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Luther à Worms.

 

Nous sommes en 1521. Luther a 37 ans. 'Il est devenu prêtre et docteur en théologie. Il prêche et enseigne à Wittemberg, en Saxe. Depuis quelques années un grand changement s'est fait en lui. Il a compris, après de grandes angoisses, qu'un homme ne peut passe délivrer du sentiment de son péché en « payant » Dieu par de bonnes oeuvres. Il sait maintenant que Dieu lui-même vient au-devant de l'homme pécheur pour lui pardonner ses fautes. Le salut, c'est la foi dans ce pardon de Dieu. Luther a trouvé cela dans l'Evangile, et il l'a dit dans des sermons et dans des livres. Il a protesté contre un moine qui au nom du pape vendait des « indulgences , c'est-à-dire proposait aux chrétiens d'acheter par argent ce pardon que Dieu offre. Le pape et les docteurs de l'Eglise l'ont accusé d'être « hérétique ». Il a brûlé la « bulle » (lettre) du pape. L'Allemagne entière suit de près toute cette affaire ; l'empereur Charles Quint est intervenu et a ordonné au rebelle de comparaître devant la « diète » (assemblée) réunie à Worms, aux bords du Rhin. Luther est parti, disant : « J'irai à Worms quand il y aurait autant de diables que de tuiles sur les toits ».

Que va-t-il se passer ?

Le 17 avril, dans sa robe de moine, il était conduit au palais de l'évêque de Worms ; il s'y trouva devant l'empereur, les princes allemands, les évêques et les grands seigneurs. L'official (juge ecclésiastique) de l'évêque de Worms, Jean Eck, lui montra ses livres en lui demandant s'il voulait maintenir ce qu'il y avait écrit. Luther intimidé devant une si haute assemblée déclara d'une voix faible et tremblante qu'il s'agissait du salut de l'âme et de la Parole de Dieu, et qu'il demandait à réfléchir. Il avait pensé qu'on discuterait, et on lui demandait simplement de se soumettre. Cent ans auparavant, Jean Huss, pour avoir refusé de se soumettre avait été ,brûlé vif. On accorda à Luther 24 heures de répit.

Le lendemain, comme il attendait dans le vestibule, au milieu d'une foule épaisse, un capitaine lui frappa sur l'épaule : « Petit moine, petit moine, lui dit-il, tu vas au-devant d'un danger comme je n'en ai jamais connu dans les batailles. Si tu as raison et si ta cause est juste, va au nom de Dieu, et aie confiance, Dieu ne t'abandonnera pas ! »

Luther entra dans la salle comme il faisait déjà sombre, et à la lumière des flambeaux. Il était maintenant libéré de toute frayeur, ayant passé la nuit à prier. Il commença par s'excuser de ce que son langage pourrait avoir peut-être d'incorrect ; il avait toujours vécu dans « un trou de moines » et ne connaissait pas les usages des Cours. S'approchant ensuite de ;ses livres, placé devant lui, il distingua entre eux. Les uns étaient d'une piété que tout le monde, avait dû reconnaître. D'autres étaient sûrement trop rudes, il les avait écrits contre des adversaires violents (mais enfin, c'était pour défendre la doctrine de Jésus-Christ). Les autres enfin étaient contre la papauté et les papistes qui par leur mauvaise doctrine et leur mauvaise vie désolaient le monde chrétien, ruinaient les corps, et les âmes. « Mais, ajouta-t-il, je suis un homme, je ne suis pas, Dieu ». Il avait pu se tromper, et il supplia des assistants qu'on voulût bien 'lui montrer son erreur en se servant des écrits des prophètes et des apôtres. « Dès que j'aurai été convaincu je serai, le premier à jeter mes livres au feu ».

Il avait parlé en 'latin. On lui demanda de répéter son discours, en allemand. Il le fit, bien qu'il fût incommodé par la foule et par la chaleur.

Mais il n'était pas question d'une discussion. Luther s'était opposé au pape et à la doctrine du pape, il était un « incroyant ». Jean Eck, d'un ton accusateur, lui reprocha la hardiesse de ses paroles. Il expliqua qu'il ne s'agissait pas d'erreurs inventées par Luther lui-même. Les erreurs de Luther étaient las doctrines d'autres hérétiques déjà condamnés par l'Eglise, des Vaudois, de Wiclef l'Anglais, de Jean Huss le Tchèque. (C'était vrai, et tous ceux-là,. comme Luther, aie s'étaient fondés que sur la Bible). Luther n'avait donc -qu'à se rétracter, sans discours.

Cela paraissait tout simple à Eck. « La pape et l'Eglise ne peuvent passe tromper, il faut donc croire ce qu'ils enseignent ». Mais il avait en face de lui un chrétien appuyé sur la Bible, qui savait que Jésus Christ était avec lui, et qui sentait au plus profond de son coeur que s'il se séparait d'une Eglise tombée dans l'erreur, rien ne le séparerait, lui, du Dieu de l'Evangile.

Luther n'hésita pas. Il répondit à l'empereur par ces paroles que tout protestant doit garder dans sa mémoire :

« Puisque donc Votre Majesté impériale me demande une réponse simple, je donnerai une réponse simple, sans cornes ni dents. A moins que je ne sois convaincu par le témoignage de l'Ecriture ou par des raisons claires (car je ne crois pas aux papes, ni aux Conciles, qui ont manifestement erré et se sont contredits) je reste convaincu par les Saintes-Ecritures que j'ai citées, et ma conscience est liée par la Parole de Dieu. Je ne puis rien rétracter, et ne veux rien rétracter, car agir contre sa conscience n'est pas, sûr, et cela est dangereux ».

Il y eut ensuite quelques phrases échangées à propos de ces Conciles qui s'étaient contredits, puis d'empereur se leva. Tout était fini, et dans le bruit Luther cria encore : « Que Dieu m'aide. Amen ! »

Il fut reconduit à l'auberge où il logeait. Les soldats italiens et espagnols de la suite de l'empereur le huaient. Mais un prince allemand lui envoya une coupe de bière pour qu'il se rafraîchit. « J'en ,suis sorti ! » disait joyeusement Luther en levant la main au ciel

Le prince de Saxe, pour mettre Luther à l'abri des recherches le fit enfermer un temps au château de la Wartbourg, qui domine la ville d'Eisenach. C'est là que Luther commença à traduire en allemand le Nouveau Testament. Quand il rentra à Wittemberg, ce fut pour y commencer le travail d'organisation d'où sortirent les Eglises protestantes. Pour n'avoir pas voulu se réformer, l'Eglise catholique vit alors se détacher d'elle en Allemagne, puis en Suisse et en France, les « évangéliques » que la voix courageuse et la piété de Luther avaient amenés à une foi plus pure.

Ch. Bost.


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Un mot de Luther

 

Le diable, dit Luther, tint un jour une grande assemblée et y convoqua tous ses émissaires, afin qu'ils rendissent compte de leurs diverses expéditions.

- J'ai suscité, dit le premier, les bêtes féroces du désert et je les ai lancées contre une caravane de chrétiens, et maintenant leurs os desséchés sont dispersés sur les sables.

- La belle affaire, dit le diable, les corps sont morts. les âmes sont sauvées.

- Moi, dit un autre, j'ai fait lever le vent du midi contre un vaisseau chargé de chrétiens et ils sont tous noyés.

La belle affaire, dit le diable, les âmes sont sauvées.

J'ai essayé pendant dix ans, dit le troisième, d'endormir la vigilance d'un seul chrétien ; enfin, j'ai réussi, car il dort.

- Alors, dit Luther, le diable poussa un hurlement de joie et les étoiles de l'enfer entonnèrent un chant de réjouissance.

 

Verset à apprendre :

Ta parole est une lampe à mes pieds et une lumière à mon sentier. (Ps. 119 . 105).


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Pandita Ramabaï.

La protectrice des veuves aux Indes.

 

Est-il donc nécessaire que les veuves aient une protectrice ? Ne sont-elles pas. dans le monde entier, entourées de sympathie, à cause de leur deuil ? La Bible ne dit-elle pas : « La religion pure et, sans tache consiste à visiter les veuves et les orphelins dans leurs afflictions... »

Oui, la Bible, mais pas les païens ! Par une vraie folie, les habitants de l'Inde méprisent les veuves, et même les maltraitent; ils s'imaginent que les maris meurent à cause de tel ou tel péché de leurs femmes et ils les considèrent comme souillées, impures ; ils les rejettent à l'écart, et comme ils ont encore la coutume d'arranger les mariages déjà pendant l'enfance, il arrive que tel petit garçon étant mort, la fillette qui lui était destinée est considérée comme une misérable veuve ! Nul ne dira toute la détresse de nombreuses veuves dans ce grand pays de l'Inde. On en compte 23 millions. Nous sommes, disent-elles, comme des grenouilles jetées au fond d'un puits, qui peuvent à peine apercevoir un. coin du ciel ! »

Pandita Ramabaï devient veuve elle-même. - Un Hindou savant et pieux, Amandha Shastri en vînt sans la Bible, à s'élever au-dessus de ces idées cruelles. Il eut une fille, Ramabaï, qui naquit en 1858, il lui apprit à lire, ce qui ne se faisait jamais, et il décida de ne pas la marier tant qu'elle serait enfant. Malheureusement. en 1876, il mourut dans une terrible famine et laissa Ramabaï seule et pauvre, avec un frère.

Ils visitèrent les temples païens de l'Inde, mais n'y trouvèrent aucune consolation, aucun secours. Ramabaï, grâce à son instruction put donner des conférences qui excitèrent l'admiration des auditeurs et la firent appeler Pandita, ce qui signifie la savante, Ici doctoresse.

Son frère mourut aussi et restée seule au monde, elle épousa à vingt-deux ans un avocat. Elle eut une fillette, Manorama, puis, son mari mourut à son tour !

Que de deuils ! Que de détresses !

Pandita Ramabaï est émue de compassion pour les autres et devient chrétienne. - Dans sa détresse, elle pensa au sort de toutes les autres veuves, ses soeurs de misère, et résolut d'aller à leur secours.

Pour trouver de l'aide et pour s'instruire encore, elle se rendit en Angleterre. Elle y devint chrétienne et reçut le baptême, puis se rendit en Amérique où elle proclama son désir d'ouvrir un refuge pour les malheureuses veuves de sa patrie. Elle fut comprise et les chrétiens décidèrent de la soutenir. « Je pleure de joie,, s'écria-t-elle, car mon rêve de plusieurs années va se réaliser. »

Pandita Ramabaï fonde un premier asile. - Rentrée à Bombay, elle inaugura, en mars 1889, un premier asile qu'elle appela, Sharada Sadan, c'est-à-dire Maison de sagesse. Deux jeunes veuves ne tardèrent pas à y chercher abri. L'une avait essayé trois. fois de se suicider à cause de ses souffrances, et n'avait été retenue que par la crainte de renaître comme femme dans une autre vie !

Pandita Ramabaï décida que les élèves seraient libres de rester païennes si elles le désiraient. Son seul but était de les faire échapper à leur misère. Elle garda toute sa vie ce principe et respecta. toujours la liberté de ses protégées,

Elle dut transporter son asile plus au sud et dans l'intérieur de l'Inde, à Poona, et bientôt, elle eut quarante élèves de sept à vingt-cinq ans. Vingt d'entre elles, entraînées par l'exemple de, Pandita, devinrent chrétiennes. Ce fut le signal de violentes attaques des païens contre cet asile, mais Dieu ne permit pas qu'il fût fermé. Plusieurs élèves furent retirées par leurs parents, mais. la liberté fut sauvée, et les élèves continuèrent à avoir le droit de devenir chrétiennes si elles le voulaient. Bientôt, de nouvelles, réfugiées arrivèrent et il fallut songer à agrandir l'asile. Pandita Ramabaï acheta près de Poona, à Kedgaon, un vaste terrain pour la culture des légumes et des céréales nécessaires à l'alimentation de la colonie. Elle-même demanda à Dieu de lui donner son Saint Esprit, et d'agrandir l'oeuvre. Elle fit de grands progrès dans la foi et Dieu ouvrit devant elle toute une activité nouvelle.

L'oeuvre s'étend. Fondation de Mukti. - Une terrible famine en 1897 ravagea la contrée. Se souvenant des souffrances de sa jeunesse, Pandita fit un grand effort pour aller au secours des. veuves affamées qui étaient repoussées de leurs familles. Quoiqu'elle n'eût pas de ressources, elle réunit soixante pauvres exténuées et les dons ne tardèrent pas à affluer. Elle avait demandé à Dieu de pouvoir en accueillir trois cents !

Il fallut élever de nouveaux baraquements à Kedgaon, que l'on appela, Mukti c'est-à-dire le Salut ! Bientôt, les coeurs de ces malheureuses s'ouvrirent et 116 demandèrent le baptême chrétien.

L'oeuvre prenait un essor inespéré. Pour tant d'élèves, dont plusieurs étaient malades des suites de la famine et de leurs mauvais traitements, il fallut des gardes-malades, des institutrices, des. aides, de l'argent.

Pandita repartit pour l'Amérique demander encore du secours. Elle y passa des jours d'angoisse, mais elle fut exaucée : « Merci, à Dieu et à ces chères amies d'Amérique, dit-elle ; cette nuit je pourrai dormir, car je n'ai pas dormi depuis plusieurs jours en pensant à mes pauvres affamées. »

Le bien est contagieux. Bientôt cinq instituts semblables à Mukti s'ouvrirent sur d'autres points de l'Inde.

Les élèves de Mukti sont formées au jardinage, au soin du bétail, à l'élevage de la volaille, à la couture, à devenir institutrices, évangélistes, etc. Pandita Ramabaï se levait à quatre heures du matin et associait les institutrices et de nombreuses élèves à son culte. Il y avait dans son entreprise une ressemblance avec celle de Booker Washington, ce nègre que nous avons vu à l'oeuvre en .Amérique. Enfin, son asile abrite deux mille réfugiées. Elles ,étaient si zélées, si actives qu'on vit ces pauvres femmes se priver de repas pour envoyer des secours aux Arméniens persécutés et aller en petites bandes évangéliser les environs de Mukt

En 1922, le 5 avril, Pandita Ramabaï mourut à l'âge de 64 ans, ne possédant elle-même que sa robe et sa Bible, mais laissant un magnifique exemple de foi et de charité donné au monde par une ancienne païenne, par qui Dieu avait fait un des plus beaux miracles de notre temps.

On avait compté sur la fille de Pandita, Manoramabaï, pour lui succéder, malheureusement elle mourut à l'âge de 40 ans, le -24 avril 1921, quelques mois avant sa mère, ne s'étant pas mariée, chose inouïe aux Indes, pour se consacrer au soin de ses Soeurs déshéritées.

Dans l'Inde entière ces deux décès, si rapprochés l'un de l'autre, furent un deuil national, car an sentait que grâce à leur foi, à leur intrépidité, à leur dévouement, à leur persévérance, une brèche avait été faite dans la forteresse la plus inique du paganisme; l'exploitation de la femme !

Heureusement que l'oeuvre continue fidèlement.

« Vos aides sont-elles converties ? » demanda-t-on un jour à Pandita. « Oui, elles le sont, répondit-elle, car il leur serait impossible de soigner des affamées, atteintes de maladies répugnantes, si la grâce de Dieu ne les en avait rendues capables. »

Tous ces détails sont empruntés à l'excellent livre publié sur Pandita Ramabaï, la mère des petites veuves, par M. le pasteur

Paul Buchenel de Neuchâtel. G. Secretan.

 

Versets à apprendre :

Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. (Actes 2 : 21).

Que ton règne vienne ! (Matth. 6 : 10).


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Une leçon de grammaire.

 

Là fin de la récréation venait de sonner à la grosse horloge de l'école.

M. Albéric entra dans la vaste salle d'étude ensoleillée et promena sur ses élèves, des grands de quatorze ans, un regard qu'il n'était pas loin de croire aussi aigu et profondément perspicace que celui de feu M. le cardinal de Richelieu.

Un fin sourire erra sur les lèvres du professeur. Les quarante têtes n'avaient pas bronché : penchés sur leurs cahiers, les gaillards, un sourire angélique au coin des lèvres, travaillaient ou du moins semblaient travailler avec la fougue que la jeunesse apporte à toutes choses.

- A la bonne heure... Vous ne vous doutez peut-être pas, mes enfants, que la plus grande joie pour un professeur...

- Bigre ! Parle bien, notre maître... On dirait presque un de ces beaux messieurs de l'Académie, souffla Jules, un gros brun réjoui.

- Messieurs ! la grammaire !

Electrisés par l'accent vibrant de M. Albéric. les élèves lâchèrent ,leurs porte-plumes et s'apprêtèrent à écouter la leçon.

M. Albéric fut bien un peu étonné de cette sagesse à laquelle il n'était guère habitué.

Puis, comme on avait annoncé une vague de ;chaleur dans les journaux des jours précédents, M. Albéric qui était un brin astronome et quelque, peu philosophe, pensa qu'une vague de sagesse, destinée à la jeunesse par les prévoyants Américains, voyageait de conserve avec celle de chaleur.

M. Albéric eut un petit frisson de joie, puis, de sa belle voix chaude, il commença de savantes dissertations sur les finesses de la langue française en général et celles des verbes intransitifs en particulier.

Tout en parlant, M. Albéric se promenait de long en large. A un certain moment, en même temps qu'il exécutait un demi-tour dont la parfaite élégance eut fait soupirer d'envie Napoléon ou tout au moins M. de Turenne, le professeur lança un coup d'oeil négligent sur le tableau noir.

Résultat inattendu ! Simultanément, la voix et les pieds de M. Albéric exécutèrent une pause dans le genre du joint d'orgue, en matière de musique.

Pauvre M. Albéric ! Sa douloureuse stupéfaction était fort compréhensible.

Au milieu du tableau noir, préalablement brossé avec un soin

minutieux un unique dessin s'étalait. C'était une reproduction pleine de talent d'une splendide théière aux joues rebondies. L'auteur du chef-d'oeuvre, un artiste aussi sensible que consciencieux, n'avait pas oublié d'agrémenter la grasse théière de deux yeux dont l'expression de bonté était parfaitement réussie. Il avait également donné un nom à son oeuvre.

Coïncidence malheureuse !... Les initiales de la théière se trouvaient être les mêmes que celles du professeur.

Un silence de mort planait sur la salle d'étude. Enfin, M. Albéric se retourna et promena un regard glacial sur les quarante grosses têtes qui s'inclinèrent subitement au-dessus des bancs.

~ Que l'auteur de cette stupide plaisanterie s'annonce.

Personne ne bougea.

Le professeur attendit un instant, puis il répéta lentement son ordre.

Rien. Aucun ne broncha.

- Félicitations ! Décidément, je crois avoir affaire à un personnage très intéressant. Edouard,. pourquoi êtes-vous si rouge ?

Edouard, un moyen aux cheveux vaguement ondulés, tressaillit.

- Monsieur, ce n'est pas moi.

- Vous êtes bien rouge, mon cher ami !

Le jeune garçon se tourna vers ses camarades comme pour les supplier de parler en sa faveur. Aucun ne fit un mouvement. Alors, découragé, il baissa la tête.

- Sortez des rangs, Edouard : Restez debout près du mur. A la fin de la leçon. le concierge vous conduira au cachot pour le teste de la journée.

Sans un mot, le visage cramoisi, Edouard obéit.

Puis. M. Albéric recommença d'une voix calme et ferme la leçon de grammaire.

Un silence impressionnant planait dans l'air.

Tous tes élèves écoutaient consciencieusement, la bouche plus ou moins ouverte.

Au fond de la salle, dans les derniers rangs, un des garçons, le nommé Jules semblait écouter le plus attentivement.

En réalité. maître Jules n'écoutait pas le moins du monde. Ses yeux ronds fixés sur le professeur, le gros garçon au visage habituellement réjoui semblait préoccupé.

De temps à autre, il quittait des yeux le visage de M. Albéric et glissait :à la dérobée un coup d'oeil du côté d'Edouard.

- Vous écoutez, Jules ?

Le bon gros fit un bond involontaire sur son banc et rougit légèrement.

- Oui, M'sieu, déclara le gaillard avec une assurance qui, pour un esprit perspicace, eut paru trop exagérée pour être naturelle.

Mais M. Albéric, tout occupé de son cours, ne remarqua rien.

M. Albéric retint d'un geste les élèves qui allaient se précipiter hors de la salle d'étude. Les garçons s'immobilisèrent, et au même instant, le concierge entra.

- Edouard ! appela M. Albéric. avancez. Monsieur Chalard, voici le coupable. Il est condamné au cachot pour le reste de la journée.

Quelques garçons ricanèrent, d'autres crurent de bon goût de prendre des mines indignées.

Edouard sentit que ses camarades n'étaient pas pour lui. Ses yeux se mouillèrent, tandis qu'il se dirigeait vers le concierge.

Dans un coin de la salle, Jules, les bras croisés, roulait des yeux féroces. Il sembla hésiter un instant, puis, tout à coup, au moment où le concierge mettait sa large main au collet d'Edouard, .le gros garçon, d'une formidable volée de coups de poings, se fraya un, chemin au milieu de ses compagnons.

- M'sieu, ce n'est pas Edouard qui a dessiné la théière, c'est moi.

- C'est très bien de votre part, Jules, de vouloir vous accuser à la place d'un camarade. Mais Edouard n'est pas digne d'une telle gentillesse.

Le gros Jules devint violet et sembla prêt à étouffer.

- Mince de justice ! éclata-t-il soudain. Demandez aux autres, M'sieu, c'est moi qui ai eu l'idée et qui ai aussi dessiné la théière. Edouard n'a rien fait. Il s'est laissé accuser parce que tout le monde était contre lui. C'est un chic type, Edouard, tandis que moi je suis un lâche. Je voulais le laisser punir à ma place. Mais on a trouvé le courage d'envoyer un coup de pied aux mauvais sentiments et maintenant j'affirme que je suis le seul coupable. Est-ce vrai, vous autres ?

- C'est bien. Jules. suivez M. Chalard. Vous Edouard. venez ici.

Edouard obéit.

M. Albéric lui serra la main avec effusion.

- Vous êtes un noble caractère, Edouard. Je vous estime.

Les yeux d'Edouard brillèrent de plaisir.

- Passable, hein, vieux ? déclara Jules satisfait de la réparation, en se tournant du côté du concierge.

Très digne, le concierge parut ne pas entendre l'impertinente question de Jules.

D'une main ferme, il emmena par 'le collet le gros garçon qui saluait à la ronde, un sourire subtil errant sur sa vaste figure rebondie.

Sympathique, 'la théière souriait largement au-dessus de la tête

de M. Albéric. S. C.


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Au Thibet.

 

Un voyageur anglais, M. W. Montgomery Me Govern, a réussi malgré les interdictions à atteindre la ville sainte de Lhassa au Thibet, en 1921. Du récit de son voyage nous relevons un détail touchant la religion des Tibétains : « Nous partîmes avant les domestiques. les laissant payer la note et recharger les animaux. Comme nous traversions la rue principale du village, je me sentis si fatigué et démoralisé à la perspective d'une autre après-midi de marche. que je ne remarquai même pas un mondang, an mur de prières, au milieu de la rue et que je risquai de le dépasser en passant à droite.

« Je portais des lunettes noires et un vieillard, croyant fermement que j'étais aveugle. me cria qu'il y avait un mur de prières et que j'allais le passer du mauvais côté. Ceci me rappela au sens de la réalité et je tournai immédiatement à gauche, passant le mur de prières d'une façon orthodoxe. »

Au Thibet, pour honorer quelqu'un ou quelque chose, il faut le dépasser en le tenant à sa droite. En faisant le tour d'un édifice religieux, il faut aller de gauche à droite, dans le sens des aiguilles d'une montre, c'est considéré comme un grand mérite. Faire le contraire est un sacrilège. C'est dans le même sens qu'il faut faire tourner la roue de prières.

Chaque village possède son autel et son mur de prières. Ces derniers sont bâtis en briques séchées au soleil - quelques-uns n'ont que quelques mètres de longueur, d'autre un quart de mille. On les place généralement au milieu de la route pour que les voyageurs puissent les honorer en passant du bon côté. »


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David et Goliath.

(I. Samuel 17).

L'Eternel, qui m'a délivré de la griffe du lion et de la patte de l'ours, me délivrera aussi de la main de ce Philistin. (1. Sam. 17:37).

C'est David, le futur roi d'Israël, qui parle ainsi. Le cadet des fils d'Isaï a appris que l'armée de Saül est fort découragée ; les Phéniciens campent dans le voisinage. Ce n'est pas une bataille rangée qui va être livrée : l'ennemi héréditaire demande - les coutumes antiques l'admettaient - un « combat singulier », autrement dit d'homme à homme. La victoire d'un seul soldat sera celle de toute l'armée. Or, les plus valeureux parmi les Israélites ont peur, tellement redoutable. est le Philistin contre lequel il faut se mesurer. C'est un géant, aussi fort qu'il est grand. Il est terrifiant cet homme, dont la cuirasse seule pèse plus de 70 kilos ! David a le magnifique courage de relever le défi ; malgré les moqueries de ses proches, il s'en va à la rencontre de l'énorme Goliath. Aussi habile à la fronde que le sera plus tard à l'arbalète le héros des origines helvétiques, le jeune homme abat le dangereux guerrier. David avait de qui tenir ; il appartenait à cette tribu des Benjamites dont 700 combattants de l'époque des Juges « pouvaient lancer avec la fronde une pierre à un cheveu, sans le manquer »...

Nous avons mieux à faire qu'à nous extasier devant un prodige d'adresse. Relisez plutôt le verset inscrit au haut de cette page et ajoutez-y celui-ci : L'Eternel est celui qui te garde. (Ps. 121: 5). David a triomphé, il a eu le courage d'attaquer son puissant adversaire parce qu'il avait la certitude que l'appui divin ne lui manquerait pas.

Le récit que nous avons rappelé est donc beaucoup mieux qu'un exploit héroïque, il illustre cette grande vérité que la confiance en Dieu permet les plus belles victoires. Or, il s'agit de triompher du mal... Songez à cet égard combien le bien et le mal ressemblent au berger israélite et au géant vaincu. L'un est tout petit, de taille fluette, l'autre est fort et redoutable; l'un est sans défense et comme désarmé, l'autre est revêtu d'une solide cuirasse... c'est vrai, mais le bien, malgré les apparences, demeure le plus fort parce qu'il peut dire, comme David à Goliath :

«. Tu viens contre moi avec l'épée, la lance et le javelot ; mais moi, je viens contre toi au nom de l'Eternel. »


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David persécuté par Saül.

(l Samuel 18 : 6-30 ; 19).

 

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus ! (Luc 12 : 4).

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice. (Math. 5 : 10).

Vainqueur de Goliath, David devint si populaire que Saül en fut jaloux. « Il ne lui manque plus que la royauté », disait-il à son entourage. Un jour que le Jeune homme jouait de la harpe auprès de son roi, celui-ci lança une épée au musicien, sans l'atteindre heureusement. Dès lors, la haine de Saül envers David ne fit que s'accroître. La haine rend méchant, elle inspire les actions les plus laides. Saül fit semblant de s'intéresser beaucoup à David, il lui confia tout d'abord un commandement dans l'armée israélite, avec le secret espoir de le voir périr sous les coups de l'ennemi. Voyant que le jeune chef échappait à la mort, Saül imagina une combinaison diabolique, et cela sans être arrêté par la pensée qu'il pouvait faire le malheur de sa propre fille, Mical. La fille du roi aimait en effet le vaillant guerrier. On comprendrait que Saül se soit opposé à un mariage qui lui déplaisait ; mais, qu'il ait feint d'encourager les projets des. deux jeunes gens pour perdre plus sûrement celui qu'il détestait, voilà qui est vraiment odieux ! Les maris, en ce temps-là, devaient payer à leurs beaux-parents une somme proportionnée à la situation matérielle des épouses. Or, exiger comme dot que David, prétendant de condition modeste, mette à mort, en se battant en duel avec eux, 200 Philistins, c'était le vouer à une mort certaine... Le fiancé de Mical triompha cependant de l'épreuve. 11 devint le gendre du roi.

La haine de Saül croissait toujours. Il essaya de gagner à sa mauvaise cause son fils Jonathan, le meilleur ami de David. Jonathan s'efforça de persuader Saül que son gendre ne méritait pas d'être traité en ennemi. Le souverain comprit et reprit à son service le mari de Mical.

Pour peu de temps. Bientôt, le mauvais esprit - le chroniqueur biblique n'hésite pas à voir dans la haine si furieuse du roi un châtiment divin - « le mauvais esprit assaillit Saül » qui tenta, une fois encore, mais sans y réussir, de tuer David. Décidé à faire mourir son ennemi, le roi donna l'ordre à ses gens d'aller l'assassiner dans sa maison. Grâce à Mical, qui le fit descendre par une fenêtre, David eut la vie sauve. Il s'enfuit à Rama auprès de Samuel. Le prochain numéro du « Messager» montrera David, fuyant toujours la haine implacable de son roi, le pauvre Saül, auquel sa méchanceté semble avoir fait perdre la raison...