Les 50 années d'exil en Babylone ont apparemment tout ruiné. Le Temple est détruit, la liturgie a cessé, la dynastie de David en laquelle reposait l'espérance messianique a disparu, du moins de la scène officielle. Mais l'épreuve est purificatrice. Les prophètes l'ont interprétée comme un nouvel Exode préparant une Terre promise réduite, certes, mais plus sainte. Le temps fut propice à la méditation des Écritures qui se sont gonflées de gloses nuançant l'expression de la foi d'Israël. Le retour s'est enfin opéré, dans l'allégresse d'abord, la mise à l'ouvrage, souvent pénible, ensuite. Puis, le Temple rebâti, la vie a repris.
Cléricalisation des sages
Les scribes de jadis, auteurs des vieux proverbes, sont en voie de disparition ou de transformation. Le roi s'en est allé et le grand-prêtre,a pris sa place à Jérusalem: le palais royal est devenu résidence pontificale et l'antique clerc de la cour royale se mue en clerc d'Église. Sans perdre toute attache avec son passé original, ni renoncer à l'enseignement antérieur, fruit de la « sécularisation » dont nous avons parlé, la Sagesse tend alors à se « cléricaliser ». Bientôt elle sera quasiment l'apanage des prêtres, des docteurs de la Loi. Il est aisé de saisir qu'elle tend désormais à devenir explicitement une discipline théologique.
Et la Sagesse devint femme
Les anciens dictons se préoccupaient de relever les innombrables caractéristiques de l'homme qui passait pour sage à leurs yeux. La nouvelle génération des scribes théologiens s'interroge à présent sur la Sagesse elle-même : mais qu'est donc cette Sagesse qui conduit l'homme vers la conversion de son coeur ? L'expression toujours poétique de leur foi les amène à personnaliser la Sagesse sous des traits féminins que l'on découvre dans trois grands discours du livre des Proverbes : chapitre 1, versets 20 à 33 : tout le chapitre 8 : chapitre 9, versets 1 à 6. Avec ces textes, Dame Sagesse entre dans la longue histoire de l'espérance d'Israël.
Sa façon d'être, de parler, de se présenter, rappelle étrangement les manières des prophètes, pratiquement disparus. Les appels des hommes, si vigoureux qu'ils aient été, n'ont pas réussi la transformation profonde des pécheurs; le croyant comprend maintenant qu'il faut obéir à des voix plus intérieures pour marcher à la découverte de Dieu. Par ailleurs, la Sagesse se voit ornée de qualités diverses qu'autrefois on avait prêtées au Messie à venir, comme si Israël renonçait désormais à n'attendre qu'un homme, si parfait soit-il, pour lui révéler l'absolution de son péché et sa destinée de gloire. Et il est bien vrai que l'auteur de ces poèmes extraordinaires, scrutant dans sa foi le lieu d'apparition de la Sagesse, ne le trouve nulle part en dehors de Dieu même. La Sagesse est née de Dieu, engendrée par lui dès avant la création du monde, blottie sur les genoux de son Père, mais trouvant sa joie à s'ébattre sur la terre parmi les enfants des hommes (chap. 8, vers. 22 à 31
Du poème à la réalité
Ces approches poétiques demandent à être traduites en valeurs de vie. Longtemps, les sages s'y sont employés. La Sagesse a été comprise comme l'équivalence poétique de la Parole de Dieu, créatrice du monde et de notre monde personnel. Mais c'est finalement l'Évangile qui aura le dernier moi lorsqu'il fera de Jésus de Nazareth le véritable maître de sagesse, la Sagesse incarnée, venue dévoiler hommes le sens de leur quotidien et le terme de leur marche
J.-P. C
En ce temps-là, la Bible No 49 page II.