Source: Pompignage

Comment s'opère une conversion ?

LISEZ LUC XIX 1 à 27

 

Napolèon ROUSSEL

Comment s'opère une conversion ? Telle est la question que bien des hommes se sont adressée, soit qu'ils aient douté de sa réalité chez les autres, soit qu'ils aient désiré pour eux sa réalisation. Or, l'histoire de Zachée va leur répondre.

L'existence de cet homme se partage en deux périodes bien distinctes : la première, où, chef des péagers, il s'enrichit des exactions et des rapines, et où, comme tout péager, il mène une mauvaise vie. C'est le témoignage que ses concitoyens lui rendent, et que lui-même par son silence en face de ses accusateurs et par ses aveux en présence de Jésus, Tel est Zachée jusqu'au jour où le Sauveur entre dans Jéricho.

La seconde partie de sa vie est toute autre: Zachée recherche Jésus: le reçoit dans sa maison, est prêt à distribuer aux pauvres la moitié de ses grands biens, et à restituer au qua-druple tout ce dont il a pu jadis s'emparer injustement; c'est ce que confirme Jésus en déclarant Zachée un digne fils d'A-braham et un élu de Dieu.

Entre ces deux époques si différentes de la vie d'un même homme, que s'est-il passé? Jésus a appelé Zachée, est entré dans sa maison et lui a déclaré qu'il était sauvé. C'est tout. Mais aussitôt, cet appel du Maître et ce salut donné par Jésus font naître dans le coeur du pécheur une joie féconde en bonnes oeuvres. Zachée n'a pas plutôt entendu la voix du Seigneur, qu'il s'élance du haut de ce sycomore où la simple curiosité l'avait fait monter, et court plein d'allégresse mettre sa demeure à la disposition de son Sauveur. S'il vient annoncer à Jésus son intention de consacrer la moitié de sa fortune à soulager les indigents et le reste à réparer ses injustices, ce n'est pas vanterie de sa part: car Jésus, Fils de Dieu, connaît trop bien le coeur humain pour s'y tromper, et Jésus lui donne un éloge. Non, mais c'est chez un pêcheur pardonné le besoin d'exprimer sa reconnaissance, de manifester sa joie, de témoigner son amour. Tout en deux mots: Jésus déclare à Zachée qu'il est sauvé; dés lors Zachée, heureux, exprime son bonheur en répandant des bienfaits sur ses frères ; sa joie produit sa charité.

Voilà donc comment s'accomplit là conversion du chrétien : Jésus soulage sa conscience du poids de ses péchés; il lui donne, non pas l'espoir, mais l'assurance d'une éternelle félicité, et cela à l'instant même -: " Aujourd'hui, dit-il aux Pharisiens en parlant de Zachée, " aujourd'hu,i le salut est entré dans cette maison; " et cette simple mais profonde assurance de pardon fait tressaillir le coeur, le bouleverse, le convertit; d'un homme, elle fait un chrétien; d'un pécheur, elle fait un saint, sous la bénédiction du Saint-Esprit.

Remarquez bien que les nouveaux sentiments et la nouvelle conduite de Zachée n'existent pas avant l'entrée du salut éternel dans sa maison, car c'est à son sujet que Jésus dit qu'il est venu chercher ce qui était perdu. C'est donc dans son état de perdition que le Sauveur a pris cet homme, et ce n'est qu'après avoir été tiré de l'abîme, après avoir été sauvé, que Zachée, jadis pécheur, peut donner une nouvelle direction à son existence; remarquez que c'est avec Jésus que ce salut est entré chez le chef des péagers, et que ce n'est que lorsque le Sauveur est déjà son hôte, que Zachée prend la résolution de changer de vie.

Eh! comment pourrait-il en être autrement? Comment le pécheur de goût et d'habitude aurait-il trouvé en lui-même le désir ou la force de se réformer, quand il était le plus profondément enraciné dans ses vices ? Alors, ami de l'argent et du plaisir, comment aurait-il pu se sentir porté vers un Dieu saint et juste, qui lui demanderait compte de son passé sans rien lui promettre pour son avenir ? Non ; mais du moment où Jésus lui donne le pardon, lui donne la vie éternelle, se donne lui-même pour lui assurer le salut, dès lors comment aussi Zachée resterait-il froid en face de si grand témoignages d'amour ?

Telle est donc la voie qui conduit à la conversion : celte voie est ouverte, non par nous, mais par Jésus; son but, le salut, est atteint non par nos oeuvres, mais par la grâce du Seigneur, et ce n'est que lorsque cette grâce nous est assurée qu'elle féconde en nous de saintes dispositions, et produit des oeuvres abondantes; ce n'est donc que lorsque nous aurons reçu complet et gratuit le salut de Christ, que notre coeur sera régénéré.

On comprend maintenant quelle est l'erreur de ces hommes, chrétiens encore faibles, si du moins ils sont déjà chrétiens, qui tombent dans le découragement, et doutent de leur salut, parce que leur vie n'est pas assez pure, leur zèle assez ardent, leur amour pour Dieu et pour les hommes assez vivant et dévoué. ils veulent voir les fruits avant d'avoir planté l'arbre, atteindre la sainteté avant d'avoir reçu l'élan du salut. Sans doute l'erreur ne serait pas moins grande si l'on prétendait croire sans aimer ; et Jésus répondra alors " On connaît l'arbre à son fruit ".

Mais nous ne parlons pas ici pour des hypocrites, qui nient par leur vie la foi qu'ils affirment par leurs lèvres, nous parlons pour des hommes qui, droits et sincères, ont cependant le tort d'attendre pour croire à leur salut d'avoir sanctifié leur vie. Non, non, chers frères, croyez d'abord que vous étes sauvés; sauvés par la foi, sauvés par grâce, réjouissez-vous de ce don inestimable, et quand vous saurez que " rien au monde ne peut vous séparer de l'amour que Dieu vous a témoigné en Jésus-Christ ", alors vous saurez que votre salut acquis ne peut plus se perdre; lorsque vous verrez par la foi les trônes que Dieu vous a dressés d'avance pour l'éternité, alors une nouvelle perspective s'ouvrira devant vos yeux, réjouira votre coeur, ennoblira vos pensées et peuplera votre vie d'actions pures, saintes et dévouées, car le salut était entré déjà dans sa maison, quand Zachée conçut sa première pensée de justice, d'amour et de sainteté.

Napolèon Roussel.