaïe 59:21: « Mon esprit qui repose sur toi, et mes paroles, que j'ai mises dans ta bouche, ne se retireront point de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants, dit l'Éternel, dès maintenant et à jamais», il dénonce ceux qui cherchent à séparer Esprit et Parole: « D'où je conclus que ces trompeurs démembrent par leur sacrilège détestable ces deux choses que le Prophète a conjointes d'un lien inviolable », L'Institution Chrétienne, livre 1er, chap. 9.
Dans le même chapitre, il s'oppose avec énergie à une spiritualité qui flotterait dans le vide: « ... Saint Paul, en exhortant les Thessaloniciens de ne point éteindre l'Esprit (I Thess. 5:19-20), ne les transporte point en l'air à vaines spéculations hors de la Parole, mais conséquemment il ajoute qu'ils ne devaient point mépriser les prophéties. En quoi pour certains il signifie que lors la lumière de l'Esprit est suffoquée, quand les prophéties viennent en mépris ».
Il est évident que, contrairement à l'usage actuel, Calvin prend le mot «prophéties» dans son sens biblique, c'est-à-dire paroles infaillibles sorties de la bouche de Dieu. En méprisant la Parole on éteint l'Esprit, à cause de leur unité indissoluble.
Toute spiritualité qui donne le champ libre au subjectivisme, qui privilégie «un espace de subjectivité» non contrôlé par l'autorité de l'Écriture.
Au lieu de dépendre des directives objectives de la Parole de Dieu, nous pouvons devenir tributaires des sentiments, impressions, impulsions, de la vie intérieure personnelle, de tout ce qui se passe dans le sujet, en nous-mêmes.
Les phénomènes subjectifs ont toujours été un piège pour le chrétien et pour l'Église quand ils ont été érigés en critères de direction. Au milieu des plus grands réveils, l'élément subjectif non soumis à la Parole a été source de difficulté, facteur d'égarement. Ce fut le cas en Nouvelle-Angleterre lors du grand réveil du XVIlle siècle (The Great Awakening) avec Jonathan Edwards et Whitefield. «En Nouvelle-Angleterre les pasteurs engagés dans le réveil combattirent toutes les formes de direction subjectives, même quand celles-ci se réclamaient de l'Esprit. Ils exigeaient que l'Écriture soit le guide objectif, et l'unique guide, de leurs démarches. »
Pendant un certain temps, James Davenport suivit une orientation subjective et on le considéra comme un illuminé. Grâce aux efforts d'autres pasteurs, il finit par désavouer sa précédente attitude, en ces termes: «Je confesse que je me suis profondément égaré en prenant des impulsions ou des impressions comme règle de conduite, qu'elles se présentaient avec ou sans texte de l'Écriture. Je reconnais aussi avoir négligé d'observer avec soin l'analogie de l'Écriture.* Je suis convaincu que cela a grandement contribué à corrompre mes expériences et à m'entraîner loin de la Parole de Dieu. Ce fut un moyen fort commode dont s'est servi l'esprit d'erreur pour agir sur bon nombre de personnes, sur moi en particulier». Conscients que l'excitation religieuse pouvait égarer les foules, les pasteurs du réveil se sont constamment appliqués à tester toutes les expériences des convertis par les doctrines de la Parole de Dieu. Rien n'était valable pour eux que les opérations normales et intérieures de l'Esprit en conviction, régénération et sanctification.» (Traduit de Signs of the Apostles, W. J. Chantry, pp. 132 et 133).
C'est à la lumière de ces remarques qu'il faut lire ce qui va suivre. Elles servent à situer tout ce que j'ai à dire sur « La Bible dans l'expérience chrétienne».
«Vous observerez et vous mettrez en pratique tous les commandements que je vous prescris aujourd'hui, afin que vous viviez, que vous multipliiez, et que vous entriez en possession du pays que l'Éternel a juré de donner à vos pères. Souviens-toi de tout le chemin que l'Éternel, ton Dieu, t'a fait faire pendant ces quarante années dans le désert, afin de t'humilier et de t'éprouver, pour savoir quelles étaient les dispositions de ton coeur et si tu garderais ou non ses commandements. Il t'a humilié, il t'a fait souffrir de la faim, et il t'a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et que n'avaient pas connue tes pères, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel.» Deutéronome 8:1-3
À un peuple beaucoup trop axé sur la satisfaction de ses besoins physiques, sur le manger et le boire, Dieu souligne un autre impératif: celui de vivre - spirituellement - «de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel». Il ne suffit pas de remplir nos bouches de la nourriture matérielle. Il faut nourrir nos âmes «de tout ce qui sort de la bouche de l'Éternel», autrement dit de toute parole de Dieu, de toute la Parole de Dieu. Voilà l'élément vital, l'aliment indispensable. Celui qui le reçoit vit au sens le plus fort: il vit de la vie de Dieu. Celui qui s'en prive est «mort, quoique vivant» (cf 1 Timothée 5:6). Il est vrai que dans ce passage Dieu s'adresse au peuple de I'Ancienne Alliance. Mais cela ne change rien à la portée de la vérité énoncée, puisqu'il dit: «L'homme ne vit pas de pain seulement, mais l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l'Éternel». C'est vrai pour tout homme, sans exception.
Que cette déclaration soit universelle dans sa portée et son application et, de plus, actuelle - donc qu'elle nous concerne bien comme «chrétiens» - ressort du fait suivant: Jésus-Christ lui-même, que nous confessons comme Seigneur et Dieu, l'a citée au seuil de son ministère, lors de la tentation dans le désert, après un jeûne de quarante jours et quarante nuits.
Quelle clé et quelle inspiration pour nous, ses disciples! Quelle leçon aussi! Nous avons besoin de la Parole de Dieu, de la Bible, chaque jour, à chaque instant! C'est par elle et d'elle que nous vivons. De là le titre de cet exposé: « La Bible dans l'expérience chrétienne ».
Il est coutumier aujourd'hui de mettre l'accent sur l'expérience comme telle, quelle que soit sa source et quel que soit son contenu théologique. Et il y a beaucoup d'expériences extra-bibliques, sans lien avec la Parole de Dieu. Certes un christianisme dépourvu de la dimension expérimentale serait fantomatique. Mais l'expérience doit procéder de la Parole de Dieu, être régie par elle, ne pas s'en écarter, et y ramener, comme à son centre. La Bible est au coeur de l'expérience chrétienne.
I. Le rôle de la Parole de Dieu dans l'engendrement de la foi et dans la régénération
Sans l'action de la Parole, nous n'existerions tout simplement pas en tant que nouvelles créatures en Christ. Dans la création comme dans la rédemption, le rôle de la Parole est primordial. Dès le commencement, elle est là, à l'oeuvre.
« La Parole de la vérité, l'Évangile de notre salut» nous a atteints alors que nous étions encore dans l'ignorance, dans les ténèbres. Organe de l'Esprit-Saint, dont elle est inséparable, elle a éclairé notre intelligence, touché notre coeur. C'est elle qui nous a convaincus, car « la foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la Parole de Christ » (Romains 10: 17). C'est elle qui a suscité notre adhésion à l'Évangile, qui a incliné notre volonté et planté en nous la vie nouvelle:
« Il nous a engendrés selon sa volonté, par la Parole de vérité, afin que nous soyons en quelque sorte les prémices de ses créatures » (Jacques 1 : 18).
«Vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la Parole vivante et permanente de Dieu » Il Pierre 1 :23).
Pas de conversion authentique, solide, durable, décisive, pas de vraie régénération en dehors de l'action déterminante de la Parole, organe du Saint-Esprit.
L'illumination de l'intelligence, par l'Écriture, et son action au fond de la conscience, en conviction et régénération, sont la porte d'entrée obligatoire dans la vie et l'expérience chrétiennes. Autrement, conversions ratées, éphémères, d'ordre psychologique ou émotionnel, et non d'ordre spirituel.
Il. Le rôle de la Parole dans l'entretien de la communion avec Dieu et dans l'adoration
Communion
Toute vraie conversion, si elle entraîne des ruptures (« vous vous êtes convertis à Dieu, en abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai », 1 Thessaloniciens 1 :9), mène aussi à une union, à une communion avec le seul vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Les barrières dressées par le péché tombent. Enfin nous sommes « reliés » au seul vrai Dieu! « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu, et la communion du Saint-Esprit, soient avec vous tous!» (2 Corinthiens 13:13).
Mais cette communion doit être entretenue, maintenue, nourrie. C'est sous l'espèce de la Parole que le Seigneur se communique à nous, nous nourrit de sa vie, lui, le pain de vie, qui a donné sa chair pour la vie du monde: «Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif... Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie» (Jean 6:35, 63).
«L'oeuvre par laquelle l'Esprit de Dieu communique la vie est si intimement liée aux paroles de Christ que notre Seigneur identifie Ses Paroles et l'Esprit: « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie» (Jean 6:63). Christ ne se réfère pas à une «parole» abstraite que l'on pourrait rencontrer à travers une intuition bénie, ni à une expérience communicatrice de vie indépendamment d'une communication intelligente. Il s'agit plutôt de «paroles» (pluriel - c'est-à-dire d'effectifs véhicules de communication rationnelle - employées par l'Esprit pour apporter la vie à une âme. » (Signs of the Apostles, Walter J. Chantry, p. 111, traduction.)
La Parole a le caractère même de celui dont elle émane: elle est vie.
«Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, Même celui qui n'a pas d'argent!
Venez, achetez et mangez,
Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer!
Pourquoi pesez-vous de l'argent pour ce qui ne nourrit pas?
Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas?
Écoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est bon,
Et votre âme se délectera de mets succulents.
Prêtez l'oreille, et venez à moi,
Écoutez, et votre âme vivra ... » (Esaïe 55:1-3).
On ne peut séparer le Seigneur de sa Parole. C'est par elle qu'il nous nourrit de sa Personne, nous communique sa vie, qu'il entretient la communion entre lui et nous. Pierre exhorte ceux qui ont «goûté que le Seigneur est bon» (sa Personne) à désirer «comme des enfants nouveau-nés » - c'est-à-dire avec intensité, avidité - «le lait spirituel et pur», l'aliment de choix, approprié, qu'est la Parole.
L'expérience chrétienne ne peut s'épanouir réellement que par le ministère de la Parole vivante. Celle-ci est et demeure l'aliment indispensable de notre communion avec Dieu.
Adoration
Quant à l'adoration, elle est la réponse de tout notre être à l'action en nous de la Parole communicatrice de vérité et de vie. Il ne faut pas séparer la vie de la vérité. Toute vraie adoration suppose la communication d'un élément de connaissance. Pour qu'il y ait adoration - authentique - il faut que la révélation de la vérité soit présente. Autrement, l'adoration devient un acte irrationnel, irréfléchi, dépourvu d'intelligence, formaliste. Notre culte doit être intelligent, et pour qu'il le soit, l'élément révélationnel de la Parole doit être présent et actif.
Il en est trop qui confondent adoration et émotion, adoration et exaltation, adoration et excitation (je n'exclus pas du culte l'émotion si celle-ci naît de la révélation). L'adoration ressemble trop souvent à la « dynamique de groupe »...
Pour être authentique, il faut qu'elle découle de l'action illuminatrice continue de la Parole de Dieu. elle ne doit pas «tourner à vide», se muer en des formules creuses, répétitives (incantatoires), un langage pieux, sans vraie substance spirituelle, ni traduire un survoltage des sentiments.
Nous sommes appelés à adorer Dieu de tout notre être, dans la lumière de la révélation biblique. Notre intelligence est la première concernée. Ne la court-circuitons pas.
III. Le rôle de la Parole dans le développement de la vie nouvelle et la sanctification
Développement de la vie nouvelle
L'approfondissement spirituel consiste à découvrir de mieux en mieux et de plus en plus qui est Jésus-Christ, celui que nous avons reçu au début de notre expérience chrétienne.
Deux textes suffiront: «Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d'après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces» (Colossiens 2:6-7).
Christ est l'objet, Christ est le centre, Christ est le substrat de notre expérience chrétienne. Paul, vers la fin de sa vie, dit qu'il regarde toutes choses «comme une perte» et même «Comme de la boue, afin de gagner Christ, et d'être trouvé en lui », afin de « connaître Christ, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances» (Philippiens 3:8-10).
Christ, à tous les stades de la vie chrétienne, reste l'objet central de notre connaissance et de notre expérience. Nous n'avons pas besoin de «nouveautés», pas besoin du dernier «gadget» spirituel. Ce sont les enfants qui ont toujours besoin de nouveautés, de nouveaux jouets. Mais Christ est l'alpha et l'omega de notre expérience chrétienne.
Nous n'avons pas besoin de lui plus quelque chose. Nous avons «tout pleinement en lui » (Colossiens 2: 10). Ne cherchons donc pas des expériences hors de lui, à côté de lui, voire au-dessus de lui. C'est une vieille tentation et une vieille hérésie. On ne peut absolument rien ajouter à Christ.
Et le développement de la vie nouvelle en Christ (Christ est lui-même «la nouveauté absolue») n'est pas détachable de la Parole de Dieu, car Paul a soin de préciser: « ... et affermis par la foi d'après les instructions qui vous ont été données». Nous nous enracinons en Christ par l'étude de «la doctrine de Christ » (2 Jean 9).
Sanctification
À mesure que nous découvrons Christ dans la Parole, nous nous découvrons aussi nous-mêmes dans notre misère. La Parole, qui nous renvoie son image, nous renvoie aussi notre image. Elle joue le rôle de «miroir» dans les deux cas.
Et par l'instrumentalité de ce miroir qu'est la révélation biblique, nous mesurons les progrès que nous avons à faire. Car, d'un côté, il me révèle sans fard ma laideur morale (ce que Jacques appelle «le visage naturel»), et de l'autre, (da gloire du Seigneur», sa beauté immaculée.
Et cela aboutit - parce que le miroir de la révélation biblique est animé par la dynamique du Saint-Esprit - à travers le dépouillement du « vieil homme » et le revêtement de «l'homme nouveau» (la vie nouvelle en Christ), à une transformation glorieuse et progressive de tout notre comportement: « Nous tous qui, le visage découvert (en toute liberté), contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l'Esprit» (2 Corinthiens 3:18).
Voilà comment, par le ministère agissant de la Parole, organe de l'Esprit Saint, s'opère notre sanctification: «de gloire en gloire», d'un progrès dans la sainteté à un nouveau progrès, d'un degré à un autre.
IV. Le rôle de la Parole dans les épreuves du chrétien
Dans cette sphère-là, étroitement liée à notre sanctification et à notre croissance en Christ, la Parole a un rôle déterminant.
Tout d'abord, elle-même peut être à l'origine de certaines épreuves, la raison même de ces épreuves. En effet, l'enfant de Dieu vit dans un monde qui, viscéralement, rejette la Parole de Dieu et écoute la voix séductrice des faux prophètes. Le monde n'a jamais supporté la Parole de Dieu, qui le démasque et le juge. Ainsi, tout porteur de la Parole - qui est le témoignage de Dieu lui-même - est exposé à la souffrance, à la tribulation, à la persécution (Matthieu 5:11-12; 13:21).
Il n'est que de penser aux prophètes, Esaïe, Jérémie, Jean-Baptiste, à Etienne, aux apôtres, aux témoins de tous les siècles, mais surtout à Jésus-Christ, le Prophète par excellence et Parole incarnée: toute une lignée de témoins, de «martyrs» (le mot «témoin» correspond au grec marturios).
De plus, cette Parole (pour laquelle je souffre) m'enseigne explicitement que l'épreuve, la souffrance, sont inhérentes à la vie chrétienne, qu'elles ne sont pas «étranges» mais «normales». Elles font partie de notre lot et de notre vocation de disciples de Jésus-Christ, qui, lui-même, nous a précédés sur ce chemin-là:
«Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé» (Jean 15:20-21).
« Or, tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés » (2 Timothée 3: 12).
«Mes bien-aimés, ne trouvez pas étrange d'être dans la fournaise de l'épreuve, comme s'il vous arrivait quelque chose d'extraordinaire. Réjouissez-vous, au contraire, de la part que vous avez aux souffrances de Christ, afin que vous soyez aussi dans la joie et dans l'allégresse lorsque sa gloire apparaîtra » (1 Pierre 4:12-13).
Par son réalisme, la Parole nous prépare à l'épreuve et désarme l'effet de surprise: « Je vous ai dit ces choses, afin qu'elles ne soient pas pour vous une occasion de chute » (Jean 16: 1 ). La Parole, en me révélant le caractère logique de l'épreuve, m'aide à l'accepter.
Enfin, la Parole, par la lumière qu'elle projette sur nos épreuves - où, à première vue, il y a beaucoup de zones d'ombre - nous permet de les interpréter correctement, d'en saisir la nécessité, le sens et l'utilité. Elle nous amène à les voir sous un angle positif, c'est-à-dire comme des moyens de grâce et des marques d'amour du Père céleste, et non comme une forme de jugement.
C'est elle qui nous montre qu'elles servent au raffinement de notre foi (Il Pierre 1 :6-9), au progrès de notre sanctification («Dieu nous châtie pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté », Hébreux 12: 10), à notre croissance vers la maturité (« sachant que l'affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l'épreuve, et cette victoire l'espérance», Romains 5:3-4), à notre préparation pour la gloire à venir «nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au delà de toute mesure, un poids éternel de gloire», 2 Corinthiens 4:17).
C'est la Bible encore qui nous montre que les souffrances constituent une école d'identification aux souffrances d'autrui, afin que nous soyons capables de les consoler, après avoir été nous-mêmes, dans l'affliction, les bénéficiaires de la consolation divine (2 Corinthiens 1: 3-5).
Voilà toutes «les clés» que la Parole nous donne par rapport à nos épreuves. Et cela est capital, car, souvent, la plus dure épreuve, c'est de ne pas avoir la clé de l'épreuve!
Mais surtout, la Parole est - de par le fait qu'elle est « vivante » (véhicule de la vie de Dieu) - la cause directe de la victoire dans l'épreuve. Non seulement nous éclaire-t-elle, par sa vertu illuminatrice, sur le sens de l'épreuve, mais encore nous communique-t-elle la force de la traverser. C'est le toucher de Dieu dont nous avons besoin: « C'est ma consolation dans ma misère, car ta promesse me rend la vie » (Psaume 119: 50; cf Romains 15:4).
Paul-André Dubois
(à suivre)
La Bonne Nouvelle No 1 - 2 - 3 / 1991