Capitale du royaume d'Israël, de 880 environ à 721 av. J.-C., Samarie fut construite par Omri, sixième roi d'Israël depuis le schisme. C'est une des rares villes entièrement construites par les Israélites eux-mêmes. Là se rencontrèrent au cours des âges les cultes les plus étranges.Mais d'abord la Samarie biblique fut le théâtre d'un affrontement spectaculaire entre l'idolâtrie et la foi au Dieu unique.
On ne peut manquer d'être impressionné par le site, colline majestueuse d'où l'on domine toute la région alentour. Acquise à bas prix (1er Rois, chap. 16, vers. 24) par le roi-soldat Omri, cette position fut aussitôt fortifiée : un mur intérieur de 1,50 mètre de large la cerna au plus près. Il fut lui-même doublé par une ligne extérieure à casemate, large de plus de 10 mètres, et garnie de tours et de bastions. A ces deux murailles, on ajouta une troisième enceinte, construite, très au large, pour protéger le tour et abriter en outre plus d'une dizaine d'hectares de champs et de terres cultivées. Ainsi, même cernés de toutes parts, les Samaritains pouvaient-ils résister plus longuement. Il fallut des sièges de plusieurs années pour les réduire à a famine (20 Rois, chap. 6, vers. 4,- 25; chap. 17, vers. 5).
Le climat y était relativement rude. Aussi Achab et Jézabel lui donnèrent-ils une sorte de dépendance d'été sous un micro-climat plus clément en transformant un village de la vallée du Gishon, Yizréel, en résidence secondaire. Yirzéel jouera un peu, par rapport à Samarie, le rôle que jouera Versailles par rapport au Paris du grand siècle.
Au coeur de la toute neuve Samarie elle-même, au sommet de la colline, se dressait le palais. Achab y adjoignit entrepôts et magasins. Jéroboam Il (787-743 av. J.-C.) qui régna quarante ans à Samarie, restaura et embellit encore cette résidence royale. Il fit construire des meubles d'un luxe inouï, des lits, des trônes incrustés de plaquettes d'ivoire gravées, sculptées, rehaussées de pierres précieuses, si bien que le palais fut baptisé « la maison d'ivoire ». Les prophètes se déchaîneront contre ces demeures trop somptueuses : « Je frapperai la maison d'hiver et la maison d'été les demeures d'ivoire seront détruites et les maisons d'ébène disparaîtront, oracle de Yahvé» (Amos, chap. 3, vers. 1 5).
Osée (732-724 av. J.-C.) fut le dernier roi d'Israël qui régna à Samarie. Allié de l'Assyrie, on sait qu'il voulut jouer double jeu, mais Salmanasar V le réduisit à merci et déporta vers le Tigre vingt-sept mille Israélites (20 Rois, chap. 17, vers. 6).
S'installent à leur place des colons venus de Mésopotamie; et, avec ce mélange ethnique, commence une extraordinaire prolifération de cultes dont beaucoup subsisteront désormais dans cette région (2e Rois, chap. 17, vers. 29). Au IVe a. av. J.-C., lors du retour en Palestine des exilés et, dès que ceux-ci eurent décidé la reconstruction du Temple de Jérusalem, les Samaritains proposèrent leur aide. Mais les chefs judéens rigoristes la refusèrent catégoriquement.
L'instauration d'un culte schismatique
Furieux, les Samaritains décidèrent d'une rupture définitive avec Juda en édifiant sur le mont Garizim, la montagne sacrée, un sanctuaire « semblable au Temple de Jérusalem » : le nouveau culte samaritain schismatique était né.
Avec l'arrivée d'Alexandre le Grand, vers 332 av. J.-C., les Samaritains s'adaptent sans tarder à l'hellénisme triomphant. En 166 av. J.-C., ils consacrent leur sanctuaire du Garizim à Zeus Xénios et se dotent d'impressionnants monuments défensifs : une magnifique tour très bien conservée et, sur la colline elle-même, une solide forteresse.
Malgré ces précautions, Samarie n'échappa pas à la destruction des Maccabées. Probablement en 108 av. J.-C. Jean Hycran détruisit le temple et saccagea l'ancienne capitale qui ne retrouva quelque éclat qu'en 57 av. J.-C. avec l'arrivée des Romains.
La restauration fut entreprise par le proconsul Gabinius. Hérode le Grand, en 26 av. J.-C., puis Septime Sévère, au IIe siècle de notre ère, poursuivront son oeuvre et feront de l'ancienne capitale d'Israël une luxueuse ville romaine.
Samarie est alors dédiée à Auguste et prend le nom de Sébaste (traduction grecque d'Augustus) ; un temple à lui dédié occupera désormais la place de l'ancien palais royal. Après avoir adopté les cultes helléniques, les Samaritains n'ont guère hésité à honorer les empereurs romains. Mais quelques décennies plus tard ils adopteront le christianisme.
Peut-être Jésus de Nazareth n'est-il jamais entré à Samarie. On ne peut cependant pas oublier en visitant ces lieux sa rencontre, non loin de là, avec la Samaritaine,.et la parabole du bon Samaritain. Et c'est encore à Samarie que.la tradition situe la tombe de saint Jean Baptiste.
La ville reste ensuite jusqu'au Moyen Age, un centre influent où prolifèrent, en un syncrétisme complexe, religions venues d'Orient et cultes occidentaux.
De nos jours, les Samaritains animent toujours une petite mais active communauté religieuse à Naplouse, au pied du Garizim, et immolent encore chaque année l'agneau pascal au sommet de la montagne sainte.
M.-C. HALPERN
En ce temps-là, la Bible No 28 pages II-III.