Certains chants du psautier résonnent de l'écho d'une action grandiose, résultat d'une intervention toute-puissante de Dieu dans une entreprise neuve. On les dit « Psaumes du Règne » ( Ps. 46, 92, 94, 95, 96, 97 et 98 (47, 93, 95, 96, 97, 98 et 99 de l'hébreu). La plupart figurent parmi ceux qu'on va lire dans les pages qui suivent. On peut les dater, dans l'ensemble, du retour de l'Exil, et plus précisément du VI ème siècle avant notre ère.
Le nom donné à ces hymnes de louange tient à leur contenu, nettement orienté par l'idée du Règne de Dieu. « Le Seigneur règne 1), telle est la proclamation par laquelle débutent les psaumes 92, 96 et 96. « La Seigneur est un grand roi sur toute la terre »,'dit encore le psaume 46. Comment comprendre pareille expression? Habituellement, nous aurons encore l'occasion de le constater, les écrivains bibliques, depuis le prophète Isaïe (VIII, S. av. J.-C.), Parlaient plutôt du règne du Messie. Le changement est dû en partie à des raisons politiques : à l'époque de la domination Persane, On met en veilleuse l'idée et le mot de Messie, aux harmoniques trop nationalistes, que la puissance occupante ne saurait tolérer. On supprime donc la mention de l'intermédiaire et l'on parle seulement du Seigneur.
L'affirmation du « Règne de Dieu » ne vise pas une réalité présente; c'est une certitude d'avenir : à une époque non précisée s'établira le règne universel du Dieu d'Israël. Les psaumes qui le célèbrent sont imprégnés de la doctrine du grand prophète de l'Exil, auteur du livre de la Consolation (Isaïe, chap. 40-55). Ils expriment d'abord vigoureusement la croyance au Dieu unique; les idoles sont l'objet d'un mépris ardent : « Ils se sont couverts de confusion, tous ceux qui ont mis leur gloire dans les idoles! Que tous les dieux l'adorent (le Seigneur) ! (Ps. 96, vers. 7). D'ailleurs seul « le Seigneur », le Dieu vivant, existe, car « tous les dieux des peuples ne sont qu'objets sculptés » (Ps. 95, vers. 5).
On retrouve alors le grand décor des apparitions divines, tel qu'on l'a découvert dans les premiers livres de la Bible : la nuée et les ténèbres, le feu, les éclairs; on parle de la terre qui tremble et des montagnes qui fondent comme de la cire (Ps. 96, vers. 2-5). Qu'on relise ici les passages de l'Exode racontant la manifestation de Yahvé au Sinaï (Exode, chap, 19, vers. 16-20; chap. 20, vers. 18). il s'agit maintenant de la venue de Dieu qui s'avance en triomphateur. Il vient pour juger la terre (Ps. 97, vers. 9), faire disparaître le péché, surtout l'idolâtrie, faire régner la droiture : la justice et la fidélité (Ps. 95, vers. 13).
Le voeu que formule le « Pater »
Cette action triomphante du Seigneur s'accompagne de joie. Joie de Sion (Ps. 96, vers. 8), mais aussi de tous les peuples (Ps. 46, vers. 2). Le psalmiste invite aussi l'univers à s'associer à l'homme : « Cieux, réjouissez-vous, que la terre exulte! » (Ps. 95, vers. 11). Et ce sont les images extraordinaires que le poète utilise afin de mieux faire comprendre cette action cosmique : tressaillement de la campagne, cris poussés par les arbres de la forêt, mugissement de la mer, allégresse des montagnes. On lit même « Que les fleuves applaudissent! (Ps. 97, vers. 8).
Certitude de la foi, joie de l'espérance est-ce autre chose que le Christ enseignera aux hommes lorsqu'il les fera prier : « Que ton Règne vienne! » (Matthieu, chap. 6, vers. 10) ?
J. DHEILLY
Professeur à l'Institut catholique de Paris
En ce temps-là, la Bible No 47 page IV.