Sur quels textes de l'Ecriture est basée

la loi de la nourriture «casher» séparant le lait de la viande

 

Trois fois dans la Bible Dieu donne cet ordre: «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.» C'est comme dit en passant, à la fin d'une énumération des diverses lois et ordonnances; par exemple dans Exode 23,19 et Exode 34, 26 où l'ordre donné est en rapport avec les ordonnances au sujet du sacrifice de la Pâque pour lequel il fallait un animal mâle, âgé d'un an, agneau ou chevreau (Exode 12, 5). Le troisième texte se trouve dans Deutéronome 14, 21, cette fois en relation avec les ordonnances au sujet des viandes qu'il était permis ou défendu de manger.

Le mot «chevreau» se dit «Gedi» en hébreu, ce qui représente généralement une jeune chèvre. Cependant, il faut élargir cette conception et voir les trois animaux sacrificiels d'usage courant: Lé mouton, la chèvre et le boeuf.

En principe, on comprend ces trois textes comme étant une interdiction de faire cuire la chair d'un jeune animal dans le lait de sa mère. C'est sur ces lois et ordonnances que se basent la cuisine, le manger et le ménage «casher» du judaïsme.

Pourtant, je doute que Dieu l'ait vu de cette manière, surtout lorsque je lis dans Genèse 18,7-8: «Et Abraham courut à son troupeau, prit un veau tendre et bon, et le donna à un serviteur, qui se hâta de l'apprêter Il prit encore de la crème et du lait, avec le veau qu'on avait apprêté, et ils les mit devant eux. Il se tint lui-même à leurs côtés, sous l'arbre. Et ils mangèrent. » Toutes nos traductions chrétiennes écrivent «veau», mais selon les traductions juives comme celle de Buber, Zurz et Tur-Sinaï, il s'agit d'une jeune génisse. Il me semble impossible que le Seigneur du ciel, accompagné de deux messagers de Dieu qu'Abraham, qui était le père du peuple d'Israël, appela «mon Seigneur» - ait pu accepter de manger la crème et le lait avec la viande, pour l'interdire à Son peuple quelques centaines d'années plus tard! N'est-Il pas , le Dieu éternel qui ne change pas? Dans Psaume 89, 35 il est écrit: «je ne violerai point mon alliance et je ne changerai pas ce qui est sorti de mes lèvres.»

Cet état de fait m'a incité à approfondir le sens de cette loi. J'ai été frappé de voir qu'en rapport avec les animaux sacrificiels, il est précisé que l'animal devait être âgé d'un an: «Ce sera un agneau sans défaut, mâle, âgé d'un an; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau» (Exode 12, 5). Nous trouvons cette précision aussi dans Nombres 6,14 ou dans Nombres 7,15-17, comme dans d'autres textes encore.

Ainsi, tous les animaux que le sacrificateur et celui qui sacrifiait pouvaient manger, étaient âgés d'un an. En conséquence, ils n'étaient plus en période d'allaitement, ils ne dépendaient plus du lait maternel. Ceci jette une lumière toute nouvelle sur l'ordonnance «tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère». il faudrait plutôt dire: Tu ne feras point cuire un chevreau aussi longtemps qu'il se nourrit du lait de sa mère. On comprend mieux pourquoi il est écrit «dans le lait de sa mère» et non pas «dans du lait».

L'expression «cuire» s'explique par le fait que la viande pour le sacrifice que le sacrificateur et celui qui sacrifiait pouvaient manger, devait être cuite après qu'on ait brûlé la graisse et les rognons sur l'autel, ce qui était d'une agréable odeur à l'Eternel (Lév. 8,16). Lévitique 8, 31: «Faites cuire la chair à l'entrée de la tente d'assignation; c'est là que vous la mangerez.» Cf Lév. 6,17-21. En général, la viande pour le sacrifice devait être cuite. C'est ce que nous voyons dans I Samuel 2,15-17, où les fils d'Elie refusaient d'en manger, car ils voulaient de la chair à rôtir. La seule exception se trouve dans Exode 12,8-9 où le peuple reçoit l'ordre de préparer l'agneau pascal et de le rôtir au feu. Comme il est toujours question de «cuire» lorsqu'il s'agit de la préparation d'une viande, on comprend pourquoi il est dit: «Tu ne feras point cuire le chevreau dans le lait de sa mère» plutôt que «rôtir».

Lorsqu'on sacrifiait un animal qui n'était pas âgé d'un an et qui, en conséquence, buvait encore du lait de sa mère (cf. 1 Sam. 7, 9 ou Lév. 22, 27-28), on pouvait le prendre dès le huitième jour. Seulement, il devait servir d'holocauste d'une agréable odeur à l'Eternel. C'est-à-dire. l'animal tout entier était brûlé au feu selon ce qui est écrit dans Exode 29,18. Il ne fallait pas en manger. Tur-Sinaï traduit le texte de Lévitique 22, 27 comme suit: «Dès le huitième jour et les suivants il peut obtenir grâce, étant un sacrifice consumé par le feu pour l'Eternel.» Il pouvait donc servir de sacrifice. Cependant, selon Deutéronome 15, 19-20, Dieu semble agréer plus facilement le premier-né d'un animal âgé d'un an, car tout premier-né Lui appartient. Le fait qu'un jeune animal encore en période - d'allaitement pouvait être égorgé pour servir d'holocauste mais non cuit et mangé, nous permet de comprendre pourquoi il n'est pas dit «égorger» mais: «Tu ne feras point cuire le chevreau dans le lait de sa mère.»

Nous voyons que dans les cinq livres du Pentateuque, jamais un animal en période d'allaitement, dont la chair devait être cuite en partie et mangée par le sacrificateur et celui qui sacrifiait, ne devait servir de sacrifice, mais uniquement d'holocauste, entièrement consumé par le feu.

Celui qui a déjà mangé de la viande d'un veau qui n'a été nourri qu'avec du lait, affirmera que cette viande provoque plutôt du dégoût à cause de sa consistance élastique et muqueuse. C'est là le fondement de cette loi. La chair d'un tel animal n'a pas encore une maturité suffisante pour être mangée.

 

C'est aussi pourquoi cette loi est donnée juste là où il s'agit de manger de la viande, c'est-à-dire les deux premières fois (Ex. 23,19 et Ex. 34, 26) en relation avec l'agneau pascal, qui devait être mangé en entier. Il est précisé: «Un agneau âgé d'un an» afin d'éviter qu'il soit encore au lait maternel. La troisième fois, c'est en rapport avec la viande qu'il était permis ou défendu de manger. «Tu ne feras point cuire le chevreau dans le lait de sa mère.» A première vue. cette loi ne semble pas s'accorder avec les précédentes, où il est question de tous les animaux impurs dont la chair ne devait pas être mangée, alors que le chevreau était considéré comme un animal pur. En conclusion: La chair des animaux purs est rangée du même côté que celle des animaux impurs, aussi longtemps que l'animal est en période d'allaitement.

Frédy Winkler

Nouvelles d'Israël 03 / 1984

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