L'éducation d'un chef d'Eglise: SIMON PIERRE

 

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La tradition a fait du « Prince des apôtres» au moment où il fut choisi comme tel, un homme d'un certain âge ou même une sorte de vieillard. L'autorité ne convenait-elle pas aux « anciens»? Mais à l'époque du Christ, était réputé « ancien » celui qui jouissait de quelque prestige dû à sa qualité plutôt qu'à son âge. Et il est très vraisemblable que Jésus ait choisi ses apôtres, y compris « le premier d'entre eux », parmi les hommes de sa propre génération. Sans doute n'étaient-ils pas parfaits, mais épris de perfection : ainsi par efficace coopération avec la grâce divine, l'ardent et jeune Galiléen est-il devenu celui qui parlait au nom des Douze devant les foules et qui présida notamment l'assemblée « des apôtres et des anciens » à Jérusalem (ACTES, chap. 16, vers. 6-7).

On imagine volontiers « Simon fils de Jean » lorsqu'il parvient à l'âge adulte : garçon droit enthousiaste, avec au coeur in idéal animé par un très grand désir : « voir le Messie », ce Roi glorieux qui chasserait les Romains hors de Palestine et monterait triomphalement au Temple de Jérusalem au milieu des hosanna, afin d'y établir la justice en faveur des « pauvres » et de mettre un peu :)lus d'amour entre les hommes. Peut-être, comme Élie ou comme Hénok, ne mourrait-il pas, et serait-il « enlevé par Dieu ».

Et puis, c'est l'émerveillement. Non seulement le pêcheur de Galilée voit le Messie, mais Jésus de Nazareth le choisit comme compagnon, et le fait vivre dans son intimité, en attendant l'annonce extraordinaire : il deviendra la pierre sur laquelle reposera à jamais l'Église du Christ.

Mais auparavant Simon-Pierre sera durement épuré par l'épreuve. Aussitôt après la merveilleuse promesse, voici la parole qui pénètre en lui comme un glaive à deux tranchants : le Christ doit « beaucoup souffrir, de la part des anciens, des princes des prêtres et des scribes, être mis à mort, et ressusciter le troisième jour, » (MATTHIEU, chap. 16, vers. 21). C'est alors la révolte de tout son être : « Cela ne t'arrivera pas! »... et la verte semonce du Maître : « Satan 1 » (vers. 23). Est-il possible que Pierre soit devenu en un instant l'adversaire de Jésus : celui qui voudrait le faire tomber, comme la pierre sur laquelle on glisse (le « scandale ») dans le sentier ? Le malheureux apôtre s'enfonce dans un silence attristé. ... Mais penser que Jésus n'est pas le Messie et le quitter dans la souffrance des illusions perdues n'est, pour lui, pas possible non plus. Il lui reste donc à admettre qu'il n'a pas jusqu'ici parfaitement compris les Écritures et qu'il a encore beaucoup à apprendre.

Il devra aussi prendre sa propre mesure, Il se croit fort, et son amitié pour Jésus lui fait prononcer dans les dernières heures qui précèdent la Passion des paroles imprudentes qui sont assurément sincères : « Seigneur, je suis prêt à aller avec toi et en prison, et à la mort » (LUC, chap. 22, vers. 33).

Pourquoi Jésus lui a-t-il répondu : « Le coq ne chantera pas aujourd'hui que tu n'aies par trois fois nié me connaître » (vers. 34) ?.. Quelques heures plus tard, Pierre aura la réponse : il s'est enfui lors de l'arrestation de son Maître et, devant un bavardage de servante, l'a en effet renié, jurant de n'avoir jamais eu la moindre relation avec lui. S'il pleure alors comme un enfant, C'est qu'il vient de jauger son humaine faiblesse et de découvrir combien chacun peut se révéler misérable à certaines heures faute d'entendre les avertissements du Seigneur.

Il faudra la résurrection du Christ et sa patiente pédagogie pour faire comprendre à Pierre que le Messie n'est pas ce Roi de la terre qu'il avait imaginé : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances et entrât ainsi dans sa gloire? » (LUC, chap. 24 vers. 26). L'apôtre saisira mieux désormais certains passages des prophètes qu'il avait entendu lire à la synagogue : « il était blessé à cause de nos péchés, écrasé à cause de nos crimes... » (ISAIE, chap. 53, vers. 5). Jésus était donc le serviteur souffrant, celui qui avait accepté de mourir sur une croix afin de sauver Israël et l'humanité entière. Décidément , la gloire du Messie ne serait jamais une gloire temporelle, mais une gloire céleste. Et l'Église dont lui, Pierre, deviendra le chef, serait l'Église des humbles, des pauvres, des faibles, de ceux qui souffrent... Enfin l'impétueux disciple saura que sa fidélité doit s'appuyer sur la force de son Maître, et le Prince des apôtres, qu'il est un seul moyen d'assumer la mission confiée par le Christ à cette Église : agir, dans une confiance totale, pour l'amour de celui qu'on aime humblement : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime!.. » (JEAN, chap. 21, vers. 17).

Dès lors, Simon-Pierre peut partir à la conquête du monde. Mais les textes de Luc (Actes, chap. 10, vers. 10 et suivants) ou de Paul (aux Galates, chap. 2, vers. 11 -14) le montreront encore perfectible, ... comme le demeure tout humain, sa vie durant.

J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

En ce temps-là, la Bible No 85

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