Des Eglises malades!

 

«L'Église chrétienne d'Occident est bien malade, à part les Pentecôtistes qui, de 12 millions en 1958, ont passé à près de 300 millions aujourd'hui. Dans les églises traditionnelles ou historiques, c'est la décadence: les enfants des chrétiens sont drogués, homosexuels... » Voilà ce qu'écrivait récemment un pasteur réformé retraité, connu pour sa tendance charismatique. (1) L'Eglise chrétienne est certainement malade, surtout si l'on entend par Église la chrétienté apostate qui ne supporte plus la saine doctrine biblique et qui se donne - ou accepte - une foule de docteurs qui détournent ses oreilles de la vérité (Il Timothée 4:3-4). Mais prétendre que seuls les pentecôtistes font exception nous semble relever d'un triomphalisme ou d'un sectarisme dangereux.

La croissance numérique en soi n'est pas forcément un signe de bonne santé. D'autres mouvements, peu recommandables, progressent aussi, alors qu'il arrive que des églises fidèles soient désertées par des membres qui désirent prendre un chemin plus large.

Il est d'autre part évident que le pentecôtisme-charismatisme n'a malheureusement pas une santé aussi florissante qu'on voudrait nous le faire croire. Il est en crise permanente, troublé et divisé par divers courants et errements que les uns développent et que d'autres dénoncent et combattent. Preuve en soit, par exemple. la récente prise de position de trois Églises pentecôtistes, membres de la Fédération Protestante de France: l'Église apostolique, l'Église de Dieu et les Églises Évangéliques du Réveil. Ces Églises se disent préoccupées par la montée de certaines tendances qui se répandent insidieusement dans l'Église d'aujourd'hui en précisant qu'il s'agit essentiellement des doctrines et pratiques de la pensée positive (parole de « foi », parole dite «créatrice»), de l'«évangile de la prospérité» matérielle, de la «visualisation », (2) d'une certaine forme de psychothérapie dite « chrétienne », d'une recherche de « révélations »permanentes, de « semences de foi », etc. (3)

Les Églises qui ont ainsi pris position déclarent n'avoir aucune parenté avec ces doctrines et pratiques, tout en relevant les rapports souvent étroite existant entre ces tendances et la doctrine montante du «Nouvel Age», doctrine «spiritualiste» et syncrétiste, apparentée à diverses formes d'occultisme. Elles déclarent en outre: Ces tendances ont pour point commun la déification de l'homme, de son imagination, de sa volonté, un appel à l'autosuggestion, sous prétexte de foi, le tout prétendant se baser sur des passages bibliques tronqués et soigneusement isolés de leur contexte. Tout se passe comme si l'on pouvait, par de telles méthodes, marchander avec Dieu ou lui forcer la main. On ne peut que se réjouir d'une telle mise en garde venant de la part de pentecôtistes qui ont pris conscience de ces graves déviations, mais on ne doit pas ignorer que ce sont essentiellement des milieux pentecôtistes et charismatiques qui ont généré ce mal et qui en sont les porteurs. Citons, par exemple, le pasteur Yonggi Cho (4) qui s'est fait le propagateur de la visualisation, de la pensée positive, de la parole «créatrice», etc. Il est le conducteur de la prétendue plus grande église locale du monde, une assemblée de Dieu (pentecôtiste) à Séoul et il participe aux grands congrès mondiaux d'évangélisation, tels que celui qui s'est tenu l'été dernier à Manille (Lausanne II).

On pourrait citer d'autres prédicateurs de renom qui répandent ces mêmes idées, ainsi John Wimber (49 4 qui rassemble de grandes foules et qui organise en France, en Suisse et ailleurs des séminaires que fréquentent malheureusement aussi des évangéliques. C'est donc bien au sein des églises pentecôtistes et charismatiques que sont apparues ces excentricités, parce que leur enseignement et leurs pratiques ont présenté un terrain favorable à l'éclosion et à la propagation de ces phénomènes. C'est pourquoi il est heureux que la réaction soit aussi venue de pentecôtisants, hélas! minoritaires. Mais pour s'en sortir vraiment, il ne faudrait toutefois pas simplement combattre les symptômes de ce mal, mais l'attaquer à sa racine, c'est-à-dire revenir à une saine interprétation des Écritures par les Écritures en ne donnant plus à des expériences douteuses la primauté sur la Bible. Cette règle vaut d'ailleurs pour chacun de nous, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber! (1 Cor. 10: 12)

Jean Hoffmann

La Bonne Nouvelle No 6 / 1990

© La Bonne Nouvelle

 


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1 E.O. de Coninck dans «I'Entente Évangélique » No 293 (oct-nov.89) sous le titre « Le défi de l'Islam ».

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2 Dans ce contexte, la visualisation consiste à se représenter mentalement ce que l'on souhaite obtenir et de croire fermement à sa réalisation, que ce soit une guérison, une réussite, de l'argent ou un objet quelconque.

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3 Dans « Le Christianisme au XXe siècle » No 238 du 23-12-89, p. 5.

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4 Voir «La Bonne Nouvelle» No 6/88 sous «Signes des temps, le renouveau spirituel selon John Wimber» (p.88). On pourrait aussi citer ici Reinhard Bonnke « Crescendo du Saint-Esprit, une nouvelle onction pour une nouvelle décade!» (Euro-Fire) dans IDEA (Alliance Évangélique Française) No 1/90.