« LA BIBLE AU MICROSCOPE »
Difficile de trouver un texte dont la forme et les dimensions soient mieux adaptées à son sujet ! Pas de longs discours sur l'humilité, quelques vers suffisent. L'auteur de cette rubrique s'en prend à douter de l'efficacité du «microscope » pour saisir un tel message. Quelques remarques pourront cependant aider le lecteur.
La place de ce Psaume dans le recueil n'est certainement pas fortuite. Après l'appel du Ps. 130, il exprime la confiance et la paix. La reprise de l'invitation : «Israël, mets ton espoir en l'Eternel» (Ps. 130:7 ; Ps. 131:3), crée un lien formel entre les deux poèmes. On pourrait même suggérer l'existence d'une structure commune, chaque strophe du Ps. 130 trouvant un écho en chaque verset du Ps. 13 1. En partant de la fin, la démonstration paraîtra peut-être plus convaincante :
b) PS. 130 v 5, 6 / Ps. 131 v 2, la confiance de l'âme, «mon âme espère, mon âme compte sur le Seigneur » (Ps. 130), « mon âme est calme et tranquille » (Ps. 131)
a) Ps. 130 v 1-4 / Ps. 131 v 1, le parallèle est moins évident, les deux textes se référent à la dimension verticale, les profondeurs au Ps. 130, au Ps. 131, deux verbes qui signifient être haut ou s'élever ; au Ps. 130, l'écrasement de l'homme pécheur devant le Dieu saint, au Ps. 13 1, l'humilité confiante du croyant.
Cantique des degrés. De David.
La mention d'un grand homme d'Etat comme auteur de ce psaume est loin d'être insignifiante. L'absence du nom de David dans certains manuscrits de la version grecque des LXX n'est pas de nature à porter sérieusement atteinte à l'autorité du texte massorétique sur ce point. Cette mention fonctionne d'une part comme argument à fortiori : si le roi d'Israël était si humble et si simple, à combien plus forte raison devons-nous l'être ; d'autre part, elle prévient un usage abusif de ce cantique comme apologie de la médiocrité en matière de réflexion ou d'action : la qualité des services rendus par David laisse sérieusement à penser à quiconque voudrait s'engager sur cette voie.
Eternel ! je n'ai ni un coeur qui s'enfle ni des regards hautains ; Je ne m'occupe pas de choses trop grandes et trop relevées polir moi.
Le contenu de ce poème ne s'apparente guère à ce que nous avons coutume d'appeler une prière. Il ne comporte ni demande, ni remerciement, ni louange à Dieu. Pourtant, l'auteur en le faisant précéder d'une invocation «Eternel !» a bien voulu en faire une prière. C'est à Dieu qu'il s'adresse. Ce type de prière, que l'on pourrait qualifier de déclarative, aide le fidèle à se situer devant Dieu.
Comme l'a remarqué Delitzsch, trois cercles concentriques décrivent le fidèle : le coeur, les yeux, l'action ; litt. « je ne marche pas dans des choses trop grandes et trop difficiles pour moi». Le dernier terme : niflaoth, désigne souvent les actes merveilleux de Dieu, les miracles. Mais ici il n'y a pas nécessairement allusion au miracle comme le voudrait Maillot, le mot peut simplement désigner une chose trop difficile, comme par exemple une affaire judiciaire dépassant la compétence du tribunal local (Deut. 17:8). L'Ecriture affirme plusieurs fois que rien n'est trop difficile (ou merveilleux) pour Dieu (Gen. 18: 14 ; Jér. 32: 17, 27) ; l'homme a ses limites, l'humilité consiste à les reconnaître et à en tenir compte. La «Colombe» (°) traduit : «Je ne m'engage pas dans des affaires trop grandes et trop difficiles pour moi».
Loin de là, j'ai l'âme calme et tranquille, Comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère ; J'ai l'âme comme un enfant sevré.
La double conjonction qui introduit ce verset : im-lo (litt. «si je n'ai pas aplani mon âme») est surprenante. Il semble bien qu'elle ait égaré les traducteurs grec et latin (LXX et Vulg.) qui rendent ainsi le v. 2 : « Si je n'ai pas humilié mais élevé mon âme, comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi soit la rétribution sur mon âme ». Cette lecture, peu satisfaisante quant au sens, s'écarte assez sensiblement du texte hébreu en deux endroits. Il faut plutôt voir dans cette double conjonction (« si ne... pas») l'influence des formules d'imprécation du type : «si je n'ai pas tenu parole, que Dieu me châtie». La 2 ème partie de la formule étant souvent sous-entendue, l'expression «si je n'ai pas tenu parole» veut dire : «Oui, j'ai tenu parole». Ainsi la phrase rendue littéralement « Si je n'ai pas aplani mon âme» signifie : «Oui, j'ai aplani mon âme» ou «Je déclare que j'ai aplani mon âme». Il ne s'agirait donc pas seulement d'une expression de confiance de la part de l'auteur, mais d'une déclaration à rapprocher d'autres déclarations relatives à la conduite des psalmistes, cf. Ps. 26 v 3-8 : « Je marche dans ta vérité. Je ne m'assieds pas avec les hommes faux... ».
Ces déclarations rappellent au croyant l'attitude juste qui doit accompagner la prière. Jésus lui-même a inséré une de ces déclarations dans sa prière modèle : «...comme nous aussi nous pardonnons à ' ceux qui nous ont offensés ». (Mt 6: 12-15)
La « Colombe» (°) corrige Segond avec raison, non pas : « J'ai l'âme calme », mais : «J'ai imposé le calme et le silence à mon âme». Litt. «J'ai égalisé et calmé mon âme». A l'âme qui s'élève (v 1), l'auteur oppose l'âme aplanie comme un champ prêt à recevoir la semence (cf. Es. 28:25 où le même verbe est employé).
L'image de l'enfant sevré peut égarer le lecteur français, car dans notre langue le sevrage est symbole de privation, être sevré, c'est être privé. Il faut ici concevoir le sevrage comme une étape dans l'éducation, l'enfant sevré a appris à se passer du lait maternel, aussi l'image qu'il offre lorsqu'il est sur les genoux de sa mère est-elle plus paisible que celle du nourrisson avide de téter.
L'image pourrait convenir au repos de l'âme en Dieu, en fait ce n'est pas ainsi que David la développe : «Comme un enfant sevré auprès de sa mère ; comme un enfant sevré auprès de moi (est) mon âme». L'image décrit plutôt un homme en paix avec lui-même parce qu'il a su imposer silence aux désirs désordonnés de son âme.
Ce témoignage émouvant dans sa simplicité nous révèle un aspect de la prière trop méconnu. Si la prière nous permet de voir la réalisation de bien des désirs, ne doit-elle pas aussi nous conduire à renoncer à bien des désirs et des ambitions qui ne concordent pas avec la volonté de notre Dieu. N'en restons-nous pas trop souvent au stade du nourrisson ?
Israël ; mets ton espoir en l'Eternel, Dés maintenant et à jamais.
Le dernier verset vient rappeler fort opportunément que cet apaisement de l'âme est inséparable de la confiance en Dieu. C'est à cette confiance que revient le dernier mot : dés maintenant et pour toujours.
Emile NICOLE
(°) « Colombe » nouvelle version Segond révisée, 1978
Nous remercions le professeur Emile Nicole de la Faculté de Théologie Evangélique de Vaux-sur-Seine et la revue Ichthus de nous avoir permis de publier cette étude. Nous enverrons un exemplaire d'Ichthus à ceux qui nous le demanderont.
Le Berger d'Israël No 395