Villes maudites dont le nom est synonyme de vice,brûlées sous le soufre et le feu du ciel ou englouties dans la mer Morte, peut-être l'un et l'autre à la fois.
Sodome et Gomorrhe n'ont apparemment rien laissé après elles, pas même une localisation assurée. Le cataclysme rapporté par la Bible date de l'époque d'Abraham, c'est-à-dire d'il y a un peu moins de 4000 ans. La GENESE (chap. 29. v. 28). parle d'une plaine, d'un phénomène volcanique : « des cendres s'élevaient de la terre comme la fumée d'une fournaise » ; mais d'eau, nulle part encore dans cette plaine-là.
Pendant des siècles, des commentateurs scrupuleux qui souhaitaient tirer du texte non seulement tout ce qu'il disait mais aussi ce qu'il ne disait pas, en conclurent que la mer Morte était elle-même née du châtiment biblique des Sodomites. Le décor reflète en effet une sorte de malédiction : rives stériles et désertes, étendue d'eau épaisse.
Outrageusement salée à 25 % alors que les océans sans histoire le sont à 4 ou 6, sans poissons ni aucune forme apparente de vie végétale, étalant insolemment son niveau à 390 mètres en-dessous de celui des mers libres, sur 85 km de long et 17 de large. Il était tentant de trouver en outre dans ses odeurs de pétrole et de soufre, les senteurs d'enfer digne d'une telle naissance.
Mais on est revenu depuis longtemps de cette hypothèse. Voltaire, faussement naïf, remarquait déjà à l'encontre : « L'Ecriture ne dit point du tout que ce terrain fut changé en lac. » Nul doute pour les géologues d'aujourd'hui : la mer Morte existait bel et bien dès l'époque tertiaire, ce qui lui donne en tout état de cause plus d'un million d'années. Rien ne s'oppose par contre à ce que ce « lac de l'Asphalte » ou « du Bitume » qu'a connu Abraham se soit en effet quelque peu agrandi il y a quatre millénaires environ, ce qui correspond à la date approximative de la destruction de Sodome et Gomorrhe. Si en effet la fosse de la mer Morte, au nord de la presqu'île de Lisan, plonge très vite par des escarpements abrupts jusqu'à une profondeur de quatre cents mètres, la partie méridionale, au sud de cette presqu'lie, présente semble-t-il un fond récent qui n'est immergé que sous une douzaine de mètres. Il se peut donc que là, peu après l'an 2000 av. J.-C.. à la suite d'un effondrement dû à une activité volcanique très vraisemblable. les eaux aient recouvert les ruines des villes anéanties par un déluge de cendres ou une nuée ardente, comme le furent jadis Pompéi ou naguère Saint-Pierre de la Martinique.
L'étude géologique de la vallée du Jourdain, prolongée par l'exceptionnelle dépression de la mer Morte en direction du golfe d'Aqaba, a révélé des basaltes et des traînées de lave nombreuses.
Il s'agit là d'une de ces crevasses de la croûte terrestre où fissures éruptives et séismes n'ont rien de surprenant.
Sanchouniathon, initié phénicien que l'on dit né à Tyr et contemporain de la guerre de Troie (peu après le 2e millénaire avant notre ère), mais connu par une traduction grecque faite à Byblos au IIe siècle, parle d'une vallée où l'on peut reconnaître celle « du Siddim », lieu de la bataille malheureuse livrée par les rois de Sodome.
de Gomorrhe et leurs alliés aux rois de Mésopotamie, et qu'on peut légitimement situer avec la Bible (Genèse, chap. XIV. vers. 3), près de la « mer du sel » : Cette vallée devint, écrit-il, « une mer de vapeurs, privée de poissons, témoignage de la vengeance et de la mort dues au sacrilège. » Tout le monde est d'accord pour voir là le sort des « villes maudites ».
bien sûr. Mais leur site reste discuté.
AU NORD OU AU SUD ?
Après l'orientaliste britannique Samuel Birsch, fondateur de la Société d'archéologie biblique, qui avait formulé cette opinion dès le siècle dernier, le R.P. Power estime qu'il faut rechercher Sodome et donc les autres villes de la Pentapole de la mer Morte, au nord de celle-ci, près de l'embouchure du Jourdain, presque en face de Jéricho. Dans les premières années de notre ère, la tradition juive d'Alexandrie du moins, semble l'admettre. Philon le juif. philosophe helléniste de la communauté d'Alexandrie précisément, commente ainsi la catastrophe :
« En un seul jour, les populeuses cités devinrent le tombeau de leurs habitants, et les meubles de bois et de pierre même furent réduits en cendre et en poussière... La flamme ardente n'est pas éteinte.
mais couve ou jaillit. Elle se manifeste par des signes visibles.
La fumée qui s'élève encore et le soufre qui sort du sol sont le vivant appel du désastre passé. » Or pour preuve « du terrible châtiment infligé par décret divin », il cite « la richesse d'une des villes voisines... dont la prospérité fait souvenir de celle qui régnait ici » et où chacun reconnaît la cité romaine de Jéricho : « Cette ville est populeuse, ce pays abonde en fourrage et céréales: il est partout d'une fécondité exceptionnelle. » Ce qui n'était assurément pas le cas des rives méridionales de la mer Morte.
Il y a une quarantaine d'années.
L'Institut pontifical biblique a donc fait explorer au nord le site désigné par le R.P. Power : Teleilât Ghassûl. En 1930 il était ainsi rendu compte de cette prospection :
« Un trait caractéristique de cette ruine, c'est la grande masse de cendres répandues sur toute l'aire archéologique. On les trouve partout. Sur plusieurs points elles s'étalent en surface, mêlées de terre, en nappes atteignant de 0.20 m à 0.30 m d'épaisseur et parfois davantage... Il y avait une ville très ancienne: ...cette ville jouit d'un haut degré de civilisation : elle fut détruite, déjà à la première période de l'âge de bronze, par un immense incendie qui la réduisit en cendres. » Cependant de bons spécialistes ont estimé qu'il s'agirait surtout d'une accumulation de cendres industrielles dues à l'incinération de plantes, de la même famille que la blette ou l'épinard, qui absorbent la soude, abondante dans ces terres salées, et dont on lavait effectivement les cendres pour récupérer le sel caustique. Il y a plus de 2000 ans que les Babyloniens connaissaient ce procédé pour la fabrication du savon. Et le prophète Jérémie (Jérémie, chap. II, vers. 22), évoque lui aussi ce savon à la cendre dont plus tard Ghassûl a bien pu devenir un centre de production important.
USDUM-SODOME MERITE SON NOM
La montagne de sel gemme du sud qui porte encore le nom de Djebel Usdum, consonance très proche de celle dont nous usons pour désigner la plus tristement célèbre des cités détruites par le feu du ciel, garde donc toutes ses chances d'avoir vu de plus près la fin tragique des Sodomites. Et leurs restes seraient bien aujourd'hui ensevelis sous les eaux.
En ce temps-là, la Bible No 4 pages II-III.