"Colombe" était son nom
En hébreu, le nom même de Jonas signifie «la colombe». Or la colombe n'est pas un quelconque volatile : elle est le symbole même d'Israël. Le Psautier l'atteste (par exemple au verset 14 du psaume 67 hébreu 68) ainsi que les prophètes (tel OSÉE, chap. 7, vers. 11 ; chap. 11, vers. 11 ), ou la tradition vivante d'Israël.
Ainsi, un Targum (commentaire araméen de l'Écriture), paraphrase le titre du psaume 55 (hébreu 56) - « Louange pour la communauté d'Israël comparée è une colombe silencieuse. » Et dans le Talmud de Babylone, on peut lire, à propos des phylactères, la fort jolie histoire d'Élisha, appelé « l'homme aux ailes ». Le pouvoir romain avait ordonné de percer le cerveau de tout Israélite qui porterait ces petits étuis contenant sur des lambeaux de parchemin des passages de la Loi. Élisha sortit dans la rue en les portant; un questeur le poursuivit et il arriva que ses phylactères se transformèrent en ailes de colombe. Et l'autour de préciser :
« De même que la colombe est protégée par ses ailes, ainsi Israël est protégé par les commandements. »
Il ne serait pas difficile d'ajouter à cet exemple une douzaine d'autres textes dont la plupart datent de ce même Ve siècle avant notre ère, celui qui est généralement assigné à la composition du livre de Jonas. N'aurait-on pas affaire à une allégorie?
La vocation d'Israël
C'est bien en effet l'histoire et la vocation du Peuple élu qui se laissent deviner derrière ce beau livre d'images. Appelé à une mission universelle, Israël a regimbé il n'a pas cru pouvoir aller proclamer aux nations païennes que le salut leur était également promis. Il s'est donc replié sur son quant-à-soi, enfermé dans son nationalisme intransigeant. Dès lors, il fut menacé de disparition et d'oubli: l'Exil l'a englouti pendant un temps, comme le monstre marin a englouti Jonas; et c'est par miséricorde que, finalement, Dieu a tiré son élu de l'abîme pour la rendre à sa mission.
Mais voici que pèse de nouveau l'éternelle menace du nationalisme chauvin. Au retour de l'Exil, il fallut resserrer l'unité nationale, se reconstituer en peuple dont la foi soit pure, sans compromissions avec les croyances païennes. Mais vint l'époque où Israël, suffisamment affermi, devait âtre rendu à sa vocation initiale. C'est donc à réveiller son élan missionnaire que s'emploie l'auteur du livre de Jonas, en promettant la conversion des nations, fussent-elles aussi endurcies dans le péché que cette Assyrie dont la fâcheuse réputation demeure parmi les descendants des captifs. Pourtant, l'écrivain sacré est sans illusion; il sait ce qui retient nombre de ses contemporains d'aller prêcher les nations : un certain dépit à voir des païens bénéficier du salut qu'ils entendent réserver à eux seuls. Il faudra attendre encore quelques siècles avant que le rêve du croyant inspiré ne se réalise pleinement.
Le « fils de la colombe »
Plus tard viendra le temps de l'Évangile, de la Bonne Nouvelle apportée à tous les hommes de bonne volonté. Jésus inaugurera pour de bon l'ère où Israël va rayonner sur le monde lorsque, sortant du Jourdain après le baptême octroyé par Jean, une colombe descendra sur lui. Plus tard encore, Pierre prendra officiellement le relais lorsque le Maître s'adressera solennellement à lui : « Heureux es-tu Simon, fils de Jonas... » (MATTHIEU, chap. 16, vers. 17). Plus tard enfin, c'est aujourd'hui, où la mission demeure plus que jamais d'annoncer aux peuples le salut et la libération contenus dans la Parole de Dieu.
Jean-Pierre Charlier o.p
En ce temps-là, la Bible No 71