De tous les lieux saints, Jérusalem est assurément celui où, mieux qu'ailleurs, on sent souffler « le vent de l'Histoire». C'est la ville du Temple de Yahvé, celle où vécut et mourut le Christ, où s'est implantée enfin la tradition de l'islam.
Au premier âge du bronze ancien,vers l'an 3000 av. J.-C., où l'archéologue situe les tout premiers vestiges, ce n'est qu'un petit campement sur un site favorable.
Attirées par la colline, plus tard appelée l'Ophel, dont l'escarpement rend la défense aisée, et qui contrôle une source au débit modeste mais régulier, quelques familles se sont installées là. On a retrouvé les pointes de flèches de silex taillées par leurs chasseurs ou leurs guerriers, ainsi que des restes de poteries utilitaires.
Au sud, l'aire habitée domine la vallée du Hinnom (en araméen Gê-Hinnam, ce qui a donné « la Géhenne ») ; à J'est, celle du Cédron, où jaillit la source; à l'ouest enfin celle du Tyropoeon, vallée aujourd'hui comblée. C'est donc au nord seulement qu'il reste à assurer la protection de la première ville, née au cours du 3e millénaire, contre un peuple de terribles nomades d'origine sémitique : les Amorrhéens, qui déferlent sur la Palestine.
Ces derniers finiront malgré tout par s'emparer du site, et c'est vers une cité de culture amorrhéenne que se rendit, vers 1800 av. J.-C., le premier des patriarches : « Comme Abram revenait après avoir défait Kodorlaomor... Melkisédek, roi de Salem (Jérusalem) offrit le pain et le vin... » (Genèse, chap. 14, vers. 17-18).
C'est à peu près à cette époque que les Jébuséens, puisque tel fut le nom donné aux Amorrhéens installés sur le plateau de « Salem » ou « Jébus », à 760 m d'altitude, construisirent un mur d'enceinte aux proportions colossales, si solide qu'il survécut jusqu'au Vlle siècle av. J.-C. Sur le flanc est, cette muraille était dotée d'une tour qui gardait l'entrée de la ville et surveillait l'accès à la source. Ainsi, les Jébuséennes qui descendaient pour y remplir leurs jarres et leurs outres, étaient-elles sous la garde d'un soldat prêt à donner l'alerte. Malgré ces précautions, les Jébuséens comprirent vite qu'en cas de siège, ils seraient à la merci d'un ennemi qui pourrait facilement les assoiffer.
Ils décidèrent donc la construction du fameux tunnel par où les troupes de David entreront un jour et que les chercheurs ont décelé. Depuis la ville haute, on dut construire un puits vertical, puis creuser une longue galerie en pente, que prolongeait un second puits vertical haut de treize mètres, et enfin un canal horizontal qui parvenait à la source.
Pharaon en fut le suzerain; David le roi.
Retranchés derrière leurs murailles d'où ils n'avaient plus à sortir à découvert pour aller au ravitaillement en eau, les Jébuséens continuèrent à prospérer. Bientôt, ils agrandiront la ville en construisant, sur le flanc est de l'Ophel, une série de terrasses sur lesquelles s'élevaient des maisons. Mais, inlassablement, les pluies d'hiver, ou même les tremblements de terre, endommageaient ces terrasses et les murs de soutènement qu'il fallait réparer souvent. La Bible évoque ce lourd labeur de restauration que poursuivit David. Bien avant lui, au XIV, siècle av. J.-C., époque où furent édifiées les premières terrasses, Jérusalem occupait déjà une place dans la diplomatie internationale. Huit des tablettes d'El-Armana(1)ont été rédigées par Abdi-Hepa, roi de Jérusalem,et elles nous donnent des renseignements passionnants sur la situation politique d'alors. Tantôt Abdi-Hepa proteste de sa fidélité à Pharaon, son suzerain, tantôt il se plaint que des mercenaires égyptiens aient pillé son palais et tenté de l'assassiner, tantôt enfin il signale à Pharaon qu'il lui a envoyé une riche caravane. Mais au début du XIIe siècle avant notre ère, des conquérants pénètrent en Canaan et ravagent le pays : ce sont les fils d'Israël. Du haut de leurs remparts, les Jébuséens, sans être sérieusement inquiétés, vont assister, à la sanglante conquête des territoires d'alentour par Josué. il faudra attendre que David se soit pratiquement emparé de tout ce qui résistait encore en Canaan pour que soit aussi, par lui, balayée cette enclave étrangère dont il fera, la capitale de son royaume.
C'est là que commence l'histoire de Jérusalem-la-Sainte que nous découvrirons à travers toute celle du peuple d'Israël.
M.-C. HALPERN
(1) Elles contiennent, en caractères cunéiformes, la correspondance des pharaons Aménophis III et Aménophis IV. appelé, aussi Akhénaton (1372-1354 av. J.-C.),. avec les princes vassaux de l'Égypte
En ce temps-là, la Bible No 25 page II.