La discipline des pensées

 

«C'est à la tête qu'est sa plaie » (Lév. 13:44)

Pendant la cérémonie de mariage du gérant d'une bijouterie, un étrange incident survint au moment de l'échange d'alliances. Alors qu'il glissait l'alliance au doigt de sa fiancée, l'émotion lui fit oublier la phrase qu'il devait prononcer en cet instant solennel. Le pasteur vint aussitôt à son secours en lui soufflant les premiers mots: «Avec cette alliance... ». « Avec cette alliance, reprit le fiancé, nous donnons une garantie écrite, en rappelant au client que le prix lui sera remboursé s'il n'est pas satisfait.» Une des formules commerciales qui façonnait, occupait et dominait le monde habituel de ses pensées tout au long de la semaine venait de lui échapper au moment le moins approprié pour cela.

L'homme est façonné par ce qui domine sa pensée: «Comme il a pensé dans son âme, tel il est.» (Prov. 23:7). Chaque pensée cultivée est semblable à ces gouttes d'eau chargées de calcaire qui, tombant régulièrement de la voûte de certaines grottes, contribuent à la lente formation de stalagmites et de stalactites qui se rejoignent parfois pour façonner d'impressionnantes colonnes. Rideaux de velours blanc immaculé aux franges élégantes, draperies majestueuses, piliers orgueilleux scintillants de glace, donnent à chaque caverne son caractère particulier. «Sème une pensée, tu récolteras un acte; sème un acte, tu récolteras une habitude; sème une habitude, tu récolteras un caractère ». Ce vieux dicton populaire se vérifie tout au long de l'histoire des hommes. Du temps de Noé, le déluge a frappé l'humanité parce que le coeur de l'homme ne concevait chaque jour que des pensées mauvaises se traduisant concrètement par une méchanceté sans borne (Gen. 6:5). Les mauvaises « habitudes de pensée» creusent en nous de profondes ornières qui emprisonnent, orientent et modèlent tout notre comportement, langage, écoute, regard, actions...

Le vrai disciple de Jésus-Christ pratique la discipline des pensées. Il n'ignore pas l'importance fondamentale des pensées qu'il cultive et leur impact sur son comportement quotidien. La vraie spiritualité «est avant tout une question de pensée. Les effets extérieurs en sont l'expression, le résultat. Ce n'est pas dans le monde visible que les luttes morales se gagnent d'abord. -Toutes les victoires extérieures découlent naturellement d'une cause, et cette cause se trouve dans le monde intérieur, dans nos pensées» (F.A. Schaeffer). Nous n'avons donc pas le droit de laisser à nos pensées la bride sur le cou. Toute pensée rebelle doit être faite prisonnière, amenée à obéir au Christ et à reconnaître son autorité (2Cor. 10:5). Il nous faut lutter, avec le secours tout puissant du Saint-Esprit pour soumettre nos pensées à sa Seigneurie. «Le royaume de Dieu constitue à vrai dire un royaume totalitaire: contrairement aux systèmes humains qui doivent se contenter d'une conformité extérieure, le royaume de Dieu s'étend jusque dans nos pensées les plus secrètes. Il n'y a pas une pensée qui traverse notre esprit sans qu'elle suscite l'approbation ou la désapprobation du royaume» (E. Stanley Jones).

Point de place donc pour ces fantasmes honteux où carte blanche est donnée à l'imagination pour produire des scénarios indécents: « Celui qui ferme les yeux pour se livrer à des pensées perverses, celui qui se mord les lèvres a déjà consommé le mal» (Prov. 16:30). «Il est des pensées qui doivent être délibérément chassées, celles qu'inspirent l'amour-propre, la préoccupation démesurée de nous-mêmes ou le rappel des torts dont nous avons pu souffrir. Réveiller ces blessures-là, même en imagination, peut conduire à l'amertume qui est bien une souffrance coupable et paralysante entre toutes» (L. Grassmuck).

Il est vrai que ce que nous écoutons, lisons, regardons joue un rôle prépondérant et décisif dans l'élaboration de nos pensées. Il y a interaction permanente entre nos pensées et notre comportement. Nos actes affectent nos pensées et ces dernières inspirent et marquent notre action de leur sceau.

Que lisons-nous? Qu'écoutons-nous? Que regardons-nous? De quoi parlons-nous? La meilleure façon de se défendre contre ce qui est laid, corrosif, négatif, avilissant est de ne pas s'y plonger volontairement! Le contenu de nos bibliothèques, vidéothèques et autres cassettothèques n'est pas étranger à notre état d'esprit, à la qualité de nos pensées et à leurs empreintes sur notre comportement quotidien. Nos rapports généralement beaucoup trop étroits avec la télévision façonnent subtilement en nous une nouvelle manière de penser qui en vient insensiblement à banaliser l'immoralité, la violence, le mensonge... à leur octroyer certaines lettres de créance, et enfin à pratiquer ces péchés habilement déguisés en vertus! Et que dire du «syndrome de l'ordinateur», dont les victimes ne peuvent plus penser autrement qu'en langage informatique, et de l'accès facile aux gisements les plus immondes sur Internet... Notre esprit serait-il à confondre avec une poubelle, un dépotoir, une décharge publique?

Il est aussi vrai que nous ne pouvons pas systématiquement échapper aux agresseurs de la pensée. Il nous est impossible d'empêcher toutes sortes de pensées ennemies de Dieu de se présenter à la porte de notre esprit. Par contre, nous pouvons les arrêter sur le seuil et faire le tri entre les « bienvenues » et les « interdites de séjour». Nous ne sommes pas coupables de la mauvaise pensée à l'instant où elle surgit, mais nous sommes responsables de l'accueil que nous lui réservons: «Je ne puis empêcher les oiseaux de voltiger au-dessus de ma tête, mais je dois les empêcher de nicher dans mes cheveux».

Sachons donc être énergiquement inhospitaliers! « La source de toutes les mauvaises tentations, c'est l'inconstance de notre coeur... Repoussons l'ennemi dès que nous l'avons entendu frapper.- C'est ce qui fait dire à un certain poète: « Résiste dès l'abord, plus tard il est trop tard... D'abord une simple pensée, puis une imagination plus vive; ensuite une complaisance, le mouvement déréglé, enfin le consentement». Telle est la tactique de l'ennemi rusé quand on ne lui résiste pas tout de suite. , Plus on est lâche, plus on devient faible contre un ennemi qui se fortifie de jour en jour» (L'imitation de Jésus-Christ). «Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées... Et le Dieu de paix sera avec vous.» (Phil. 4:8-9)

Maurice Decker « La Bible à coeur ouvert »

La Bonne Nouvelle No 2 / 2001

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