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Semeur de joie.

 

- Tu ne m'attendras pas de bonne heure, Marie.

- Naturellement ! Comme toujours les jours de fête, nous serons en retard sur tout le monde pour avoir notre tour, quand chacun aura fini !

- Prends-en ton parti, ma bonne. C'est le métier qui le veut. Du reste, s'il est, pénible, aujourd'hui il est plus agréable que certains jours : on ne porte que de joyeux messages en général. Je me hâterai tant que je pourrai d'ailleurs, mais s'il y a quelque chose pour la ferme des Grands Bois...

- La ferme des Grands Bois ! Y penses-tu ? par des chemins pareils ! Tu n'y es pas obligé, il n'y a qu'à leur dire de passer an bureau ce soir, en venant apporter le lait.

- En temps ordinaire, oui. Mais aujourd'hui ! Souviens-toi que les trois enfants ont la coqueluche, le jour de l'an ne sera déjà pas trop gai pour eux ; veux-tu leur faire attendre jusqu'à ce soir un, paquet qui leur viendrait en surprise ?

- Je ne dis pas... fit Marie, radoucie. Du reste, je sais bien que tu es trop bon ! Pour ce qu'on t'en sait gré !

- Qu'en sais-tu ? Peut-être plus qu'on ne le croit. Et puis on n'accomplit pas son devoir pour en être récompensé.

Et Jean-Daniel, le jovial facteur du village, acheva de boutonner ses guêtres pour s'en aller faire sa tournée par -un neigeux premier janvier où chacun - sauf lui peut-être - se calfeutrait au coin de sa cheminée.

Le temps de prendre, sa charge au bureau de poste, d'échanger un mot avec le pasteur qui s'en allait faire son culte à l'annexe, et le voilà trottant bravement sous la giboulée, chargé comme un baudet et ne songeant pourtant pas à se plaindre du surcroît de fatigue et de peine. La neige avait beau former des sabots sous sa chaussure ou lui cingler le visage de coups d'épingles, il ne s'en apercevait même pas, tout pensif qu'il était en songeant à une parole ajoutée par le pasteur au cordial « Bonne Année 1 » traditionnel: Eh ! bien, Jean-Daniel, vous êtes le semeur de joie aujourd'hui!

- Semeur de joie !

- C'est tout de même bon de sentir qu'on fait plaisir aux autres pensait-il.

- Hé ! Madame Michel, une lettre pour vous

Mme Michel accourait, joyeuse :

- Merci bien, Jean-Daniel, je l'attendais ! Mon garçon, si éloigné soit-il, ne m'oublie jamais.

-Trois paquets pour vos mioches, Madame Justine. Et je vous souhaite bonne année par dessus le marché

- Merci, facteur. A vous de même.

Et ainsi de suite tout le long de la route. La charge diminue et, la bonne humeur de Jean-Daniel augmente; il a pris sa tâche au sérieux et pour un peu croirait que c'est lui-même qui fait les présents, tant il a de plaisir à les distribuer.

Devant une maisonnette, il s'arrête, fouille en vain son sac... rien pour la mère Gavin, c'est dommage, elle qui a si peu de joie

dans sa vieillesse solitaire. - Eh ! bien tant pis, je sonne quand même, il faut qu'elle ait aussi son message du jour de l'an.

- Il n'y a rien pour vous, grand'mère, mais je vous dis tout de même bonne année en passant!

Le visage ridé de la petite vieille s'éclaire

- Je n'attendais rien non plus de personne, niais vous êtes bien aimable, facteur, de penser à moi avec tout le travail que vous avez aujourd'hui et par le temps qu'il fait. Merci !

La porte à côté est close également et personne ne se montre. En général, Jean-Daniel pose, sans rien dire, sur la fenêtre, le journal du vieux grincheux qui habite là, mais cette fois il ne peut s'y résoudre. Semeur de joie! pourquoi pas là comme ailleurs ?...

Et la porte s'ouvre, et dans le corridor sa voix retentit, claire et forte :

- Votre journal, Monsieur Firmin, et bonne année à vous aussi

Un grognement part du fond de la chambre :

- Oui, oui, c'est bon ! pour ce que l'année m'apporte, à moi, à part les rhumatismes ! Ne laissez pas entrer le froid, s'il vous plaît.

Mais Jean-Daniel ne s'offusque pas : il se dit que tout au fond le bonhomme lui saura peut-être gré de son salut, et qu'une toute petite graine peut germer dans ce coeur aride...

A la ferme des Grands-Bois, quelle joie ! On ne l'attendait guère par ce temps. Il est bien bon de se déranger. Il faut entrer et se réchauffer un peu et prendre une tasse de café...

Mais Jean-Daniel ne veut pas s'attarder: pensez, Marie est seule qui l'attend, et il tient à rentrer pour qu'elle aussi ait son heure de joyeuse intimité. On comprend certes, et on le remercie d'autant plus de son obligeance. De plus, on bourre son sac, maintenant vide, de friandises de ménage qu'il sera tout heureux, une heure plus tard, de déposer sur la table en arrivant au logis, où Marie l'accueille avec un bon sourire et du thé bien chaud.

Vite, elle étend le manteau mouillé près du feu, apporte les pantoufles et Jean-Daniel raconte sa tournée.

- Sais-tu, dit-il en terminant, ce qui m'a donné le plus de courage pour braver la tempête ? C'est l'idée que j'étais le semeur de joie, et que du plus ou moins de bonne volonté et d'entrain que je mettais à mon service dépendait peut-être un sourire de plus ou un soupir de moins !

Et nous ? Serons-nous aussi des semeurs de joie autour de nous, non seulement aujourd'hui, mais demain, mais tous les jours de l'année ?

L. M.


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L'homme heureux.

(Psaume 84.)

 

Chers enfants !

Voici la nouvelle année ! Voici le moment d'échanger nos voeux. Nous nous disons à travers l'espace, par la pensée: « Bonne année ! » Nous la voulons bonne pour nous-mêmes, nous la voulons bonne pour des autres. Comment sera-t-elle bonne ? Quels seront les hommes heureux de 1930 ? Tous les hommes, n'est-il pas vrai, recherchent le bonheur; tous aspirent au bonheur! Pourquoi tous ne sont-ils pas heureux ? Ah ! c'est qu'il faut s'entendre sur ce qu'est le bonheur, et aussi sur les chemins qui y conduisent. Est-ce que le bonheur réside dans les fêtes, dans les jeux, dans la recherche de l'argent ? Oui, dans une certaine mesure. Mais quand les fêtes et les jeux sont passés, quand l'argent est dépensé, que reste-t-il pour réjouir le coeur de l'homme ? Un souvenir ! De la tristesse souvent...

Pour être heureux, il faut quelque chose qui demeure, qui ne soit pas destructible, passager. Il faut une joie qui anime le coeur et que rien ne puisse détruire.

Voyez la joie du psalmiste. Il célèbre sa joie (Ps. 84, lisez-le). Elle est forte sa joie, elle est en Dieu. Ce qui veut dire qu'il trouve sa joie dans le service de Dieu, et toute sa joie, toute sa satisfaction. Quand il souffre, quand il est malheureux, il est semblable au petit oiseau qui a perdu son nid, il est éloigné des « Parvis de l'Eternel ».

Dans la maison de Dieu, il rencontre Dieu et Dieu remplit son âme ,de confiance et de joie. Il vit dans la pensée que Dieu le protégera, il est heureux !

Voulez-vous être heureux en 1930 ? Voulez-vous, comme le psalmiste, pouvoir chanter votre joie? Alors, fuyez le mal sous toutes ses formes, les mauvaises compagnies, les mauvais livres, tout ce que votre conscience éclairée par Dieu condamne et désapprouve.

« J'aime mieux me tenir sur le seuil de la maison de mon Dieu que d'habiter dans la tente des méchants ». Quel bonheur pour des enfants de Dieu de pouvoir, dans la maison de Dieu, s'unir à leurs frères, se réjouir avec eux, louer Dieu avec eux, puiser des forces avec eux.

Un pasteur, qui n'est plus aujourd'hui, aimait à dire: « Le péché fait des solitaires, l'amour fait des solidaires ». Le péché fait des malheureux, l'amour fait des heureux. A. Avondet, pasteur.

N'abandonnez Point nos assemblées (cultes) comme quelques-uns ,en ont pris l'habitude, mais fortifions-nous les uns les autres. (Hébr. 10: 26).


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La promesse d'André

 

Sur la plage, c'était l'heure joyeuse du bain.

Assis près du fort en sable qu'il ventait de construire, André, un garçonnet de douze à treize ans, regardait mélancoliquement les ébats des baigneurs.. Il fut tiré de sa contemplation par la voix joyeuse d'un de ses amis :

- Alors, voyons, André, tu ne viens pas te baigner ?

- Non, Lucien, tu sais bien que maman ne le veut pas et que j'ai promis de lui obéir.

- Mais nous allons seulement « faire trempette » près du bord, nous n'aurons de l'eau que jusqu'à la ceinture, il n'y a pas là le moindre danger.

- C'est vrai. Mais même cela inquiète maman et elle m'a fait promettre de me contenter de patauger sans avoir jamais de l'eau plus haut que les chevilles.

- C'est un peu fort tout do même Sûrement tu es le seul garçon de la plage à qui sa maman défende de prendre un bain.

- Tu sais bien pourquoi, dit André tristement. C'est depuis que papa -s'est noyé en se baignant - alors, elle a peur qu'il m'arrive la même chose.

- C'est une terreur nerveuse qui n'est pas raisonnable. A quoi bon alors venir passer ses vacances au bord de la mer ?

- J'ai été malade cet hiver et le docteur a dit qu'il me fallait l'air de la mer.

- -Pendant qu'il y était, ton docteur, il aurait bien pu t'ordonner de prendre des bains, ta maman aurait été forcée de lui obéir.

- Pauvre maman, elle a l'air si malheureux quand je lui demande de me laisser me baigner ! Je ne veux pas lui causer ce tourment.

- Ce qui est absurde, c'est que de cette façon tu n'apprendras jamais à nager. Et alors, si un jour tu tombes à l'eau, c'est pour le coup que tu te noieras.

- Oh ! mais, maman a pensé à cela. Cet hiver, quand nous serons rentrés à Paris, elle me fera prendre des leçons de natation dans une piscine. Nous connaissons -un professeur très prudent et expérimenté ; avec lui maman sera tranquille.

- Le beau plaisir de nager dans une piscine ! Crois-tu que ça vaut la mer avec ses vagues qui viennent vous fouetter, ou sa petite houle qui vous berce si gentiment ?

- Eh ! non, ce n'est pas pareil, je le sais bien. Mais l'année prochaine, quand nous reviendrons ici, je saurai nager et alors maman me permettra sans doute de me baigner.

- L'année prochaine! l'année prochaine ! tu as de la patience

de l'attendre, l'année prochaine. A ta place, je me moquerais des terreurs exagérées de ma mère et je lui démontrerais: primo, qu'un garçon ne doit pas être couvé comme un poussin ; secondo, qu'il est cruel de te priver d'un de plus grands plaisirs, de tes vacances ; et tertio, qu'à moins de faire exprès de tenir sa tête sous l'eau, il est impossible de se noyer quand on reste près du bord avec seulement de l'eau jusqu'à la ceinture, ou même jusqu'à la poitrine.

- Cela ne convaincrait pas maman ; elle finirait peut-être par céder pour me faire plaisir, mais elle serait dans une terreur perpétuelle.

- Enfin, à ton aise. Je ne sais pas si tu as du mérite d'être aussi obéissant, ou si tu n'es qu'un nigaud. Je penche plutôt vers la seconde hypothèse. A tout à l'heure, nigaud.

Et Lucien s'éloigna en riant. André poussa un gros soupir, puis se remit à regarder les baigneurs. Plus il les regardait, plus il avait envie de se joindre à eux, et plus il songeait que son camarade avait raison.

- C'est vraiment trop dur de ne pas me baigner comme les autres, songeait-il. Tous mes amis se moquent de moi ; les uns m'appellent « poule mouillée », les autres « petit saint », ou « grand nigaud » comme Lucien. Si seulement la défense de maman était raisonnable ! Mais il est bien vrai qu'elle n'est motivée que par une crainte nerveuse tout à fait exagérée. Je ne veux pas manquer à ma promesse, mais ce soir même je tâcherai d'obtenir de maman qu'elle me rende ma liberté.

Le soir, en effet, André abordait ce sujet. Aux premiers mots, il vit le visage de sa mère pâlir et s'altérer.

- Mon chéri, murmura-t-elle, ne me demande pas cela. Tu ne peux pas savoir ce que je ressens lorsque tu me parles d'aller te baigner.

Elle s'interrompit un instant. André restait silencieux.

Je sais que je te demande un gros sacrifice, reprit-elle ; ce sacrifice, veux-tu l'accepter par amour pour moi ?

Devant le regard angoissé qui cherchait le sien, André n'hésita pas. Qu'importait son plaisir, qu'importaient même les moqueries ,de ses camarades, au prix du bonheur et de la tranquillité de sa mère ?

- Ne crains rien, maman, dit-il d'une voix ferme. Je le promets de ne pas me baigner.

- Merci, mon enfant, dit sa mère avec émotion. Me voici rassurée, car je sais que je peux compter sur la promesse.

André sourit sans répondre, mais en lui-même il songeait

- Et tu as raison, maman chérie, car cette promesse, je la tiendrai, quoi qu'il m'en coûte.

M. Allégret.


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David et Nathan.

(Il Samuel 12: 1-10, 13).

 

Quel admirable récit que celui du chapitre 12 du deuxième livre de Samuel ! L'avez-vous lu, chers enfants ? Quelle histoire tragique et impressionnante. David, roi d'Israël, oint de l'Eternel, a commis un crime abominable en faisant mourir un de ses vaillants soldats, Urie, dont il avait pris la femme. Ce que David avait fait « déplut à l'Eternel ».

L'Eternel envoie un de ses serviteurs, Nathan, le prophète. Nathan raconte à David cette admirable parabole du pauvre qui possédait une brebis faisant sa joie et sa fortune, et dont un riche s'est emparé pour l'apprêter en vue d'un festin, cela, afin de ne pas diminuer son propre troupeau.

David s'irrite contre pareille injustice et déclare un tel homme digne de mort. Nathan le juge sur sa parole et lui dit: <Tu es cet homme-là ». Toi qui possèdes toutes richesses et tous biens désirables et qui avais tout en abondance, à qui Dieu aurait donné davantage encore si tu le lui avais demandé, pourquoi as-tu méprisé la parole de l'Eternel en faisant ce qui lui déplaît ? (II Sam. 12.- 9).

Maintenant, puisque tu as péché, puisque tu as méprisé ton Dieu, tout roi que tu es, la main de Dieu sera sur toi et l'épée désolera ta maison.

Quelle admirable figure que celle de Nathan. Quel courage dans son intervention. Il parle au nom de Dieu. Peu importe si sa démarche lui vaut l'hostilité du roi. Dieu l'envoie, il exécute l'ordre de marche, confiant dans la force de l'Eternel. Quelle rude franchise! Et quelle franchise sans dureté, sans mépris 1 « Tu es Roi, tu es le chef ; et tu te conduis comme un esclave, comme l'esclave de tes passions ! » David dans son péché, nous apparaît grand, lui aussi. Oui, il a péché, il a déplu à l'Eternel, il est un criminel ! Nathan ne le lui dit pas à mots couverts, mais David ne cherche pas des excuses. Il n'a qu'un mot, il s'écrie : « Oui, j'ai péché contre l'Eternel » (II Sam. 12: 13).

Parce qu'il reconnaît humblement son péché, Dieu lui pardonne. Mais David n'en aura pas moins à supporter les conséquences de son péché.

Deux grandes leçons se dégagent de ce court récit:

 

1. Le courage de Nathan qui proteste ouvertement contre l'infamie. Ayons le courage d'un Nathan quand il s'agit de dire : Halte ! au péché et à l'injustice.

2. L'attitude de David qui accepte humblement les reproches que mérite sa conduite. Quand Dieu nous reprend, ne dissimulons pas, ne nous excusons pas. Avouons notre péché, et Dieu nous pardonnera parce que son amour est plus grand que notre misère.


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La guérite de Claude.

 

Accompagné de son institutrice, Claude est entré dans un magasin de jouets. Dans sa main, il tient trois belles pièces de cent sous, qu'il lui est permis de dépenser à sa fantaisie. Mais ces instants de cruelle indécision. et celui, toujours poignant, où l'on va choisir, seront évités à Claude, qui, depuis longtemps, a pris une résolution.

- Des soldats, des cow-boys, des Indiens et des cavaliers.

Après avoir annoncé avec fermeté ce qu'il désire, Claude s'est appuyé contre les vitrines pleines de joujoux, un peu palpitant, ému. Les soldats seront-ils exactement comme il le voudrait ! Et cette grosse dame qui la sert, saura-t-elle reconnaître les cow-boys et les Indiens ! Les cavaliers, c'est facile, mais les sauvages ! Une dame ! comment voulez-vous qu'une dame sache les reconnaître ; et Claude, homme déjà méprisant de l'infériorité féminine, hausse les épaules.

Etrange ! la grosse dame n'est pas aussi inintelligente que Claude le pensait ; elle vient de déposer sur une table de longues boîtes qui contiennent des sauvages, fort beaux, ma foi. Un regard investigateur, et Claude repousse quelques boîtes.

- Pas cela ! Ceux-ci non plus ! Oui, les officiers, les cow-boys. les sauvages.

Pendant que 'la grosse dame emballe les trois boîtes de soldats, Claude promène un regard condescendant sur les autres joujoux du magasin. Tiens 1 ces guérites ne sont pas très laides. C'est assez drôle, mais, sans aucunement froisser sa dignité, Claude croit même pouvoir avouer qu'elles sont au contraire très jolies, surtout cette petite rouge et blanche ; à l'intérieur. il y aurait tout juste la place pour un soldat de garde. Claude n'hésite plus ; très délicatement, il prend la 'guérite, et la tend à la grosse dame.

- Vous n'avez pas assez à vos soldats, Claude ? Pourquoi encore cette guérite ! Gardez plutôt l'argent qui vous reste.

Ce que dit mademoiselle est peut-être, raisonnable, mais Claude allonge la lèvre, maussade.

- Cet argent est à moi. Petite mère permet que j'en fasse ce qu'il me plaît. J'aime tellement cette guérite ; vous savez. mademoiselle, je pourrais y mettre les soldats de garde.

Mademoiselle n'insiste pas ; elle sait que Claude est volontaire et ne cédera pas. Elle se tait, mais lorsqu'on est sorti du magasin, après avoir remercié la grosse dame, tout en se promenant, elle parle sérieusement. Claude n'est pas très gentil, il ne pense qu'à lui, jamais à son frère Jacques, qui, aujourd'hui est malade.

D'habitude, lorsque Claude est au lit, Jacques lui apporte toujours un petit cadeau. Claude, 'lui, n'y pense jamais. Alors, puisqu'il était très riche, n'aurait-il pas pu acheter un petit rien qui ferait plaisir à Jacques ?

Claude écoute, d'abord instinctivement révolté, ensuite un peu honteux. En effet, il aurait pu penser à son frère ! Mais, maintenant, il n'a plus d'argent, seulement un ou deux sous, trop peu pour le moindre joujou. Ses soldats ! non, Jacques en a déjà de semblables. La guérite ! Oui, il y aurait la guérite.

Une grande tristesse envahit Claude. Sa jolie guérite, l'abandonner 1 Il fait très beau temps, mais il ne s'aperçoit même plus que le soleil brille. Sa guérite ! Non, c'est impossible. Et pourtant, Jacques aussi la trouverait jolie; comme Claude, il y mettrait ses soldats de garde.

Pendant la promenade, le petit garçon parle peu, est songeur, mélancolique. Mademoiselle le regarde. Il tient ses soldats dans une main, sa guérite dans l'autre. Il a un peu écarté le papier qui l'enveloppe, et la contemple avec amour.

- Eh ! bien, Claude ?

Claude soupire profondément, puis, après un dernier instant de détresse :

- Mademoiselle, je donnerai ma guérite à Jacques. Il sera content, n'est-ce pas ?

Mademoiselle sourit, un peu remuée. Le geste de Claude est joli. d'autant plus joli, qu'il tenait énormément à son joujou.

- C'est très bien, Claude.

On a un peu abrégé la promenade. Claude désire donner tout de suite la guérite, peut-être pour ne pas risquer de faiblir, en attendant plus longtemps.

C'est fait. En rentrant à la maison, Claude a mis un joli cordon autour du paquet, puis s'est rendu dans la chambre de son frère.

- Tiens, Jacques, c'est pour toi.

Dans son lit blanc, Jacques a cessé de modeler, et prend le paquet. Il a l'air content, très content, en sortant la jolie guérite rouge et blanche de son papier. En voyant la joie de son frère, Claude, d'abord un peu triste, sourit, se sent heureux, ne regrette plus du tout la guérite.

- Viens m'embrasser, Claude.

S.C.


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La révolte d'Absalom.

(Il Sam. 15: 1-15, 23-24 ; 16: 5-14).

Le roi David fuit devant son fils

On pourrait placer en sous-titre de l'histoire des dernières années de la vie de David, cette parole du Nouveau Testament : « Ce qu'un homme sème, il le moissonnera aussi ! » David paie durement les écarts de sa conduite passée.

Absalom est un intrigant qui cherche à détrôner son père pour régner à sa place. Il attire sur lui les regards du peuple par l'étalage d'un luxe éblouissant. Il achète des chevaux, se fait escorter par une troupe de jeunes hommes qui lui tient lieu de cour.

David n'est plus en mesure d'exercer la justice. Il est débordé par les démarches du peuple. Les gens qui viennent nombreux du dehors pour se faire rendre justice, doivent attendre des journées entières avant que leur tour soit venu d'être entendus.

Absalom saisit l'occasion, il gagne le coeur des jeunes et du peuple par de belles promesses, tels certains députés qui à la veille des élections promettent monts et merveilles pour se faire élire.

Absalom va offrir un sacrifice à Hébron où se trouvait le tombeau d'Abraham et Sara. L'acte était habile : d'aucuns voyaient de mauvais oeil que l'on construisit un nouveau sanctuaire, qui devait être par la suite l'unique, à Jérusalem.

Le jeune ambitieux eu profite pour flatter les désirs du peuple de conserver leur sanctuaire d'Hébron, il se fait acclamer roi, à la place de David son père.

Remarquons que cette révolte (car il s'agit bien d'une révolution), se passe sans qu'aucune goutte de sang soit versée.

Malgré sa fuite, David reste calme, il ne perd pas la raison ; c'est là une qualité qui se retrouve fort souvent chez les Juifs.

Dans sa fuite, il doit subir les outrages d'un certain Siméi qui l'insulte et lui reproche ses crimes. Il l'accuse d'avoir fait périr la famille de Saül et de Jonathan. Or ces hommes sont morts sur les champs de bataille. Cette accusation indirecte, comme toutes les accusations des orientaux, porte plutôt sur le meurtre d'Abner.

Ici, un fait montre la sincérité du repentir de David devant Nathan. Alors qu'un de ses soldats lui offre de «couper la tête à ce chien mort » qui se permet « d'insulter le roi », David répond

« Laissez-le faire et qu'il maudisse, car l'Eternel le lui a commandé ».

Absalom se montre sous un jour peu favorable, et le mépris qu'il porte à son père et aux droits de son père, se retournera contre lui. Il récoltera, lui aussi, ce qu'a semé son orgueil.

Vous, enfants, obéissez à vos parents selon le Seigneur; c'est justice : Honore ton père et ta mère. (Eph. 6: 1).


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Jean Egède (1686-1758), missionnaire au Groenland.

 

Nous sommes très loin de notre chère petite Patrie, de nos villes et de nos villages, de nos lacs, de notre Jura et de nos Alpes. dont les sommets sont aujourd'hui tout blanc de neige. Sous nos yeux, un pays qui disparaît, lui aussi, sous la neige et sous la glace, mais combien plus froid que le nôtre !

Les Esquimaux sont les habitants de cette région si déshéritée. Ils vivent de la pêche, de la chasse, glissent sur les champs de neige et de glace sur leurs traîneaux tirés par des chiens. Quand la longue nuit polaire est là, ils dorment dans leur hutte de glace, se nourrissent de la viande de phoque qu'ils ont pu mettre en réserve. Les femmes, les petites filles cousent des peaux, des fourrures avec de grosses aiguilles d'os. Au dehors, le vent souffle en tempête, chasse la neige qui pique comme des milliers d'épingles. On dirait que l'on entend des voix humaines qui appellent, qui pleurent, qui gémissent...

Personne n'ose sortir, les enfants ont grand'peur, nul n'a entendu parler du Sauveur qui aime ses enfants, veille sur eux et les protège.

Si, autrefois, Il y a bien des centaines d'années, de vaillants prêtres étaient venus apporter l'Evangile aux Groenlandais : ils avaient bâti quelques fermes sur la côte avec du bois apporté par des vaisseaux danois en l'année 1268, il y avait quatre minuscules églises et on comptait au Gröenland un millier de chrétiens.

Mais voici, de terribles épidémies de grippe infectieuse avaient ravagé la contrée toute entière : la moitié des habitants étaient morts et depuis 1348 les survivants étaient retournés à leur paganisme ; ils avaient emporté les planches des églises, en avaient, je pense, fait des traîneaux et aucun prêtre n'avait remplacé les prêtres défunts.

Quel est cet homme vêtu de noir, aux cheveux blonds, aux yeux pleins de douceur qui, maintenant, est assis dans une jolie maison de bois de sapin dans le petit village de Vaagen au Nord de la Norvège ? par la fenêtre, il aperçoit des enfants, filles et garçons, aux vêtements ornés de broderies de couleurs vives qui sortent en riant, en chantant, de la maison d'école et filent comme des flèches sur leurs skis et leurs raquettes.

Il regarde aussi les maisons, les chalets si bien entretenus groupés autour de l'église, les petites fenêtres ornées de rideaux d'une éclatante blancheur.

Cet homme c'est le pasteur de Vaagen, Jean Egède. Le livre qui est ouvert sur ses genoux n'est pas la Bible, c'est un ouvrage qui parle des anciennes missions au Groenland, du pays abandonnée dont les habitants sont retournés à la barbarie et à leurs craintes païennes. On est en 1715 et depuis quatre cents ans bientôt aucun des Esquimaux n'a plus entendu parler du Seigneur Jésus.

Et le pasteur soupire : pourquoi son petit village est-il si heureux, si prospère? Pourquoi est-il, lui, un enfant du Seigneur, tandis que là-bas c'est la nuit, la nuit polaire au dehors et la nuit, plus profonde encore, dans les âmes ? Et il se souvient de cette parole de l'Evangile qui le tourmente : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi ». (Matth. 10 : 38).

Des larmes brillent dans ses yeux et c'est au milieu de cette angoisse que sa femme, la vaillante Gertrude Rask, le trouve et le pasteur, qui ne lui cache jamais rien, lui raconte ses angoisses, son désir de partir pour le Groenland. Comme il le ferait s'il n'y avait pas sa femme, le petit Paul et le petit Niels !

Mais de vrais chrétiens ne disent pas : « non ! » quand le Seigneur dit comme à Matthieu le péager : « toi, suis-moi ! »

Malgré leurs parents, malgré leurs amis, les deux époux décident de partir puisqu'ils ont entendu l'appel du Maître. Soutenu, par les évêques protestants de Bergen et de Drontheim, Hans Egède sollicite et obtint l'appui du roi Frédéric IV qui lui offre 10.000 thalers pour son expédition, mais à une condition, c'est qu'il ne partira pas seul. Le roi voudrait voir des comptoirs marchands s'établir au Groenland pour le trafic des fourrures, du poisson, des peaux de phoques.

Et voici l'expédition qui se prépare: Hans Egède apprend divers métiers qui lui seront indispensables au pays des glaces. Sur d'anciennes cartes, il apprend la géographie, la topographie du pays et, le 10 mai 1721, trois vaisseaux quittent Bergen, chargés de bois, de marchandises, d'outils... Le navire qui portait Egède et sa famille s'appelait l'« Espérance ».

Le 3 juillet, le bateau jetait l'ancre à l'île d'Imeriksok. Mais. les difficultés allaient commencer. D'abord, les Esquimaux étaient si méfiants : un rien les faisait fuir. Puis, c'était la langue qu'il fallait apprendre et elle était cent fois plus difficile que la langue allemande! et comment parler du Bon Berger, des brebis, de la monture du bon Samaritain, des pourceaux de l'Enfant prodigue, du figuier stérile et du cep qui doit porter du raisin à ces pauvres Groenlandais qui ne connaissaient que leurs glaces, leurs phoques, la toute petite végétation de la côte !

A force de patience, d'imagination, Jean Egède parvint à vaincre ces difficultés, aidé par son fils Paul dont l'esprit était très vif: le berger qui conduit ses brebis devint pour les Esquimaux « le gros phoque, le phoque-roi conduisant les petits phoques nouveaux-nés dans les courants marins où il y a de bonnes algues et beaucoup de petits poissons et veillant sur eux, les avertissant du danger !... »

En 1724, le premier enfant groenlandais fut baptisé ; en 1729, la première école fut fondée, avec un instituteur esquimau : de tous côtés, on appelait Egède pour l'entendre parler du Sauveur et de la vie éternelle. Cependant, une oeuvre n'est durable que si elle traverse l'épreuve : c'est dans la souffrance et aux jours difficiles que l'on voit si l'homme est vraiment un chrétien fidèle, un bon disciple du Crucifié.

Egède connut aussi des heures bien dures. Le roi Frédéric IV étant mort, son successeur Christian VI n'accorda plus de subsides à la mission du Groenland, il n'encouragea plus des trafiquants et les marchands à s'y rendre et à s'y fixer. Egède resta seul avec dix matelots qui ne voulurent pas le laisser. De plus, une nouvelle épidémie éclata comme en 1348.

Fort de cette parole : « ne crains point, crois seulement ; vous aurez des afflictions dans le monde, mais ayez courage J'ai vaincu le monde », Jean Egède tint bon, il se multiplia, se consacra tout entier aux malades et il ouvrit ainsi de nouvelles portes à l'Evangile. Quatorze églises furent alors fondées et elles subsistent aujourd'hui encore.

!La plus belle histoire finit par la mort : en 1735, mourut la pieuse et vaillante Gertrude. L'année suivante Egède fit ses adieux au Groenland : son oeuvre allait être continuée par les Frères Moraves et par des forces plus jeunes qu'il allait former lui-même à Copenhague dans un collège destiné à fournir des missionnaires, aux pays du Nord, Groenland, Laponie, Labrador.

Son fils Paul continua son oeuvre, lorsqu'au soir de la vie, le vieux missionnaire se fut retiré dans l'île de Falster, où il mourut le 5 novembre 1758, pouvant dire comme le vieillard Siméon : « à présent, tu laisses, Seigneur, ton serviteur aller en paix ! ... »

De nos jours encore dans les minuscules petites bourgades du Groenland, qui semblent échappées d'une boîte de jouets, à Egedesminde, à Umanak, à Godthaab..., on parle encore de « papa Egède, du père des Esquimaux » : n'est-elle pas vraie la parole du livre des Psaumes : « La mémoire du juste sera perpétuelle ? » (Ps. 112 : 6).

William Genton.

Versets à apprendre :

Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, en Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre. (Actes 1 : 8).

Tous les peuples verront la gloire du Seigneur. (Ps. 97: 6).