Psaume 127: Etude du psaume...

 

Si I'ETERNEL ne garde la ville, celui qui la garde veille en vain.

v. l Cantique des degrés. De Salomon.

La présence de ce poème familial (cf. également le Ps. 128) dans une collection de chants de pèlerinages, n'est pas si insolite. La Loi (Dt. 16 : 11, 14) et l'usage (1 Sam. 1:4-8) faisaient aussi du pèlerinage une fête de famille. C'est lors du repas de fête à Silo qu'Anne ressent le plus amèrement son infortune face à sa rivale comblée d'enfants.

Nous ne serons guère surpris que ce Psaume soit signé de l'auteur des Proverbes. Mais déçus, par contre, qu'il ait si peu suivi les bons conseils qu'il y a donnés.

 

Si l'ETERNEL ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain ;

. «Bâtir une maison» signifie «construire un bâtiment» ou «établir une famille». En 2 Samuel 7, Dieu exploite le double sens de l'expression : à l'intention de David, bâtir à Dieu une maison (un temple), il répond par la promesse d'une dynastie stable : «Je te bâtirai une maison » (2 Sam. 7: 11 ). Salomon exploite-t-il à son tour cette ambivalence ? Il est trop tôt pour le dire.

Le poète a pris soin d'employer un verbe qui souligne le caractère pénible du travail (amal), on pourrait traduire : «En vain peinent ceux qui la bâtissent ».

 

Si l'ETERNEL ne garde la ville, celui qui la garde, veille en vain.

Après la maison, la cité. Après le pluriel du vers précédent : «Ceux qui bâtissent la maison» (travail collectif), le singulier du veilleur solitaire dans la nuit : «Celui qui garde la ville ». Le parallélisme tend à une description globale du travail humain : maison et ville, jour et nuit, peine et veille, travail collectif et individuel.

v. 2 En vain, vous levez-vous matin, vous couchez-vous tard, et mangez-vous le pain de douleur.

La reprise du mot shawe ( «en vain ») au début du vers alors qu'il était jusqu'à présent tenu en suspens par la condition «si l'Eternel ne... » précipite la faillite de l'homme sans Dieu. Cf. le même procédé au Ps. 124 : «sans I'ETERNEL qui nous protégea...» «alors... ». Litt. : «Vanité à vous qui hâtez le lever, retardez le repos, mangez le pain de labeur ».

Le passage de la 3ème à la 2ème personne prend directement à partie l'homme dans ses efforts inutiles. Les deux verbes se lever et s'asseoir (Segond : «vous couchez-vous») marquent le début et la fin du travail.

Le dernier mot (Segond : «douleur ») est encore un de ces termes ambivalents qui signifient à la fois travail et souffrance (v. l ).

 

Il en donne autant à ses bien-aimés pendant leur sommeil.

Le texte a ici le singulier : -.«son bien-aimé » . Le mot «bien-aimé » , en hébreu yedid est-il une allusion au nom donné à Salomon par le prophète Nathan ; Yédiyah, bien-aimé de Yahvé (1 Samuel 12:25) ? Le sommeil dans ce cas pourrait être une allusion au songe de Gabaon où Dieu a dit au roi : «Demande-moi ce que tu veux que je te donne » (1 Rois 3 :5). Ainsi le Psaume serait plus royal que familial. La maison serait le temple ; la maison du roi (ou la dynastie royale) serait la ville : Jérusalem ; ceux qui se consument en labeur inutile seraient les ennemis du roi d'Israël (le bien-aimé de l'Eternel, objet de ses grâces). Le Psaume aurait ainsi une portée messianique soulignée par la voix du Père lors du baptême et de la transfiguration : «Celui-ci est mon fils bien-aimé » (Mt. 3: 17 ; 17:5). La traduction grecque de notre Psaume et le Nouveau Testament emploient le même mot : agapétos (malheureusement la traduction grecque a le pluriel «ses bien-aimés » au lieu du singulier de l'hébreu). La fin du Psaume est cependant plus familiale. Au v. 5, nous avons : «heureux l'homme » (et non le roi), le père et les fils parlent à la porte, ce qui convient mieux à des particuliers. Si l'on admet la dimension royale des deux premiers versets, les trois derniers étendent la bénédiction de Dieu à !'Israélite moyen qui, dans sa famille, reçoit des fils comme héritage de l'Eternel.

Certains trouveront la séquence trop hardie, mais n'est-ce pas la même hardiesse chez Anne qui, pour un fils qui lui est né, à elle qui n'est pas de famille royale, proclame la victoire de l'Eternel sur ses ennemis et le voit déjà donner puissance à son roi, relever la force de son oint (1 Sam. 2: 10). Dans ce cantique d'Anne, la bénédiction familiale est le signe prophétique des bénédictions messianiques ; dans le cantique de Salomon (notre Psaume), la bénédiction messianique s'étend aussi à la famille individuelle sous la forme des enfants.

Dans la Nouvelle Alliance, n'est-ce pas un autre cantique d'Anne (le cantique de Marie) qui nous ouvre, à nous aussi, le trésor des bénédictions messianiques ? Jésus étant notre Messie, nous avons tous reçu de sa plénitude (Jn. 1 : 16).

 

v. 3 Voici, les fils sont un héritage de I'ETERNEL, le fruit des entrailles une récompense.

L'héritage et le salaire (récompense) soulignent la dépendance de l'homme à l'égard de Dieu. Il ne peut à force de travail conquérir les avantages qu'il convoite. Il dépend de Dieu comme l'héritier de ses ancêtres, comme l'employé de son patron. Il n'est pas raisonnable d'affaiblir le sens du mot salaire pour en faire un don gratuit.

 

v. 4 Comme les flèches dans la main d'un guerrier, ainsi sont les fils de la jeunesse.

 

v. 5 Heureux l'homme qui en a rempli son carquois.

 

A l'image économique, succède une image militaire. Les fils sont les armes de la famille.

 

Ils ne seront pas confus, quand ils parleront avec des ennemis à la porte.

Le pluriel est inattendu : «heureux l'homme... ils ne seront pas confus». Il suggère que l'homme n'est pas seul à se défendre; ses fils sont avec lui et soutiennent sa cause. La porte est le tribunal local. .

En lisant ce Psaume, nous pouvons entre autres mesurer le gouffre qui se creuse entre notre société moderne et la volonté de Dieu. L'avortement, qui s'officialise, signifierait-il que l'enfant n'est plus un don de Dieu mais (parfois) un danger ?, qu'il n'est plus une arme pour la famille, mais une entrave parfois intolérable ? L'homme veut aussi bâtir et garder la cité sans le secours de Dieu. Quand on a ôté du Psaume tous les mots qui avaient un sens, il ne reste plus que le mot vanité trois fois répété ; il signifie aussi mensonge. Puissions-nous prêter l'oreille à la parole de vérité.

Emile NICOLE

Nous remercions la rédaction d'ICHTUS, mensuel nous apportant une solide réflexion biblique, de nous avoir autorisé d'imprimer cette étude du professeur Emile NICOLE de la Faculté Libre de Théologie Evangélique de Vaux sur Seine (France).

Le Berger d'Israël No 412

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