UNE DÉMONSTRATION DE LA PUISSANCE DE DIEU
Le livre de Josué est le reflet d'un « temps fort » de l'histoire d'Israël : il raconte les débuts de la conquête de Canaan. Mais l'auteur a pour premier souci de montrer qu'en cette occasion Dieu a manifesté sa puissance en faveur de son peuple, comme il l'avait fait précédemment tout au long de l'Exode. Il insiste sur les événements qu'il considère comme essentiels et qu'il puise dans la tradition la plus ancienne : le passage du Jourdain, la prise de Jéricho, la victoire de Gabaon. Et, comme les auteurs de l'Exode, il présente les faits dans un style particulier : le genre historique revêt ici tantôt une couleur épique, tantôt une couleur liturgique, dont il faut tenir compte.
LE PASSAGE DU JOURDAIN
pose un problème sur le plan historique et sur le plan littéraire. Historiquement, que s'est-il passé? Les eaux de la rivière n'ont pu être retenues sans une raison proportionnée, que la présence de l'Arche au milieu du fleuve ne constitue pas. On a invoqué un fait qui s'est produit à une époque relativement récente : l'éboulement d'une des rives a déterminé une stagnation des eaux durant un temps assez long. Il n'est pas impossible que les Israélites aient profité d'une telle coïncidence extraordinaire pour franchir le Jourdain; il s'en faut toutefois que ce soit certain. Sur le plan littéraire, il y a dans le récit une réplique évidente du passage de la mer Rouge, adaptée à de nouvelles circonstances. En combinant les deux plans, il semble que l'on puisse dire qu'il n'y a pas eu forcément de « miracle » au sens strict où nous l'entendons (notion d'ailleurs inconnue des auteurs de l'Ancien Testament), mais que l'événement a été interprété comme un signe de la présence agissante de Dieu au milieu de son peuple.
LA PRISE DE JÉRICHO
demeure elle aussi une énigme pour l'historien. Les savants ont découvert, au cours de leurs fouilles, des enceintes successives, mais aucune (nos lecteurs l'ont appris plus haut) ne se trouve dans la couche géologique correspondant à la date approximative de la conquête israélite. Impossible donc pour l'instant de faire la liaison entre l'archéologie et la Bible. En ce qui concerne la façon dont les assaillants s'emparèrent de la ville, on remarque que les documents ne mentionnent aucune cause humaine, mais insistent au contraire sur le facteur religieux : rites de malédiction, anathème, procession liturgique autour de la muraille; l'influence directe de Dieu est partout soulignée. Quelle a donc été la part de l'action militaire? On a parlé de travaux de mine, mais on ne voit pas comment ces gens, qui sortaient à peine de la vie nomade, auraient eu l'outillage nécessaire, non plus que l'expérience requise pour de tels travaux. Là encore, le rédacteur ne s'est pas soucié de nous exposer des faits précis, mais bien de tirer une leçon religieuse.
LA VICTOIRE DE GABAON
vient enfin, avec l'histoire de « Josué arrêtant le soleil ». Ici le problème est plus simple à résoudre. Pas plus que dans les deux cas précédents, on ne parlera de « miracle ». Que l'on songe à la cascade de conséquences extraordinaire qu'eût introduite dans le monde physique un véritable arrêt du soleil. Dieu agit à travers ou au-delà, mais jamais contre les lois naturelles, qui sont l'expression du monde créé. À vrai dire, il suffit de lire le texte biblique, qui nous donne la référence de la citation : « Cela n'est-il pas écrit dans le Livre du Juste? » Livre aujourd'hui perdu, mais livre d'un poète qui avait donné libre cours à son imagination pour rapporter une victoire particulièrement importante. Il est donc inutile, semble-t-il, de faire intervenir la réfraction de la lumière sur les grêlons! Que l'on pense seulement au jour du débarquement allié sur les côtes de Normandie; ne l'a-t-on pas appelé :«Le jour le plus long ? » Ce jour-là aussi « quelqu'un a arrêté le soleil ».
J. DHEILLY
Professeur à l'Institut catholique de Paris
En ce temps-là, la BibleNo 17 page IV.