Les chapitres 40 à 55 constituent dans le recueil d'Isaïe une sorte de « livre » dans le livre. On le dit « de consolation » parce qu'il commence par les mots : « Console-toi, console-toi, mon peuple » et parce que l'ensemble est orienté vers la joie du retour en Palestine.
Malgré le rattachement très ancien de ces chapitres aux précédents, le vocabulaire, le style, les idées exprimées ont conduit la presque totalité des exégètes à attribuer les oracles qu'ils renferment à un prophète anonyme vivant à l'époque de l'Exil (VIe a. av. J.-C.). Il S'agit toutefois d'un lointain disciple d'Isaïe : l'utilisation de l'expression « le Saint d'Israël » et la reprise de la philosophie de l'histoire du grand prophète du VIIIe s. indiquent bien le même courant de pensée.
Mais on trouve ici, en particulier, une profession de foi monothéiste d'une netteté encore inégalée. La proclamation du Dieu unique s'accompagne d'une triple preuve : Yahvé est le seul vrai Dieu car il a manifesté sa puissance unique dans la création, dans la prédiction de l'avenir et dans sa maîtrise sur l'histoire du monde. L'aspect négatif ne manque pas : l'idole n'est rien. Feignant de croire que le dieu païen se confond avec la statue qui le représente, le prophète ironise : c'est le même cèdre, avec lequel on se chauffe, avec lequel on fait rôtir sa viande, qui servira à fabriquer une idole devant laquelle on se prosternera!
On trouve encore dans ces oracles une vue universaliste extraordinaire 1: le Livre de la Consolation oriente la piété du retour vers une conception très large du salut : un jour, Jérusalem verra autour d'elle des fils qu'elle n'a pas enfantés. Il faut ajouter qu'il est à peine question du Temple; l'Israël qui est envisagé pour l'avenir n'est pas constitué par tous les descendants d'Abraham, mais seulement par ceux qui auront une foi vive et une espérance profonde, en un mot par ceux qu'Amos appelait le « Reste », désigné dans ces chapitres par le terme « pauvres de Yahvé ».
Par ailleurs les chants du Serviteur, présentés dans les pages précédentes, conduisent la révélation vers un sommet qui ne sera plus atteint avant l'ère chrétienne. A l'approche du retour en Terre sainte les souvenirs anciens se ravivent. Comme à l'époque de Moïse, Dieu va prendre la tête de son peuple et renouveler les prodiges de jadis.
Il fera jaillir à nouveau l'eau du rocher, mais non plus seulement pour désaltérer ceux dont la langue est desséchée -. le prophète oblige à désirer cette source jaillissante de vie éternelle dont parlera Jésus à la Samaritaine : « 0 vous tous qui avez soif, venez vers les eaux ! »
Une tâche immense attend les rapatriés, mais Dieu les aidera-t-il ? L'Exil était la punition qu'il infligeait à son peuple, mais aurait-il rompu l'Alliance ? Le prophète répond en reprenant le thème de l'amour conjugal, cher à Osée : certes l'épouse (Israël) a été infidèle, mais l'alliance demeure et l'amour de Dieu est sans repentance : « Les montagnes seront ébranlées et les collines trembleront, mais ma miséricorde ne se retirera pas... »
J. DHEILLY
Professeur à l'Institut catholique de Paris
En ce temps-là, la BibleNo 58 page IV.