L'Apocalypse est le dernier livre du Nouveau Testament, et donc de la Bible entière. Livre prophétique, il « révèle » plus qu'il ne « prédit ». L'auteur donne son nom : Jean. Ce prophète est généralement identifié avec l'évangéliste. Mais la constatation de certaines différences de style et de pensée ont amené quelques modernes à refuser cette solution et à attribuer la composition de l'Apocalypse à un autre Jean, qui ne serait pas l'apôtre , mais un disciple de celui-ci. La question demeure ouverte, mais ne met pas en cause le caractère inspiré du texte.
L'unité même de l'ouvrage reste discutée, ce qui entraîne diverses hypothèses sur la date de sa parution. Y a-t-il à la base un seul livret, ou faut-il en admettre deux? S'il n'en est qu'un seul, il faudra dire qu'il fut composé sous Domitien, vers 95, mais avec une sorte de rétrospective, sous forme de vision, qui daterait de l'époque de Néron. Bien que le procédé ne soit pas inconnu des apocalypses, on se trouve alors en présence de doublets, voire de contradictions difficiles à admettre.
Peut-être vaudrait-il donc mieux s'orienter vers une double composition : l'une du temps de Néron (64), l'autre de l'époque de Domitien. Un rédacteur aurait fusionné l'ensemble, avec quelques retouches de détail.
Comme le nom l'indique, l'ouvrage ressortit à un genre littéraire très particulier, fort connu du judaïsme au 1er S. de notre ère. On en trouve quelques traits déjà dans l'Ancien Testament, mais seulement à partir de l'exil : Isaïe, chap. 24-27 et 34-35; Ézéchiel, chap. 38-39. La deuxième partie du livre de Zacharie développe le genre, mais l'épanouissement s'accomplit avec Daniel (chap. 7-12). C'est d'ailleurs aux livres d'Ézéchiel et de Daniel que l'auteur a emprunté beaucoup de ses images et de ses expressions.
Le genre apocalytique fournit à l'ouvrage l'abondance des visions et des songes, et surtout le symbolisme, qui est constant: couleurs et nombres jouent un rôle considérable. Il prête enfin à la révélation de secrets visant la fin du monde, et susceptibles de ranimer l'espérance des lecteurs.
La question ne pose : pourquoi avoir rédigé pareil écrit? Comme toujours Il faut placer l'ouvrage dans la situation historique du moment. Les persécutions de Néron, de Domitien, avec le martyre de Pierre et de Paul, ont décontenancé les premiers chrétiens : ils ont l'impression que le Christ abandonne son Eglise, et ils l'interpellent :
« Jusqu'à quand, Maître saint et véridique, t'abstiendras-tu de juger et de venger notre sang sur les habitants de la terre? » (chap. 6, vers. 10).
La réponse de Jean est très nuancée. Elle est faite d'abord de certitude : le Christ a déjà vaincu. L'agneau immolé est maître du destin du monde : il brise les sceaux (chap. 5, vers. 5); et il unit à son triomphe céleste les chrétiens qui sont morts dans la fidélité à sa personne : la foule immense des élus (chap. 7, vers. 9). Mais cette certitude s'accompagne d'une vue de foi : l'Église ne saurait connaître le triomphe sur la terre; elle y demeurera toujours en butte aux persécutions de Satan et de ses ministres, alors représentés par l'empire romain. Ainsi le chrétien ne saurait connaître ici-bas ni le repos ni la gloire : la lutte est l'attitude normale de la communauté chrétienne : « ... et on leur demande de prendre patience encore un peu dl temps, jusqu'à ce que soit complété le nombre de ceux qui servaient avec eux, leurs frères qui avaient à mourir comme eux» (chap. 6, vers. 11 ). Certitude et foi constituent le message d'espérance de l'Apocalypse.
Mais ce message ne saurait être réservé à une époque particulière; par le fait qu'il exprime en profondeur la réalisation du dessein de salut de Dieu - le « mystère de Dieu » (chap. 10, vers. 7) - avec ses soubresauts et les réactions des puissances mauvaises, il est valable jusqu'à la fin du monde et peut s'appliquer à n'importe quel moment du « temps de l'Église ».
J. DHEILLY Professeur à l'Institut catholique de Paris
En ce temps-là, la Bible No 94