La première épître recensée au Canon romain n'est pas la première en date que Paul ait écrite, ou plus exactement dictée ainsi que l'usage en était pour toute correspondance quelque pou solennelle. Toutes n'ont pas été conservées. Mais parmi celles qui sont parvenues jusqu'à nous, cinq au moins ont sûrement précédé celle-ci : les deux épîtres aux Thessaloniciens, l'épître aux Galates, et les deux épîtres aux Corinthiens.
L'Apôtre se trouvait à Corinthe à la fin de l'année 57 ou au début de 58 lorsqu'il s'adressa sans les avoir encore jamais visités aux chrétiens romains. La majorité de ceux-ci était faite de païens convertis; cependant la communauté comprenait aussi quelques fidèles d'origine juive. Paul souhaite leur exposer son « évangile », c'est-à-dire l'importance de la personne du Christ pour le salut de l'homme; et, d'une façon plus précise, la question de la Loi juive et de la foi au Christ. L'année précédente, il était en pleine querelle à ce sujet; à présent la polémique s'est apaisée et son exposé est beaucoup plus calme que celui de l'épître aux Galates qu'on lira ultérieurement, selon l'ordre traditionnel.
L'adresse, commune aux lettres de l'époque, développe ce qui concerne l'expéditeur : « Paul , serviteur du Christ Jésus ».... qui a « reçu grâce et apostolat pour que tous les Gentils parviennent à l'obéissance de la foi » et il mentionne comme destinataires: «Vous tous qui êtes à Rome,... bien-aimés de Dieu. »
La justification par la foi
Une première partie, comportant les chapitres 1-11 de l'épître, fournit un exposé dogmatique sur la justification de l'homme par la foi au Christ. A ce propos vient sous la plume de Paul l'évocation de nombreux problèmes : celui des païens dans la découverte de Dieu, de la loi juive et de son incapacité à donner la force de pratiquer ses observances, de l'antithèse vigoureuse entre Adam qui a déterminé l'entrée du péché dans le monde et Jésus qui apporte la vie aux hommes qui croient en lui, de l'influence de l'Esprit Saint dans la vie du chrétien, enfin le problème douloureux de l'infidélité des Juifs. La seconde partie, beaucoup plus courte, envisage les conséquences morales des principes posés, sous forme de conseils donnés en de multiples domaines de la vie pratique : charité dans la communauté, surtout envers ceux qui ont une foi encore fragile : mais aussi soumission au pouvoir civil, dont l'Apôtre affirme l'origine divine.
Une « charte » de la théologie protestante
La lettre s'achève non par la salutation habituelle - en grec « Soyez dans la joie » en latin « Portez-vous bien » - mais par une formule très développée. Elle présente d'ailleurs une composition assez curieuse : les salutations multiples sont interrompues par la recommandation de se garder des fauteurs de troubles. La « doxologie », ou louange de Dieu, qui l'achève (chap. 16, vers. 25-27) trouvait peut-être primitivement sa place à la fin du chapitre 15.
Tel est cet écrit particulièrement dense. Luther l'a commenté solidement, et il constitue la charte de la théologie protestante de la foi. C'est par ce texte que catholiques, protestants et orthodoxes ont commencé en France la traduction oecuménique de la Bible. Et c'est certainement par son étude toujours plus approfondie qu'un rapprochement doctrinal s'opérera peu à peu.
J. DHEILLY
Professeur à l'Institut catholique de Paris
En ce temps-là, la Bible No 87