LES PSAUMES «SELON JÉRÉMIE »

 

 


Certains psaumes qui décrivent les épreuves de la communauté juive, qui avouent les péchés d'Israël et expriment l'espérance que Dieu sauvera son peuple, paraissent bien inspirés du grand prophète témoin du châtiment de Jérusalem. Les auteurs de ces chants, composés pour la plupart durent las deux siècles qui ont suivi l'Exil, font allusion à un groupe de croyants au coude à coude face aux pervers, et persécutés comme le fut jadis Jérémie, modèle de ceux qui souffrant pour accomplir leur mission selon la volonté de Dieu.

Dès l'arrivée de la première caravane de rapatriés issus de Babylonie, en 537 av. J.-C., les populations mêlées qui occupaient la terre des ancêtres, faites d'un « reste » affadi et d'apports étrangers, cherchèrent à entraver l'effort des « revenants » purifiés par l'épreuve et décidés à rendre la cité de David à sa vocation de capitale religieuse sinon politique; encore qu'il soit alors bien difficile de distinguer nettement les deux rôles. On songera en particulier aux agissements des Samaritains qui s'opposèrent avec tant de zèle à la reconstruction du Temple de Jérusalem; ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls.

On découvre alors, chez les psalmistes qui appartiennent à la communauté des fidèles, une parenté spirituelle incontestable avec Jérémie, disparu en Égypte depuis 580 av. J.-C. environ, victime de ceux qu'il essayait de ramener à la Loi, assure la tradition.

Pas plus que les prophètes, ils ne s'adressent en général au Dieu de la nature; comme leur mettre cependant, ils le montrent qui « fait monter les nuages des horizons de la terre, fait appeler la pluie par la foudre, tire le vent de ses trésors » Ps. 134, vers. 7; cf. JÉRÉMIE, chap. 10, vers. 13(1).Mais le Dieu qu'ils invoquent est d'abord celui qui se penche vers l'homme et lui propose son intimité : un Dieu à qui l'homme doit tout et à qui il est totalement dévoué, de qui chacun tient sa mission et dont la Parole est toute douceur (Ps. 118, vers. 103; cf. J., chap. 15, v. 16)(2).

Comme Jérémie, le psalmiste est l'objet des attentions divines dès le sein de sa mère, où Dieu l'a « ourdi », « tissé », avant de le faire venir au jour (Ps. 21, vers. 10-11 ; Ps. 70, vers. 6 ; Ps. 138, vers. 13; cf. J., chap. 1, vers. 5). Il a en Dieu une confiance inébranlable : « Heureux l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur » (Ps. 39, vers. 5; cf. J., chap. 17, vers. 7). Mais en même temps il sait que le regard divin le pénètre de part en part, qu'il scrute ses reins et son coeur, c'est-à-dire ses sentiments et ses pensées (Ps. 25, vers. 2; cf. J., chap. 12, vers. 3), que le mot n'est pas encore prononcé et que Dieu le connaît déjà (Ps. 138, vers. 4; cf. J., chap. 23, vers. 24). Il a aussi la certitude de son innocence et prend Dieu à témoin qu'il ne « s'assied pas » à côté des méchants (Ps. 25, vers. 1-5; cf. J., chap. 15, vers. 17). Il a toutefois conscience de son état de pécheur : l'auteur du psaume 50 dit que « son péché est sans cesse devant lui », mais c'est pour demander à Dieu de le purifier et de créer en lui un coeur pur (cf. J., chap. 17, vers. 1-9). Quant à la réussite des méchants, elle demeure un problème pour le psalmiste comme pour le prophète : « Leur oeil est enfoui dans leur graisse... » (Ps. 72 vers. 4-12. cf. J., chap. 5, vers. 28; chap. 1 2, vers. 1-2).

Comme Jérémie encore, son lointain disciple est en butte aux tourments. Il entend formuler les mêmes menaces : « Ils tenaient conseil contre moi... » (Ps. 30, vers. 14; cf. J., chap. 20, vers. 10), et se sent, comme lui, abandonné par ses amis les plus intimes. Il reprend alors les images de son maître : le « filet » et surtout « la fosse » bien sûr (Ps. 39, vers. 3; cf. J., chap. 38)(3).

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Une foi inébranlable jusque dans les prières les plus plaintives

Certes les auteurs de tels chants apparaissent bien pessimistes. Mais le prophète ne disait-il pas, avec l'exagération utile pour retenir l'attention des distraits, qu'il était impossible de trouver à Jérusalem un homme qui recherche la vérité ?

Les psalmistes ne parlent pas autrement (Ps. 34, vers. 10-12; cf. J., chap. 5, vers. 1). Ils ont aussi la larme facile et la plainte leur est habituelle : « Gémissant jusqu'à l'épuisement... je baigne ma couche de mes pleurs » (Ps. 6, vers. 7 ou Ps. 21, vers. 1 5; cf. J., chap. 45, vers. 3). « Ma vie se consume dans la tristesse, mes années dans le gémissement» (Ps. 30, vers. 11 ; cf. J., chap. 20, vers. 18).

Mais ils ne manquent pas d'ajouter dans les termes mêmes du prophète persécuté. qui continue ainsi à chanter sa foi inébranlable jusque dans les prières les plus plaintives du psautier : « C'est pour toi que j'ai souffert l'opprobre 1 » (Ps. 68, vers. 8; cf. J., chap. 15, vers. 15).

J. DHEILLY

professeur à l'Institut catholique de Paris

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1. La référence aux psaumes est donnée selon la numérotation de la Vulgate. Sauf pour le psaume 6 , il convient d'ajouter 1 pour obtenir les numéros correspondants de l'hébreu.

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2.La lettre « J. » renvoie au livre de Jérémie.

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3. Voir No 60, page II.

En ce temps-là, la Bible No 62 page I.

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