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Un pasteur nègre. - Calvin Mapopé.

Les vastes pays habités par les païens ont besoin de pasteurs indigènes. Le jour doit luire où les missionnaires européens se retireront pour leur laisser la responsabilité d'instruire leurs concitoyens.

Nos catéchumènes et leurs parents ne voudraient pas être remis ici aux soins de pasteurs nègres ou chinois. Eh bien ! Il en est de même là-bas. Il leur faut des pasteurs de leur race et pas seulement des missionnaires étrangers, d'une autre couleur.

Mais les nègres peuvent-ils devenir pasteurs ?

Voici l'histoire de l'un d'eux qui montre que non seulement ils peuvent devenir pasteurs, mais même d'excellents pasteurs.

Dans la brousse. - Il y a soixante ans, Mapopé, un chef païen, grossier, brutal , vivait avec ses huit femmes et ses trente enfants dans un misérable village du Transvaal. Les petits partaient chaque matin avec les chèvres pour les garder sur les collines pelées des environs. Quand le soleil était au milieu du ciel, il fallait dîner, et quand il descendait, il fallait rentrer. Pour dîner, il n'y avait que les champs de maïs et de patates des voisins ! Mais gare les coups quand les voleurs étaient attrapés ! Le plus habile était Matsivi, qui savait voler et mentir plus effrontément que les autres !

Un jour, un camarade raconte à la bande' que des blancs, des missionnaires sont installés là-bas et parlent d'un Dieu qui a créé les cieux et la terre. Eclat de rire. C'est impossible !... Et pourtant Matsivi et l'un de ses frères se décident à aller voir.

Ils sont bien accueillis et voudraient y retourner, mais leur père le défend. Que faire ? Une nuit, ils décident de se sauver. Ils courent, ils traversent la rivière en tremblant, ils ont peur des mauvais esprits, au matin ils sont à Valdézia, chez un bon missionnaire, qui était originaire du canton de Vaud, M. Paul Berthoud !

Bientôt le père arrive. M. Berthoud offre de les garder comme petits domestiques pour un modeste salaire. Tout s'arrange. Un avenir nouveau s'ouvre devant eux par la bonté de Dieu qui les a guidés.

A l'école. - La prière. - La conversion de Matsivi. Notre Matsivi n'apprit pas seulement à lire. NI. Berthoud lui dit Si tu veux devenir un homme nouveau, il faut te mettre à genoux et de mander à Jésus le pardon de tes fautes ; il t'aime et il est mort pour toi sur une croix. » Notre petit berger de 13 ans le fait. et bientôt il sent que ses vols et ses mensonges sont de grosses fautes : il désire être pardonné : un jour même, il est si malheureux qu'il pleure tout seul : alors M. Berthoud. comme un père, l'invite à mettre toute sa confiance en Jésus. « Dis : Seigneur Jésus ! Tu sais que je suis un pécheur ! Lave-moi de mes péchés ! » Matsivi répéta ces paroles, un jour, plusieurs jours, et enfin, il eut la paix ; il crut en Jésus il fut tout heureux, et il est resté fidèle au Sauveur; il était décidé pour Jésus ; il était converti. Il avait cherché le bonheur. Il l'avait trouvé. Il put être baptisé à Noël 1878. Il avait

14 ans et dès lors, toujours priant, il n'a cessé de progresser. « Mes yeux, s'écria-t-il le jour de son baptême, ont été ouverts ; me,; missionnaires. mes maîtres ont été mes vrais parents. »

Le petit Matsivi devient instituteur. - Il fut envoyé avec son frère et deux camarades à l'école normale de Morija, que la mission de Paris avait organisée au Lessouto. Ils y restèrent sept ans. C'est là que Matsivi fut admis à la Sainte-Cène et prit le nom de Calvin en pensant au grand réformateur, dont il avait entendu l'histoire.

De retour à Valdézia, an Transvaal, c'était un !homme de vingt-deux ans, sur lequel ses missionnaires pouvaient compter, aussi 'M. Berthoud le prit-il avec lui pour diriger une école dans la grande ville de Lourenço Marquès au bord de l'Océan Indien, où la Mission romande venait de commencer une oeuvre difficile.

Calvin Mapopé ne pouvait pas y rester seul. Il voulut une femme mais une femme chrétienne. Il attendit. Il chercha. Il pria. Enfin, il trouva la fille d'un chrétien qui fut pour lui un appui, une compagne partageant sa foi et son espérance. Ils eurent bien des épreuves ; sur leurs dix enfants, ils en perdirent sept, en partie à cause de la fièvre qui régnait au bord de la mer ; mais sa femme resta courageuse comme son mari.

Calvin Mapopé devient pasteur. - Il y avait dix-neuf ans qu'il dirigeait ses classes à la pleine satisfaction des parents et des missionnaires. En 1907, ces derniers se dirent: « C'est le moment que nous soyons aidés par des pasteurs noirs. Mais qui prendre ? ». Le choix tomba naturellement sur les amis qui vingt-huit ans auparavant étaient allés à Morija se préparer à devenir instituteurs. Ils étaient dignes de devenir pasteurs.

Ils reprirent le chemin de Morija pour se mettre à étudier dans l'école pastorale de cette grande station. Calvin Mapopé avait 43 ans : il prit avec lui sa femme et ses enfants, et ne recula pas devant ce nouvel effort.

Enfin, en 1911, après quatre ans d'études, ces trois pasteurs indigènes, les premiers dans la Mission romande furent consacrés pour leur charge sainte au milieu de leur peuple.

Calvin Mapopé fut placé d'abord dans un endroit où presque tout le monde était païen. Sa maison fut construite sur une colline où, parait-il, des ancêtres de la tribu avaient été enterrés ; ils étaient considérés par les païens comme des dieux. « Tu verras, vint lui dire le chef, nos dieux se vengeront ». - « Vos dieux ne pourront rien si le nôtre ne le permet pas », répondit Mapopé. Et voilà que, quelques jours après, sa petite fille, la cadette, mourut de la fièvre ! Les païens le laissèrent seul et il dut enterrer lui-même son enfant, mais sa foi en Dieu ne faiblit pas ; il ne songea pas à se retirer, et ce courage impressionna les païens qui commencèrent à croire que la foi au Dieu vivant donne la victoire sur la mort et sur la superstition, aussi bien que sur le péché.

Notre ami, car nous pouvons bien l'appeler ainsi, fut appelé alors à devenir pasteur des noirs à Lourenço Marquès où les étrangers sont nombreux, et malheureusement impies. Là aussi, il resta ferme. Au lieu de se laisser décourager par le mauvais exemple des blancs qui ne vont jamais au culte et se livrent à l'inconduite, il groupa les chrétiens noirs et leur apprit à garder la foi malgré tout.

Calvin Mapopé en Suisse. - En 1925, la Mission suisse romande allait célébrer son cinquantième anniversaire. Il fallait que quelqu'un vînt dire ce qu'elle avait fait pour la tribu Thonga. Calvin Mapopé en fut chargé et le 5 avril. 1925, ce nègre, de petite taille, âgé de 61 ans, la barbe et les cheveux grisonnants, avec un bon sourire, un peu malicieux, fit son entrée à Genève, dans la Salle de la Réformation pleine de plusieurs milliers de personnes. En voyant ce pasteur africain, si humble, fidèle à sa foi et à la vie chrétienne depuis près d'un demi-siècle, la foule éclata en applaudissements et M. le pasteur Frank Thomas le prit dans ses bras au nom de tous et l'embrassa. C'était le plus touchant témoignage de cette grande unité, de cette sublime fraternité réalisées par la Mission et qui s'achèvera dans le ciel.

Le pasteur Mapopé participa aux autres grandes assemblées qui célébrèrent le jubilé de la Mission suisse romande, en particulier dans la cathédrale de Lausanne et au Temple du Bas à Neuchâtel. Partout, la grâce de Dieu l'accompagna et il put retourner dans son pays après avoir remercié et puissamment encouragé les chrétiens de notre patrie. « Aidez-nous ! », s'écria-t-il en terminant son discours à la cathédrale de Lausanne.

Que cette émouvante histoire nous fasse aimer les missions nous amène à être fidèles, et encourage parmi vous, chers lecteurs, de nombreux jeunes gens à devenir pasteurs et missionnaires.

G. Secretan.


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Un héritage inattendu.

(Récit authentique).

 

Il y a un peu plus d'un siècle, vivait dans un petit Etat des bords du Rhin un brave tisserand nommé André Ciller ; il était marié et avait trois gentils enfants.

Or, les années 1816 et 1817 furent très dures pour les pauvres gens ; des hivers trop rigoureux, des étés trop secs n'avaient donne que de maigres récoltes, et la famine régnait dans le pays. Le pauvre Ciller avait beau tirer la navette depuis l'aube jusqu'au soir, il n'arrivait pas à gagner assez pour nourrir sa famille, vu le prix élevé qu'avaient atteint les vivres. Déjà il avait dû emprunter la somme de cinquante florins à un riche voisin et, au moment où commence ce récit, cet argent touchait à sa fin. Et pourtant la famille ne se nourrissait que d'une façon bien frugale. Que de fois, les petits Ciller durent aller se coucher sans avoir mangé à leur faim!

Un dimanche de mai 1817, le tisserand s'en fut £aire une petite promenade avec sa femme et ses enfants. Le soleil brillait dans un, beau ciel sans nuages, les arbres fruitiers étaient en fleurs, les oiseaux chantaient partout. Mais le pauvre André, ne prêtait attention à rien de tout cela, il était trop absorbé par ses cruels soucis.

- Je ne sais ce que nous allons :devenir, dit-il enfin, en soupirant; notre huche est vide, notre bourse aussi, et je dois cinquante florins. Comment allons-nous faire :pour acheter de quoi vivre ?

Quoique aussi malheureuse que lui de voir leurs enfants souffrir de la faim, sa femme était cependant moins désespérée.

- Ne perds pas courage, André, dit-elle. Lorsque tout va bien, il nous parait naturel d'avoir confiance en Dieu ; ce serait un péché de douter de Lui quand on se trouve dans le besoin. Je me redis sans cesse cette parole : « Confie-toi en l'Eternel et Il agira ».

Le tisserand resta pensif. De retour chez :lui, il prit sa grosse Bible et l'ouvrit au livre des Psaumes. C'était une Bible qu'il avait acheté dix-huit mois auparavant à un marchand de bric-à-brac demeurant à la ville voisine. Il tomba sur le psaume 23 : « L'Eternel est mon berger, je n'aurai point de disette... »

Le pauvre André ne put s'empêcher de secouer la tête et de soupirer en songeant à sa huche et à sa bourse aussi vides l'une que l'autre. Cependant, il continua sa lecture. Arrivé au verset 3, il tourna la page ; mais le sens de ce qu'il lut à la page suivante ne s'accordait pas avec ce qu'il venait de lire. Il retourna la page et s'aperçut alors que deux feuillets avaient été collés ensemble. Il les sépara avec précaution à l'aide d'un couteau et, à sa grande surprise, il trouva entre eux un rectangle de papier très mince portant sur chaque face le chiffre 50 et au centre une devise en langue étrangère. Ciller appela sa femme, mais pas plus que lui, elle ne put comprendre que représentait cette découverte, car à cette époque le papier-monnaie était encore inconnu dans les campagnes.

Le lendemain Hiller porta sa trouvaille au patron qui le faisait travailler. Celui-ci était un riche négociant de la ville voisine, au caractère probe et bienveillant.

- Où donc avez-vous trouvé cela, Hiller ? s'écria-t-il avec étonnement. C'est un bon billet de banque anglais valant cinquante livres sterling, c'est-à-dire 550 florins.

Hiller demeura d'abord muet de stupéfaction. Puis quand il se fut un peu remis de sa surprise, il raconta comment il avait été amené à faire cette découverte. Le négociant se sentit ému par ce récit.

- C'est Dieu qui vous envoie cet argent, Hiller, dit-il. Ce soir j'irai changer ce billet à la Banque ; en attendant prenez ces vingt écus pour subvenir à vos besoins d'aujourd'hui, demain vous pourrez venir chercher le reste.

Suffoqué de bonheur, Hiller revint chez lui à une allure si précipitée qu'il manqua renverser une brave femme qu'il rencontra sur son chemin. On devine quelles actions de grâces montèrent ce soir-là de sa pauvre chaumière vers le ciel.

Le lendemain Hiller et sa femme se rendirent à la ville où le négociant leur remit le reste de leur argent. Ils allèrent ensuite, chez le marchand de bric-à-brac pour lui demander d'où lui était venue la Bible car, comme on le comprend, tous deux étaient désireux de savoir comment le billet de banque s'était trouvé caché entre les feuillets du saint Livre.

- C'est une histoire assez extraordinaire, leur dit le marchand. Cette Bible appartenait à un honnête artisan de notre ville ; étant jeune homme, alors qu'il faisait son tour de compagnon, il fut enrôlé de force sur un navire hollandais et voyagea longtemps sur mer. Puis il passa aux Anglais et, en 1805, il prit part à la bataille de Trafalgar où Nelson remporta la victoire sur les troupes franco-espagnoles. Ayant perdu un bras au cours de ce combat, il lui était désormais impossible de rester matelot ou soldat. IL se sentit repris par l'amour du pays et revint à sa ville natale. Les Anglais lui avaient fait une bonne pension : il vécut encore quelques années dans l'aisance. Il ne s'était pas marié et n'avait aucun parent. Il y a deux ans, se sentant mourir, il résolut, paraît-il, de laisser à Dieu le soin de faire parvenir ses économies à qui il voudrait ; c'est ainsi, je suppose, qu'il cacha ce billet de banque dans sa Bible

Ce fut donc la conscience tranquille et le coeur en fête que le tisserand et sa femme revinrent chez eux avec leur héritage inattendu. Dès lors, leur situation devint de plus en plus prospère, car tous deux étaient économes et faisaient un bon emploi de leur argent. La richesse ne les rendit ni durs ni orgueilleux ; au contraire, ils faisaient de leur mieux pour secourir les malheureux de la contrée, ils purent faire donner une bonne éducation à leurs enfants. Leur fils aîné devint un excellent maître d'école. En certaines circonstances, il aimait raconter à ses élèves l'histoire de la vieille Bible devenue une relique de famille. C'était toujours avec émotion qu'il faisait ce récit et montrait à ses élèves combien Dieu accorde de merveilleuses délivrances à ceux qui se confient en Lui.

M. Allégret


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Josué le conquérant.

(Josué 1; 1-11).

 

Aucune disparition ne pouvait être Plus profondément ressentie par les Israélites que celle de Moïse. Qu'allait devenir le peuple maintenant que le chef n'était plus ? On devine son angoisse, on devine surtout l'appréhension de celui qui devait se charger d'une succession aussi redoutable : Josué, fils de Nun. Qui était-il pour succéder à une personnalité de l'envergure de Moïse, qui s'était révélé tout à la fois général et homme politique, législateur et prophète ?

L'avenir d'Israël ne dépendait pas d'un seul homme, si prodigieusement doué fût-il, l'avenir d'Israël était entre les mains de l'Eternel. Aucun homme n'est indispensable pour le Dieu tout puissant ! La mort du grand Moïse et son remplacement par le modeste Josué le montre éloquemment. En effet, si la destinée des Israélites avait uniquement dépendu de la valeur d'un homme, ç'aurait été la catastrophe. Josué n'ayant pas hérité le génie de son prédécesseur. Avant que Moïse lui-même le désigne au peuple et que Dieu sanctionne ce choix qu'il avait inspiré, Josué n'a pas joué un rôle de premier plan; à côté de Moïse, c'eût été difficile ! Josué fait figure de modeste lieutenant, qui mérite d'ailleurs la confiance de son chef, pour lequel il s'est dévoué dès sa jeunesse. Ses qualités sont essentiellement militaires... Or, c'est précisément d'un chef militaire dont le peuple va avoir besoin pour entreprendre la conquête de Canaan. La tâche était lourde, certes, mais il suffisait, à l'époque où nous sommes, qu'un général commandât ; le législateur avait fait son oeuvre, le prophète avait parlé. Dieu qui dirige l'histoire de son peuple sait trouver, quand il le faut, l'auxiliaire dont il a besoin...

Il faut à Dieu un conquérant, Josué sera cet homme. Nous n'avons pas à résumer ici une belle carrière de chef sur laquelle nous reviendrons dans le prochain Messager. Soulignons aujourd'hui que Josué ne fui pas seulement un homme de guerre, (guerre légitime : ne s'agissait-il pas de reconquérir le pays des patriarches ?) mais une âme religieuse. Le secret du courage de Josué est dans sa confiance en Dieu. Le successeur de Moïse ne doute pas un seul instant de Celui qui lui a donné ce conseil : Fortifie-toi et prends courage. car l'Eternel ton Dieu est avec toi dans tout ce que tu entreprendras. (Josué 1 : 9).

Ce verset mérite d'être retenu. Il exprime l'ambition, combien haute et belle, de pouvoir compter sur la protection de Dieu. Ce privilège n'est pas une faveur toute gratuite, il est une récompense. C'est dans la mesure où Josué sera fidèle à la loi divine, c'est pour autant qu'il tâchera, par son effort de chaque jour, d'en mieux comprendre le sens afin d'y conformer sa vie qu'il réussira dans ses entreprises.

Tu peux, ami lecteur, relire utilement cette dernière phrase en remplaçant le nom de Josué par ton propre nom...


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Une leçon de vacances.

 

Pierre Longchamp est un garçon auquel il faut reconnaître quelques qualités excellentes. Il est intelligent et actif, aimable et complaisant ; ses parents sont satisfaits de son travail au collège et de sa conduite à la maison. Pourquoi, hélas 1 tous ces bons côtés de son caractère sont-ils gâtés par deux défauts qui vont souvent ensemble ? Pierre est vantard et poltron. Il s'est déjà attiré plus d'une fois des humiliations douloureuses, mais elles ne l'ont pas guéri.

Il est venu passer les vacances au village, chez des parents, et bien vite connaissance est faite avec les jeunes voisins. Au début, tout va bien, Pierre a beaucoup de choses à raconter et son bagage est assez riche pour qu'il n'invente pas trop. A la longue il prend plaisir, comme d'habitude, à embellir la vérité et à s'attribuer dans maintes occasions un rôle héroïque. Il n'a jamais eu peur de rien, il a déjà fait reculer ides chiens enragés et arrêté des chevaux emballés...

Les petits villageois l'écoutent bouche bée et paraissent tout accepter sans difficulté, mais Pierre n'a pas fait dix pas loin du groupe que les jugements se manifestent : Quel blagueur ! Quel menteur! Nous prend-il pour des imbéciles, parce qu'il est de la ville et nous du village. Tant et si bien qu'un jour nos garçons décident de punir le vantard. Le complot est vite organisé. Un de ces soirs prochains, après goûter, on partira du côté des pâturages de la Combe pour cueillir ides fraises. On ira le plus loin possible, là où il n'y a plus de chemin et où les grandes roches et les sapins serrés font la nuit même en plein jour. On filera par le plus court et il s'arrangera, lui qui n'a peur de rien.

Ainsi dit, ainsi fait. Au jour fixé, ils s'en vont une demi-douzaine et pas un ne trahit le secret.

Des fraises ! il y en a, et bientôt ce sera le tour des framboises. On avance gaîment dans la forêt en profitant de chaque clairière où les fraisiers cherchent le soleil. Bientôt la forêt s'assombrit, il faut prendre garde aux racines qui tendent des embûches, il faut s'appeler pour ne pas s'égarer. Pierre prend plaisir à cette exploration qui est pour lui chose toute nouvelle, il avance et devance ses compagnons. Tout à coup, il s'arrête. Où sont-ils ? Il appelle Rien ne répond à sa voix. Nouveau cri, même silence, ce silence des grands bois si impressionnant. Dans les branches, un bruit d'ailes de temps en temps, ou bien un souffle de vent qui fait jouer la cime des arbres. C'est tout. Et c'est la nuit.

Le malheureux Pierre s'abandonne à son naturel craintif. Il crie, il pleure, il supplie ses camarades de venir à son secours. Hélas ! les cruels ne sont pas partis à moitié. Ils sont bien loin, sur le chemin du village, glorieux d'avoir mis le faux héros en face d'un danger qui n'existe pas, mais qui est suffisant pour lui faire perdre la tête.

Que se passa-t-il ensuite ? Pierre ne s'en souvient plus. Tout en larmes, il a erré pendant un temps qui lui a semblé interminable à travers la forêt hostile. Il a crié, hurlé pour qu'on vienne à lui, mais en vain. Finalement, tremblant d'angoisse, il s'est retrouvé sur un sentier qui ne lui était pas inconnu. Il a couru vers la délivrance ; il a retrouvé le village et ses hôtes qui ne songeaient pas à s'inquiéter, le sachant en nombreuse compagnie.

L'expédition est demeurée secrète. Pierre le tout premier n'a pas désiré autre chose que le silence. Il a été humilié plus qu'on ne peut le dire et la leçon n'a pas été perdue. Désormais, il évitera de raconter ses exploits extraordinaires et s'il est plus difficile de devenir courageux que véridique, reconnaissons qu'il fait de sérieux efforts pour vaincre sa poltronnerie.


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A l'oeuvre.

 

Le bonhomme Richard disait : « Je n'ai jamais vu un arbre qu'on transplante, une famille qui déménage, prospérer autant que ceux qui restent où ils sont. » Et il ajoute : « Trois déménagements équivalent à un incendie. » Et encore: « Autant jeter l'arbre au feu que de le changer de place. » Et encore: « Si vous voulez que vos affaires se fassent, allez-y vous-même; si vous voulez qu'elles ne se fassent pas, envoyez-y quelqu'un. » Et encore : « Défaut de soin fait plus de tort que défaut de savoir. Une petite négligence peut enfanter un grand mal. Faute d'un clou, le fer d'un cheval est perdu ; et faute d'un cheval, le cavalier lui-même est perdu ; l'ennemi l'attrape et le tue ; et tout cela faute d'avoir vu qu'il manquait un clou au fer de sa monture. » Et encore : « Le loisir est un temps qu'on peut employer à quelque chose d'utile. L'homme actif le trouve ; le fainéant n'y parvient jamais. Croyez-vous que la paresse vous procurera plus d'agrément que le travail ? C'est une erreur. La paresse produit les soucis, et les loisirs sans nécessité engendrent l'ennui et les regrets. »

B. Franklin.


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Les adieux de Josué.

(Josué 24 : 1-31).

 

La lecture de ce chapitre 24 du livre de Josué est intéressante. Elle nous met en mesure de faire, en quelque sorte, une récapitulation de l'histoire d'Israël ; elle nous permet aussi de souligner l'attachement du pieux Israélite pour son Dieu. Cette fidélité envers Dieu, cette obéissance à ses lois sont dignes de retenir l'attention.

Arrivé au terme d'une carrière utilement remplie, Josué a convoqué les Israélites à Sichem. Le successeur de Moïse fait au peuple assemblé, le résumé de son histoire depuis le père Abraham déjà. Le souvenir d'Isaac et de Jacob est évoqué, puis, c'est le séjour en Egypte, la délivrance sous la direction si intelligente de Moïse. Depuis la disparition du grand chef, bien des années ont passé qui ont été riches en événements que Josué rappelle. Il y eut notamment la lutte contre les Amoréens, le passage du Jourdain, la prise de Jéricho. Au lieu d'un pays désert, les Israélites ont eu le privilège de trouver une terre fertile. La conquête du pays qui lut celui des ancêtres ,est ut) don de Celui qui a constamment veillé sur son peuple. <Je vous donne, dira Josué parlant au nom de l'Eternel, un pays que vous n'aviez point cultivé, des villes que vous n'aviez point bâties et que vous habitez, des vignes et des oliviers que vous n'aviez point plantés et qui vous servent de nourriture. »

Tant de bienfaits ne sauraient avoir été dispensés en vain : noblesse oblige. Israël craindra l'Eternel et le servira fidèlement. Il évitera d'imiter la mauvaise conduite des pères, trop souvent idolâtres. Josué estime que ses auditeurs en savent assez pour se prononcer en faveur de l'Eternel ; choisissez, dit-il avec force, choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir. Puis, Josué prononce cette parole si belle qu'après tant de siècles elle est toujours la devise des familles pieuses: )loi et ma maison, nous servirons l'Eternel. (Jos. 24:15).

A cet appel de son chef, le peuple a répondu avec enthousiasme: « Loin de nous, crie-t-il, la pensée d'abandonner l'Eternel... » Mais Josué ne veut pas que les Israélites s'engagent à la légère. Il attire leur attention sur ce service si difficile que Dieu exige de ses enfants ! Sûrs d'eux mêmes, les Israélites prennent à nouveau l'engagement solennel d'être fidèles à la voix de leur Dieu ; ils acceptent toutes les responsabilités de cet acte. L'alliance conclue jadis entre Dieu et son peuple est ainsi renouvelée. Pour en commémorer le souvenir, un modeste monument est élevé à Sichem.

La fidélité à Dieu est la condition nécessaire, indispensable de la prospérité. Voilà qui est vrai pour les peuples. Mais heureux sont les hommes qui le comprennent; car:

Si l'Eternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain. (Psaume 127 : 1)


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La tentation de Pierre.

 

- Je me demande pourquoi Pierre arrive toujours en retard dé l'école, disait Madame Bernand à sa soeur, la bonne tante Cécile, voilà plusieurs jours qu'il me semble un peu soucieux.

- Oh, quelque histoire de gamins, un match quelconque ou une partie de football engagée entr'eux, il ne faut pas te faire du souci pour cela, ma chère. Je connais Pierre, c'est un garçon sérieux qui l'est même un peu trop.

Mais, Mme Bernand pense à son fils, tout en faisant son ouvrage quotidien. Elle voudrait qu'il eût plus confiance en elle, qu'il lui ouvrît son coeur. Elle pousse un gros soupir et la bonne mère croit que c'est un peu sa faute si son cher enfant est souvent secret ; les mamans sont toujours si occupées qu'elles ne peuvent pas écouter les confidences de leurs enfants.

Le matin suivant, quand Madame Bernand entre à la cuisine pour déjeuner, elle trouve sa fille aînée Rose, très en colère et lui en demande la raison.

- Pierre est encore parti sans déjeuner, je te demande 'un peu s'il n'aurait pas eu le temps d'aller à l'école pour 7 heures, il était déjà levé à cinq heures, ce matin.

J'en aurai le coeur net, pensa Madame Bernand, je vais le surveiller quand il partira après-midi. De la lucarne du galetas, je verrai loin dans la campagne et pourrai le suivre des yeux.

Ainsi fut fait, Pierre, sans se douter que les yeux maternels le suivent pleins d'anxiété, sort du jardin, prend la grande route, mais, au lieu de suivre le sentier qui traverse le verger de Monsieur Claude, le voisin, il continue son chemin sur la route ensoleillée et poussiéreuse. Naturellement, il doit faire un grand contour pour arriver à l'école et la bonne mère se demande pourquoi Pierre ne prend pas le chemin habituel.

C'est le soir, le soleil s'est couché et, dans la campagne embaumée de l'odeur des foins, on n'entend plus que les cris des grillons et des cigales, les premières étoiles s'allument dans le ciel. Que tout et beau ! que tout est calme ! par les paisibles soirs d'été !

Pierre est monté dans sa petite chambre au haut de la maison, là, il est seul, mais il regarde par la fenêtre et contemple le ciel si pur en songeant que Dieu est bien puissant puisqu'il a fait de semblables merveilles. Il se couche et redit comme chaque soir, l'Oraison dominicale que sa bonne mère lui a apprise quand il était tout petit ; mais il s'arrête lorsqu'il a dit : « Ne nous laisse pas

tomber en tentation » et murmure : « Je te remercie, mon Dieu, de m'avoir sauvée de la tentation, puisque maintenant Monsieur Claude a cueilli ses bigarreaux ».

Tout doucement la porte s'entr'ouvre et la chère maman s'avance sur la pointe des pieds.

- Tu dors, mon Pierrot ?

- Non, maman, je viens de me coucher.

Deux bras entourent le jeune garçon et un baiser bien doux et bien tendre se pose sur son front.

- Mon petit Pierre, pourquoi as-tu des secrets pour ta maman? je sais que tu ne fais aucun mal, mais, ne peux-tu dire à ta mère pourquoi tu vas à l'école en faisant le grand tour par la route.

Pierre rougit, il balbutie quelques mots et soudain il éclate en sanglots.

Madame, Bernard est émue. Y a-t-il vraiment quelque chose de répréhensible dans la conduite de son fils ? aurait-il commis une mauvaise action ?

Non, elle peut se rassurer, le petit garçon s'essuie les yeux, s'assied sur son lit et, sa main dans la main maternelle, s'explique ainsi

- Voilà, maman, tu peux être tranquille, je vais tout te dire. Tu sais qu'en passant par le sentier, on longe le mur du jardin de Monsieur Claude, et, l'autre jour, en passant, j'ai vu que les branches d'un cerisier magnifique étaient chargées de bigarreaux comme je n'en ai jamais vus, ils n'étaient pas encore mûrs, mais j'y pensais constamment, il me semblait déjà les sentir dans ma bouche et je me disais qu'à n'y aurait aucun mal à en cueillir quelques-uns mais voilà, dimanche passé, nous avions à l'Ecole du dimanche à étudier l'Oraison dominicale et notre pasteur a dit qu'il fallait fuir la tentation quand nous nous sentions trop faibles pour y résister ; car Satan rôde autour de nous et veut notre chute. Alors, j'ai résolu de ne plus passer par le petit chemin jusqu'à ce que Monsieur Claude ait cueilli ses bigarreaux. Je l'ai justement rencontré avec une corbeille pleine et il m'en a donné une poignée, va, j'ai été bien récompensé de ma peine. Tu comprends maintenant.

La nuit est venue, Madame Bernard ne répond pas à son enfant, son visage où coulent de douces larmes de joie se penche avec amour sur ce petit garçon qui s'est montré plus fort que bien des hommes d'âge mûr, et elle se dit qu'elle peut être fière de lui, car, ayant Dieu pour appui il sera plus tard vainqueur dans les luttes qui attendent chacun ici-bas.

Mme B.-C.


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Le juge Gédéon.

(Juges 6 : 1-16 ; 7 :1-23).

Avec Gédéon, c'est un chapitre que nous ouvrons sur cette période, longue de trois siècles et triste entre toutes, des Juges. c En ce temps-là, dit le chroniqueur biblique, chacun faisait ce qui lui semblait bon ». La misère était grande. Pour avoir oublié la promesse faite à Sichem par la génération. précédente, les Israélites s'étaient vus abandonnés par l'Eternel. Ils eurent à souffrir des Madianites, peuplade si dangereuse que les enfants d'Israël étaient obligés, à son approche, de se réfugier dans les montagnes. Le peuple, dans sa détresse, appela Dieu à son secours. L'Eternel eut pitié et suscita un chef courageux en la personne de Gédéon.

Ce campagnard de la tribu de Manassé était en train de battre son froment, pour le mettre à l'abri des Madianites, quand il reçut l'appel de Dieu. Gédéon était bien loin de s'attendre à ce redoutable honneur pour lequel rien, semble-t-il, ne le désignait. La foi du pieux Israélite avait été mise à trop rude épreuve, il ne put s'empêcher de demander : Si l'Eternel est avec nous, pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? (Juges 6 : 13). La réponse du Tout-Puissant, qui ne se fit pas attendre, eut raison de la résistance de Gédéon : Va, lui dit l'Eternel, Va avec cette force que tu as. (Juges 6 :14).

Fort de l'appui de son Dieu et confiant en lui-même, Gédéon put accepter sans crainte la mission qui lui était confiée. Il commença par montrer de quoi il était capable en détruisant, au péril de sa vie, un autel de Baal. Cet acte de courage fit connaître le nom de Gédéon et lui facilita le recrutement de ses soldats. Les pillards de Madian allaient maintenant trouver à qui parler. Encouragés par leurs succès précédents, les bandits sont aussi nombreux, cette année-là, que des sauterelles. Gédéon se rend bien compte qu'il ne dispose pas d'une troupe assez nombreuse pour faire face à l'ennemi.

Fort, encore une fois, de l'appui de son Dieu, le chef hébreu ne craint pas de diminuer ses troupes et de les réduire à 300 hommes seulement. Maigre effectif : mais quels vaillants hommes ! Leur manière d'agir fait penser aux héroïques combattants de Morgarten, qui, eux aussi, ont surpris l'envahisseur au moment où il ne s'y attendait pas. En effet, Gédéon et ses hommes ont attaqué soudainement leurs agresseurs et cela avec un tel vacarme qu'ils ont réussi à faire croire aux Madianites qu'une immense armée les entourait. A la faveur de la nuit, munis de cruches qu'ils briseront avec fracas à un moment donné, tout en sonnant de la trompette, les valeureux Israélites ont réussi à semer une telle panique qu'ils mettent en fuite leurs redoutables adversaires. Mieux encore, Gédéon et ses hommes poursuivent les fuyards et remportent une magnifique victoire.