Cette proposition

«et il fut recueilli auprès de son peuple»

se rapporte à l'ensevelissement dans le sépulcre des pères?

 

Ces mots furent utilisés pour la première fois à la mort d'Abraham: «Abraham expira et mourut, après une heureuse vieillesse, âgé et rassasié de jours, et il fut recueilli auprès de son peuple» (Gen. 25, 8). Les archéologues nous disent généralement qu'il faut penser là au tombeau de la famille, comme c'était jadis l'usage. Et Abraham en avait fait aménager un dans la caverne de Macpéla. Les guides touristiques en Israël avancent cette version dans le cadre des habitudes d'enterrement aux temps bibliques. Mais faut-il entendre ainsi la chose?

A première vue, cette explication. semble être la bonne. Mais si l'on se penche davantage sur les passages bibliques parallèles, on constate que quelque chose de différent doit être envisagé. A la mort d'Aaron et de Moïse, par exemple, les mêmes mots sont employés, même s'il est clair que ces deux hommes de Dieu n'ont pas été mis dans la tombe des leurs. Aaron est décédé dans le désert sur le mont Hor, à la frontière d'Edom (Nombres 20, 23-29). Moïse mourut dans le pays de Moab, sur le mont Nebo; et il fut enterré dans la vallée par Dieu Lui-même (Nombres 27,12-13); jusqu'à ce jour, personne ne peut situer ce lieu (Deut. 34, 1.5-6). Il ne peut donc être question du «tombeau des pères» il doit s'agir de quelque chose d'autre.

Plus tard, à la mort d'un roi en Israël, la même chose est dite avec des mots quelque peu différents. Ainsi, pour la première fois, lors du décès du roi David: «David se coucha (ou: ... s'endormit) avec ses pères, et il fut enterré dans la ville de David» (1 Rois 2, 10). Ici aussi, l'impression peut se former que l'on pense à l'ensevelissement dans le sépulcre des pères, et cela parce que les dépouilles mortelles des descendants de David furent mises dans ce même lieu (1 Rois 14, 3 1). Mais il y eut ici également des exceptions, certains rois n'ayant pas été déposés dans le sépulcre des pères; pourtant, cette formule ,fut recueilli auprès de ses pères» est utilisée. Par exemple, en 2 Rois 21, 18: «Manassé se coucha avec ses pères, et il fut enterré dans le jardin de sa maison, dans le jardin d'Uzza. » L'emploi de ces mots ,se coucha» ou «s'endormit avec ses pères» n'implique pas nécessairement qu'il s'agisse de la tombe des ancêtres, comme l'archéologie moderne voudrait nous le faire croire. Non, mais il est plutôt question de recueillir ou de mettre au repos les âmes des défunts.

L'Ancien Testament et surtout le Pentateuque ne parlent pas d'une vie après la mort. C'est la raison des divergences d'opinion entre les pharisiens et les sadducéens dans le Nouveau Testament (Luc 20, 27-38). Ces derniers, qui s'appuyaient surtout sur les cinq livres de Moïse, ne croyaient pas - contrairement aux pharisiens - à la résurrection des morts. Mais n'oublions pas qu'au temps de la conception des cinq livres de Moïse, la question d'une vie après la mort ne se posait pas. C'était une évidence au même titre que la vie elle-même, comme également les coutumes liées aux enterrements d'alors et particulièrement aux sépultures et aux embaumements en Egypte. Se coucher ou s'endormir avec son peuple ou avec ses pères se rattache à la réunion de l'âme du défunt avec ses ancêtres. L'évidence du rassemblement des âmes des morts se trouve exprimée par Jésus dans la parabole de l'homme riche et de Lazare, le pauvre: ,Le pauvre mourut, et il fut Porté Par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli» (Luc 16, 22).

Il est intéressant de noter que, contrairement à l'homme riche, il n'est pas dit de Lazare qu'il fut enterré. L'ensevelissement semblait n'être qu'une affaire secondaire, sans importance; ce qui comptait, c'était d'être a porté dans le sein d'Abraham». Pour nous également, il est essentiel d'avoir la certitude d'être «recueillis parmi Son peuple et d'entrer dans Son repos»: «Craignons donc, tandis que la promesse d'entrer dans son repos subsiste encore, qu'aucun de vous ne paraisse être venu trop tard.. Pour nous qui avons cru, nous entrons dans le repos» (Hébr. 4, 1.3)

FREDI WINKLER

Nouvelles d'Israël 06 / 1999

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