Le Dieu de paix

( Jusque dans les affrontements rapportés par l'histoire)

 

Nos lecteurs connaissent l'expression « Dieu des armées » (1) qui semble définir le Dieu de l'Ancien Testament, bien à tort d'ailleurs si l'on confond dans la même pensée « les armées » et la « guerre ». Il est pourtant incontestable que l'histoire d'Israël est parsemée d'innombrables guerres où son Dieu se trouve engagé selon le texte biblique. Non moins indiscutable que le Dieu annoncé parle Nouveau Testament est un Dieu de paix; cette période de l'année, avec les fêtes de Noël, le rappelle à chacun. Il s'agit pourtant du même Dieu, et Dieu ne change pas.

Parce que Dieu a permis que son peuple agisse en fonction des causalités naturelles, dans le contexte historique de son temps et quel temps, hélas, n'a pas connu la guerre ! - il ne faut pas oublier que le Créateur a établi toute chose dans la paix. La « paix biblique » ne désigne rien d'autre que l'état du monde tel qu'il est sorti de ses mains.

Ayant tout fait avec nombre, poids et mesure (livre de la Sagesse, chap. l 1, vers. 20), Dieu a établi la paix dans les hauteurs, dit le livre de Job (chap. 25, vers. 2). Ainsi la paix est-elle essentiellement le fruit de l'action divine.

Dans la pensée des auteurs sacrés, c'est elle qui constitue l'état idéal, l'état premier. La guerre qui, elle, n'a pas été établie par Dieu, vient troubler cette paix primitive. Mais celle-ci demeure le bien suprême, vers lequel tend toute l'histoire, même celle de l'installation en Canaan. Jamais les vertus guerrières ne sont en Israël exaltées pour elles-mêmes. Ce n'est guère qu'à l'époque très tardive des Maccabées (IIe s. av. J.-C.) qu'on y connaîtra quelque chose d'équivalent aux héros de la Grèce. Encore ces protagonistes de l'indépendance religieuse et nationale ne perdront-ils jamais de vue que l'essentiel de leur force et la cause principale de leurs victoires c'est l'assistance secrète, invisible et constante, de Dieu qui les soutient dans la lutte contre les persécuteurs de leur foi.

« Shalom ! »

... Que la paix soit avec vous

Ainsi jamais Israël ne pourra se glorifier de ses victoires.

L'idéal guerrier lui est pour ainsi dire impossible, puisque ce n'est pas avec la force de son bras qu'il se rend maître de son pays mais grâce « à la lumière qui émane du visage divin » (Psaume 44, vers. 4).

Si la victoire n'est finalement jamais le fait de sa réussite, la paix non plus n'est pas pour Israël le résultat de sa propre habileté diplomatique ou de la crainte qu'il inspirerait. Elle est un don de Dieu (Psaume 29, vers. l 1). Dieu seul « crée la paix », selon cette magnifique formule d'Isaïe (chap. 45, vers. 7), où le prophète laisse entendre, en employant le verbe créer, que Dieu l'a tirée, comme le cosmos, à partir de rien et non pas à partir de réalisations humaines. Le Psaume 76 (vers. l 1) encore précise que Dieu ne réside pas dans la guerre mais dans la paix, et Yahvé assure la paix à ses enfants dans la mesure où ils restent fidèles aux obligations de l'Alliance (Lévitique, chap. 26, vers. 6).

Cette origine divine de la paix est enfin soulignée dans la formule de bénédiction sacerdotale : « Que Yahvé te regarde et te donne la paix! » (Nombres, chap. 6, vers. 26). Aussi la paix est-elle le partage de ceux qui aiment la loi (Psaumes 119, 163).

La salutation hébraïque « shalom ! », paix !, est significative lorsqu'elle est employée par les messagers du« Dieu des armées » (Juges,

c. 6, v. 23). Elle indique nettement que son dessein ultime est bien la paix et non l'affliction ou la guerre (Jérémie, c. 29, v. l 1).

Le « Prince de la paix » Enfin, l'Alliance est essentiellement une alliance de paix (Nombres, chap. 25, vers. 1 2 ; Ecclésiastique, chap.

45, vers. 30). Le péché coupe pour ainsi dire les bonnes relations que Dieu veut instaurer entre lui et son peuple.

En rompant de cette manière la paix avec son Dieu, l'homme déclenche la guerre avec ses semblables. Quand Dieu appelle au repentir, il appelle à la paix : « Qu'on fasse la paix avec moi », insiste-t-il par la bouche d'Isaïe (chap. 27, vers. 5).

Aussi le Messie attendu, dont un des noms sera « Prince de la paix » (Isaïe, chap. 9, vers. 6; Zacharie, chap. 9, vers. 9), et dont les souffrances nous procureront la paix (Isaïe, chap. 53, vers. 5) restaurera-t-il la paix initiale.

Il annoncera la paix aux nations (Zacharie, chap. 9, vers. 9). La paix messianique sera totale (Joël, chap. 4, vers. 7; Amos, chap. 9, vers. 13). Il sera lui-même la Paix (Michée, chap. 5, vers.

3-4) et cette paix n'aura pas de fin (Isaïe, chap. 9, vers. 13).

Dom J. GOLDSTAIN

En ce temps-là, la BibleNo 13 page IV.

© En ce temps-là, la Bible