le terme de « Proverbes» (mashal, en hébreu) recouvre une réalité fort complexe : on trouvera certes, dans le livre qu'on va lire, des proverbes au sens français du terme, mais aussi des formules où l'auteur recourt à des comparaisons qui orientent vers la parabole. Qu'on lise, au chapitre 6, le petit passage plein d'humour sur « la fourmi et le paresseux » ! Ajoutons enfin, au genre ici cultivé, l'allégorie et l'énigme.
Ce sont les parties les plus anciennes (chap. 10-22 et 25-29) qui présentent des sentences courtes et bien frappées. Dans les parties plus récentes, on rencontre des développements plus amples qui sont parfois de véritables exhortations. Le prologue (chap.1-9) expose les avantages de la sagesse et les moyens de l'acquérir. Vers la fin de l'ouvrage on trouve enfin des proverbes numériques (« Il y a trois choses qui me dépassent et une quatrième dont je ne sais rien »), mélange d'allégorie et d'énigme, et un poème acrostiche ou alphabétique, comme le sont certains psaumes (la première lettre de chaque vers est choisie dans l'ordre de l'alphabet), sur la femme idéale. Pour les poètes que nous sommes tous dans nos bonnes heures, le livre des Proverbes est bien cette « maison » bâtie par la Sagesse (chap. 9, vers. 1) qui comporte un portique d'entrée (les neuf premiers chapitres) et sept colonnes:
les sept recueils de sentences, deux « salomoniens » (chap. 10 à 22, vers. 16 et chap. 25 à 29), deux collections des « Paroles des sages » (chap. 22, vers. 17 au chap. 24, vers. 22), les « Paroles d'Agur » (chap. 30), les « Paroles du roi Lemuel » (chap. 31, vers. 1-9) et l'annexe sur « la femme forte » (chap. 31, vers. 10-31).
Dans «la tradition» de Salomon
Le titre traditionnel du livre, « Proverbes de Salomon », dit assez que ce roi fut l'initiateur du genre sapientiel en Israël . on lui attribua non seulement les Proverbes, mais l'Ecclésiaste, le Cantique et la Sagesse. S'il ne faut pas prendre cette attribution à la lettre, il est incontestable que beaucoup des adages consignés dans le premier ouvrage remontent à l'époque qu'il a marquée. Ce sont notamment ceux qui ont été recueillis par les « gens d'Ézéchias » (chap. 25). D'autres sont donnés comme l'oeuvre de « sages », ou bien anonymes (chap. 22, vers. 17 suiv.) ou bien dont on a retenu les noms (peut-être fictifs) : comme Agur et Lemuel, aux chapitres 30 et 31.
Les derniers textes intégrés dans les Proverbes (chap. 1-9; 23-24; 30-31) sont sans doute de la fin de la monarchie et du retour de l'exil. La rédaction finale pourrait être datée des alentours de 480. Cette diversité dans le temps ne se remarque pas seulement dans l'évolution de la forme, mais aussi dans le progrès de la doctrine, qui culmine au chapitre 8, avec la description de l'action créatrice de la Sagesse. Celle-ci s'adresse à tous les hommes sages ou insensés, pour les faire participer à son intelligence, les écarter du mal et leur donner la joie.
Cette doctrine sera reprise par les auteurs de l'Ecclésiastique et du livre de la Sagesse avant que ceux du Nouveau Testament y puisent à leur tour la théologie du « Verbe », dont nous entretiendrons nos lecteurs en temps utile.
Dans la section qui va du chapitre 22 vers. 17 au chapitre 24, vers. 22, des Proverbes, les spécialistes notent enfin, nous le verrons, une parenté très nette avec un recueil égyptien sûrement plus ancien -. « La sagesse d'Amen-em-opé ». Mais si l'inspiration est nette, l'adaptation est faite à la théologie d'Israël. Une fois encore on a l'occasion de constater la puissance de la Révélation, qui utilise les emprunts extérieurs, et les brasse à l'intérieur du dépôt de la foi d'Israël.
J. DHEILLY
Professeur à l'Institut catholique de Paris
En ce temps-là, la Bible No 49 page IV.