Assurément il ne faut pas y chercher la savante composition d'un auteur qui aurait médité un plan rigoureux dans le recueillement du cabinet, avant de rédiger à loisir. Le prophète de ,'Exil est mêlé lui aussi corps et âme à l'auditoire qu'il a mission d'éclairer, et aux événements qu'avec lui il vit. Lui aussi s'exprime selon l'impulsion divine, au moment qu'a choisi l'Esprit, non au moment de son propre choix.
Et lui aussi sans doute traduit d'abord le message en paroles, et parfois en actes, avant qu'il ne soit consigné par écrit pour les générations futures. Mais, qu'elle soit due à Ézéchiel lui-même ou aux scribes qui ont définitivement fixé le texte sacré tel que nous le connaissons, la structuration de l'ouvrage est ici évidente.
Après l'introduction (chap. 1 à chap. 3, vers. 21 ), qui comporte le récit de la grandiose vision où se manifeste « la gloire de Yahvé » et qui précise la vocation du prophète, on distingue quatre parties :
La première partie (chap. 3, vers. 22 à chap. 24) est faite surtout d'accusations et de menaces à l'adresse des coupables habitants du royaume survivant de Juda;elles sont donc proférées, selon toute vraisemblance, avant que ne parvienne aux exilés de Babylone l'annonce de la chute et de la ruine de Jérusalem. Parmi les redoutables enseignements qu'elles portent, et dont les pécheurs de tous les temps pensent faire profit, il en est deux qui forcent l'attention : la responsabilité personnelle devant le juge suprême est affirmée sans équivoque (chap. 14, vers. 14-24 et chap. 18, vers. 2-20), mais la miséricorde divine à l'égard du pécheur repenti l'est aussi (chap. 1 8, vers. 20-32).
Pourquoi Babylone semble ici épargnée
La seconde partie (chap. 25 à chap. 32) rassemble les oracles contre les nations qui ont elles-mêmes commis des crimes, dont le fait de n'avoir pas bénéficié de toutes les faveurs accordées au peuple choisi ne les innocente pas, mais qui surtout ont entraîné celui-ci sur leurs traces et vers sa perte. On remarquera que Babylone n'est pas prise à partie. On peut certes voir là un indice confirmant que ces prophéties ont été composées en Babylonie: mais la crainte devant les puissants du jour n'a jamais pesé lourd sur les propos des prophètes d'Israël. C'est surtout que le prophète souhaite mettre en valeur, sans le ternir alors par d 1 autres considérations, le rôle des Babyloniens comme instrument de la justice de Yahvé.
La troisième partie (chap. 33 à chap. 39) est d'abord celle des consolations. Certaines datent probablement déjà de l'époque du siège de Jérusalem, sans autre issue que fatale; la plupart, du temps où les convois massifs de la grande déportation ont rejoint les premiers exilés dont Ézéchiel était, si l'on s'en rapporte aux premiers versets du livre. Ce n'est plus le temps des invectives. Au blâme succède le réconfort, et le plus précieux de tous, le plus apte à ramener vers son Dieu le peuple perdu : le renouvellement de la promesse messianique (chap. 34), où surgit le « Bon Pasteur » succédant aux mauvais bergers.
La quatrième partie (chap. 40 à chap. 48) dépeint enfin l'avenir glorieux de la communauté libérée, regroupée sur sa terre et fidèle autour d'un nouveau Temple.
Tout est idéal dans cette dernière vision : des détails de l'architecture du sanctuaire aux rites, des frontières au partage du pays. Par delà la restauration entrevue, comment n'évoquerait-elle pas en outre le nouvel Israël et la Jérusalem d'En-Haut?
P. CRISOLIT
En ce temps-là, la Bible No 66 page IV.