des livres anciens à l'Emmanuel du prophète Esaïe
Dans les plus anciens textes bibliques comme celui que nous venons de citer, l'oint du Seigneur est simplement le roi israélite, mais en tant qu'il représente,et est supposé réaliser, la royauté de Dieu lui-même sur son peuple. A Saül, qui ne s'est pas prêté à n'être qu'un instrument docile du règne divin, David sera substitué. Lui, au contraire, restera comme l'image de l'Oint du Seigneur fidèle à sa vocation et à sa consécration : non qu'il nous soit présenté comme un « saint » exempt de reproches, mais plutôt parce qu'il sera prêt à reconnaître ses péchés et à s'en repentir à la voix du prophète (voir 2e SAMUEL, chap. 12).
C'est ainsi que David s'étant montré le roi selon le coeur de son Dieu, l'établissement d'un règne de Dieu sur la terre apparaîtra naturellement comme lié à l'avènement d'un « fils de David », qui ne le serait pas seulement selon la chair mais selon l'Esprit: en d'autres termes, un autre David, qui accomplirait en sa personne, d'une façon parfaite et définitive, ce dont son ancêtre avait été comme l'esquisse et le présage
L'espoir d'un roi puissant et glorieux
A travers les chapitres 7, 9 et 11 d'Isaïe, nous voyons comment l'espoir d'un roi futur qui réaliserait ainsi dans sa plénitude la signification de la royauté israélite va grandissant et s'approfondit.
D'une survivance de la lignée de David, on passe ainsi à l'attente d'un « plus grand que David », et finalement d'un réalisateur définitif des espoirs que David avait fait naître.
De même, un psaume comme le 44e (45e de l'hébreu), nous montre les épousailles d'un roi de Juda avec une princesse étrangère évoquant pour l'esprit prophétique des chantres d'Israël, l'attente d'un roi parfait qui étendrait aux nations païennes le règne de Dieu. Un autre psaume, le 71e (hébreu -. 72e), décrira le règne éternel d'un roi qui le serait de la justice et de la paix. Par dessus tout, peut-être le 109e psaume (hébreu : 110e) chante l'intronisation du roi-prêtre « selon l'ordre de Melkisédek » (voir GENESE,chap.14, vers. 18), « fils de Dieu » par excellence, qui anéantira pour jamais tout pouvoir d'inimitié.
Le peuple opprimé avait cru, après l'exil et le retour de Babylone, en une restauration définitive, matérielle et morale, dans sa déception cette attente du « Messie » va s'exciter de plus en plus.
Mais alors que les espoirs de la masse du peuple et l'impatience des « zélotes » confondront ce Roi attendu avec les images de guerriers vainqueurs du plus ancien passé d'Israël, l'inspiration des derniers prophètes, se prolongeant à travers les livres apocalyptiques, élèvera les pensées vers un règne de Dieu qu'aucun règne simplement humain ne pourrait réaliser. C'est bien pourtant, comme on le verra au chapitre 7 de Daniel, d'une figure humaine (d'un « Fils d'homme ») qu'on en attend l'avènement, mais d'un homme surnaturel : d'un « Fils d'homme venant sur les nuées du ciel ». Et côte à côte avec cette énigmatique figure, une autre plus mystérieuse encore, sollicite l'attention c'est celle du serviteur souffrant d'Isaïe (chap. 53), dont la souffrance innocente pourra seule anéantir cette puissance du mal dont l'homme n'est pas seulement la victime mais le complice, sollicite l'attention.
Les plus hardis visionnaires tentent, dirait-on, sans y parvenir, de rapprocher gauchement ces images complémentaires, mais si vivement contrastées, du salut et du Sauveur qu'on attend.
Fils de l'homme et serviteur souffrant
Il faudra néanmoins l'enseignement de Jésus aux siens, leur parlant du « Fils de l'homme venu pour servir et non pour être servi », quand eux le pressent de s'avouer comme le Messie, pour les préparer à conjoindre sur son oeuvre et sa personne des clartés si contrastées, Mais ce n'est qu'après sa mort, illuminée par sa résurrection, que Pierre (voir ses discours rapportés aux premiers chapitres des Actes des Apôtres) saluera en Lui, le premier semble-t-il (alors que Jésus avait eu tant de peine à le détourner d'espérances messianiques toutes terrestres et charnelles), le Serviteur souffrant que Dieu a consacré comme le Roi promis en l'établissant dans la gloire céleste et l'on attendra désormais son retour final.
RP Louis Bouyer de l'Oratoire
En ce temps-là, la BibleNo 56 pages I-II.