Si l'on en croit l'historien Flavius Josèphe, Salomon aurait fait fabriquer pour l'inauguration du Temple deux cent mille trompettes et quarante mille autres instruments. Ces chiffres sont certainement très exagérés, mais le culte « de louange » institué par David autour de l'arche d'Alliance comportait des choeurs nombreux pour le chant des « psaumes » et un orchestre très important. Cependant, faute de documents artistiques issus de l'antique Israël, c'est encore aux peintures et sculptures des peuples voisins, et à des textes dont la traduction précise n'est pas assurée, qu'il faut avoir recours pour se faire une idée des instruments utilisés par les lévites.
Si la musique tenait une grande place dans la vie des Hébreux dont elle rythmait les joies et les deuils, aucun des instruments en usage dans l'ancienne Palestine n'est parvenu jusqu'à nous, et la plupart des monuments figurés qui peuvent en représenter d'approchants ne datent guère que de l'époque hellénistique.
Dans la Bible pourtant, la musique apparaît presque avec le premier souffle humain : dans l'énumération de la postérité de Caïn, on trouve Yubal, dont le nom signifie « trompette », « le père de ceux qui jouent de la cithare et de la flûte » (Genèse, chap. 4, vers. 21 ). De fait, la « trompette » ou trompe, sous la forme d'une corne de bouc ou de bélier, semble avoir été un des premiers instruments employés par les Hébreux qui l'appellent Sôfâr (de l'akkadien sappâru : « bouc »). Cette corne servait aux signaux militaires et à l'annonce des fêtes : « Le septième mois, le premier jour du mois, sera pour vous un jour de repos public au son de la trompe » lit-on dans le Lévitique (chap. 25, vers. 24). Cet instrument rituel ne module que deux ou trois sons. On l'entend encore de nos jours dans les synagogues aux solennités du « Jour de l'An » religieux (Rosh Hashanah) et du « Grand Pardon » (Kippour) après le jeûne de repentance.
Dès l'époque préexilique les israélites ont connu également les trompettes de métal ou hasôseroth. Moïse en fit faire deux, d'argent, pour convoquer l'assemblée et donner le signal invitant à lever le camp à chaque étape pendant l'Exode (Nombres, chap. 10, vers. 2). C'est dans la langue cultuelle que la trompette est appelée qeren hayyobel ou tout simplement yobel (Josué, chap. 6, vers. 5: 1,11 Chroniques, chap. 25, vers. 5). On la trouve mentionnée dans les Psaumes 97 (vers. 5) et 1 50 (vers. 3).
Autre instrument à vent, primitif aussi : la flûte ou chalumeau (en hébreu hâlil pour la flûte double et 'ugab pour la flûte traversière). C'est l'instrument des bergers, utilisé également par les communautés de « prophètes » (1er Samuel, chap. 10, vers. 5) ou dans les festins (Isaïe, chap. 5, vers. 12). Elle semble originaire d'Égypte où l'on connaissait déjà, sous l'Ancien Empire, la flûte courte et la flûte longue.
La « harpe » de David nêbel ou psalterion
Les instruments à cordes étaient généralement équipés de boyaux de moutons (minnim), tendus sur des cadres de bois que préparaient les luthiers. Ceux de Salomon utilisaient de préférence le bois de santal importé d'Ophir (1er Rois, chap. 10, vers. 11). On distinguait deux grandes catégories de « lyres» : les kinnôroth (au singulier :kinnôr) et les nebâlim (au singulier : nebel). Le kinnôr, que la version grecque des Septante traduit par kinnora ou kithara et la Vulgate par cithara ou lyra, est l'instrument le plus proche de celui que nous appelons nous-mêmes la lyre. On en a des représentations dans les peintures et sculptures en bas-relief mésopotamiennes ou égyptiennes de toutes les époques archaïques. C'est probablement ces « lyres d'allégresse » que les captifs de Babylone suspendait aux arbres, n'ayant pas le coeur d'en jouer, au souvenir de la lointaine Sion (Psaume 136, vers. 2).
Le nêbel, que les Septante traduisent pas nabla ou par psalterion, et la Vulgate par nablium ou psalterium (Psaume 32, vers. 2: Psaume 92, vers. 4; Psaume 143, vers. 9), s'apparente à la harpe. Son invention remonte aux Sumériens. De cette harpe sumérienne dérivent la harpe angulaire horizontale et la harpe angulaire verticale dont on voit des images sur des bas-reliefs assyriens.
La cithare proprement dite ne paraît pas familière dans la Palestine et la Syrie antiques. Le mot qui la désigne se confond avec nêbel qu'on peut tout aussi bien traduire par harpe. On trouve pourtant la kitharis dans l'énumération d'instruments de musique que donne le livre de Daniel (Daniel, chap. 3, vers. 5, 7, 10 et 15). Et dans le Nouveau Testament, saint Paul mentionne le jeu de la cithare ou de la harpe à côté de celui de la flûte (111, Épître aux Corinthiens, chap. 14, vers. 7). L'Apocalypse encore présente les vieillards (Apocalypse, chap. 6, vers. 8) et les élus (Apocalypse chap. 14, vers. 2) qui entourent l'agneau et les sept anges porteurs des sept fléaux (Apocalypse chap. 1 5, vers. 2) comme des joueurs de cithare.
Enfin les peuples de la Bible connaissaient bien sûr les instruments à percussion : tambours et tambourins, timbales et cymbales.
On emploie les premiers (en hébreu : tôf) aux fêtes (Genèse, chap. 31, vers. 27; Isaïe, chap. 5, vers. 1 2; chap. 24, vers. 8; chap. 30 vers. 12; chap. 24, vers. 8; chap. 30, vers. 32 ; Job, chap. 21, vers. 12) et dans diverses cérémonies de culte (20 Samuel, chap. 6, vers. 5: 1er Chroniques, chap. 1 3, vers. 8: Psaumes 67, vers. 26; 149, vers. 3 ; 150, vers. 4). Les femmes (pour accueillir David : 1er Samuel, chap. 18, vers. 6), comme les hommes, en usent. On trouve des « tambours » de toutes dimensions depuis les caisses énormes représentées sur les bas-reliefs assyriens jusqu'aux tambourins portatifs des prophètes et des danseurs. La membrane était tendue sur un boisseau de bois ou un cylindre de terre cuite. .
Les cymbales, de bronze (en hébreu : selselim ou mesiltajîm), étaient probablement plus creuses que celles d'aujourd'hui. Employées dans la liturgie, on les trouve mentionnées notamment dans le 2e livre de Samuel (chap. 6, vers. 5), dans le 1er des Chroniques (chap. 13, vers. 8) ainsi que dans ceux d'Esdras (chap. 3, vers. 10) et de Néhémie (chap. 12, vers. 27). Des véritables cymbales, celles de terûâh ou cymbales « triomphantes », il faut sans doute distinguer les cymbales de sema qui étaient peut-être, tout simplement, des castagnettes d'os, de bois ou de métal.
Le Psaume 150 qui clôt le psautier semble fournir la liste des principaux instruments utilisés par l'orchestre du Temple.
Georges DAIX
En ce temps-là, la Bible No 44 pages II-III.