cité de l'alliance sous Josué, du schisme sous Jéroboam
Si une cité est étroitement liée à toutes les grandes époques de la Bible, c'est bien Sichem. Depuis Abraham jusqu'aux premiers siècles de la chrétienté, la ville ou le haut lieu voisin ont été le siège d'événements importants de l'histoire sacrée. Le tell de Sichem f ut identifié en 1903. Les Allemands y commencèrent les fouilles, poursuivies par les Américains qui ont publié récemment d'importants résultats.
Vers 4000 av. J.-C., une peuplade semi-nomade se fixa dans cette plaine riante, de sévères montagnes. Ces « campeurs » étaient attirés par la source abondante qui alimente, aujourd'hui encore, le village voisin de Ballata. Ils creusèrent, en guise d'habitations, des fosses peu profondes aux parois enduites de chaux, probablement recouvertes de peaux d'animaux. Puis ils abandonnèrent les fosses pour habiter des tentes ou des cabanes au sol de terre battue. Mais c'est avec Abraham que Sichem entre dans l'histoire, puisque c'est là qu'Abraham rencontre pour la première fois les habitants de Canaan, et que Yahvé promet le pays à sa descendance. Et, plus tard, c'est Jacob qui y fonde un sanctuaire. Toute l'histoire des patriarches montre bien qu'aux XVIlle S. et XVIle s. av. J.-C., Sichem était un important centre cananéen de vie politique et religieuse cananéenne.
Les Hyksos(1) en firent une véritable ville, dotée d'un énorme mur d'enceinte en pierres, et de trois palais dont le second, très bien préservé, comprenait neuf pièces; trois, en bordure de rue, servaient d'ateliers. Sous le dallage de cette spacieuse demeure, on a retrouvé la terrible dédicace de chair exigée par les rites traditionnels : un petit enfant sacrifié, enseveli dans une jarre.
Détruite, la ville fut rebâtie vers 1650 par d'ambitieux architectes. On construisit un sanctuaire énorme, conçu de façon à servir aussi bien de forteresse que de lieu de culte. C'était un rectangle de 20 mètres sur 25, dont les fondations avaient 5 mètres d'épaisseur. Comme le Temple de Jérusalem, le temple de Sichem était orienté vers l'est, dans la direction du soleil levant au jour du solstice. Seule une grande cité était digne d'un temple aussi important. Aussi voulut-on agrandir la ville, mais comme, au nord, le tell se confondait avec la pente du mont Ébal qui n'offrait pas d'éminence propice à la construction de murailles, on éleva un tertre artificiel adossé à la pente sud, en entassant six mètres de terre rapportée, maintenue par un énorme mur de soutènement. A l'intérieur, on dressa un mur moins important, parallèle au premier, les deux murailles étant reliées de place en place par des murs perpendiculaires pour former une formidable casemate, un mur « cyclopéen ».
Quatre squelettes sur les marches
On pénétrait dans la place ainsi protégée par une porte gigantesque flanquée de deux énormes tours rectangulaires, chacune de 7 mètres sur 12 mètres 50, qui ménageaient de vastes salles de garde. Cet ouvrage de l'âge du Moyen Bronze fut détruit trois fois en l'espace de 50 ans. Les briques crues sont désagrégées, les poutres calcinées, et quatre squelettes humains ensevelis sous les cendres, gisent sur les marches. C'est là probablement l'oeuvre des Égyptiens qui, après avoir expulsé les Hyksos d'Égypte, envahirent, vers 1550, la Palestine. Ensuite, durant la période dite du Bronze Récent, les habitants ne font rien pour restaurer les murs cyclopéens qui gisent à leurs pieds. Ils bâtissent, en conservant le même plan, des défenses plus légères. Deux nouvelles tours sont érigées, avec des salles de garde qui demeureront en usage jusqu'à la période israélite. Aucune destruction n'apparaît entre-temps. Faut-il conclure que Josué fit ici une entrée pacifique? Il se peut : Sichem n'est pas citée dans ses conquêtes guerrières.
Première "capitale" du royaume du nord
Or très vite elle fut pour Israël une ville sainte : celle à proximité de laquelle Josué lui-même rassembla toutes les tribus pour le renouvellement de l'alliance et déposa les ossements de Joseph.
Plus tard, c'est encore à Sichem qu'Abimélek tenta de se faire roi. On sait qu'il se vengea de son échec sur la ville. L'archéologie en témoigne : les murs du temple furent alors détruits.
La cité reconstruite une nouvelle fois prospéra. Jéroboam le,, premier monarque du nord, en fit sa première capitale et la fortifia. On a retrouvé peu de traces de son oeuvre, mais les maisons israélites un peu postérieures à son règne apparaissent nombreuses : ce sont de belles demeures composées, en général d'une pièce centrale et de pièces plus petites, entourées sur trois côtés d'un étroit corridor. D'autres maisons, dans les quartiers pauvres, sont infiniment moins spacieuses : les fouilles montrent bien que le fossé entre riches et pauvres, dont se plaignent amèrement les prophètes, s'était élargi de façon dramatique.
Un vaste silo de 1 5 mètres sur 18 a été retrouvé au-dessus du temple. Ses dimensions imposantes signifient sans doute qu'on avait là un grenier gouvernemental, pouvant alimenter la région; Sichem était depuis Salomon chef-lieu du district administratif d'Éphraïm. Cette belle prospérité dura jusqu'en 724, année où la ville fui détruite par les Assyriens de Salmanasar.
Elle fut alors presque abandonnée pendant plusieurs siècles. Au IVe s. av. J.-C., la cité renaît car Samarie sa voisine, profanée par Alexandre le Grand (Il avait converti la ville en camp de repos pour ses vétérans), se dépeuple, et les Samaritains, recherchant la proximité de leur montagne sacrée, le Garizim, s'installent à Sichem. Ils se construisent un temple sur les flancs du mont avec l'autorisation du conquérant macédonien, et vivront là dans une paix relative. Mais en 128 av. J.-C., Jean Hycran, un des plus farouches Maccabées, ruinera et la ville, et le temple de fond en comble.
Pendant l'occupation romaine, le tell ne fut plus habité : une nouvelle cité fut fondée tout près; c'est Néapolis (l'actuelle Naplouse). Sur l'emplacement du temple samaritain, J'empereur Hadrien construisit un temple à Zeus, relié à la cité par un escalier monumental récemment retrouvé il est reproduit sur les pièces de monnaie des lie et Ille s. de notre ère. L'antique Sichem se perpétua donc encore dans Naplouse, ville moderne à l'activité intense, vivant trait d'union tracé par l'histoire entre un passé glorieux et un avenir encore incertain.
M.-C. HALPERN
--------------
1. - Peuple d'origine raciale mêlée, mais comprenant d'importants éléments sémitiques, il occupa la Palestine et domina l'Egypte entre 1730 et 1580 av. J.
En ce temps-là, la Bible No 26 pages II-III.