Seul l'ordre traditionnel amène à présenter ensemble dans ces pages des prophètes qui livrèrent leur message à des époques très diverses, réparties en fait sur trois siècles, avant et après l'Exil.
ABDIAS, « petit » prophète par excellence puisque le travail de ses oracles ne comprend que 21 versets, fait la preuve que l'inspiré, choisi pour être le héraut de Dieu, demeure un homme : son élection divine ne le sépare ni de ses tendances propres, ni de l'éducation qu'il a reçue, ni de l'influence du milieu où il vit. Ce « serviteur de Yahvé » (tel est le sens de son nom) prophétise au Ve siècle av. J.-C., alors que les exilés sont rentrés depuis peu, et reste profondément blessé par l'attitude des Édomites lors de la prise de Jérusalem : n'ont-ils pas fait cause commune avec les assiégeants, et même occupé le sud du royaume de Juda ? Très nationaliste, de tempérament vindicatif, il entrevoit la ruine prochaine d'Édom et s'en réjouit; et lorsque sa vision s'étend jusqu'au « jour de Yahvé » (cf. Amos), il annonce en termes particulièrement vifs que le peuple de Jacob aura sa revanche sur le peuple d'Ésaü.
JONASest un homme, mais surtout « un livre », et il convient de distinguer 1'un et l'autre. L'homme fut prophète dans le royaume d'Israël, au VIIIe siècle avant notre ère, au temps de Jéroboam Il (783-743). Seul d'ailleurs, le 2e livre des Rois (chap. 14, vers. 25) mentionne son activité. Or, au Ve siècle, un auteur inconnu utilisa ce souvenir et attribua fictivement à ce prophète une aventure extraordinaire mais exemplaire. Que des mythes grecs, indiens, égyptiens ou assyro-babyloniens, qui présentent quelque analogie avec ce récit, aient ou non facilité la tâche du conteur sacré l'histoire de ce rescapé avalé par un poisson énorme et qui continue de vivre dans ses entrailles, occupé à chanter des cantiques, tient assurément du merveilleux. L'accumulation de miracles offerte au lecteur, y compris la conversion immédiate des habitants de Ninive à la parole de Jonas, paradoxalement vexé du résultat obtenu, oriente vers un genre littéraire qui n'est pas précisément celui de la prophétie. Mais c'est un enseignement qui court, non sans une pointe d'humour, à travers tout le recueil.
On y verra avant tout l'affirmation que les annonces de châtiment faites au nom de Dieu ne sont pas absolues : la conversion peut les rendre caduques. L'universalisme du salut est, lui aussi, nettement indiqué : si la sollicitude du Créateur s'étend même aux animaux (chap. 4, vers. 11), comment ne pas conclure que Dieu aime tous les hommes comme ses enfants, fussent-ils païens. Or, Israël est précisément appelé à devenir le missionnaire du vrai Dieu ; ainsi songe-t-on déjà à la parole bien claire que prononcera le Christ : « Allez, enseignez toutes les nations. »
MICHÉEramène au siècle où Amos et Osée prophétisaient en Israël, mais son apostolat s'exerça dans le royaume de Juda, sous les rois Achaz et Ézéchias (736716 et 716-687 av. J.-C.). On retrouve chez lui bien des traits rencontrés chez Amos : la justice envers les petits et les pauvres ; le « Jour du Seigneur » où Dieu se manifestera au milieu de phénomènes cosmiques; le « Reste », auquel est promis le royaume. Le messianisme de Michée n'a pas l'ampleur de celui d'Isaïe, mais il renferme un élément original : Bethléem est le lieu où naîtra le Messie. Enfin le prophète propose la formule de la vie religieuse authentique : accomplir la justice, aimer avec tendresse et marcher humblement avec Dieu.
NAHUM, Judéen du Néghev, qui se manifesta vers 620 av. J.-C., annonce le nationalisme exacerbé d'Abdias. Mais, au lieu de l'appliquer à Édom, c'est à Assur qu'il s'en prend : avec une joie passionnée il annonce la ruine prochaine de Ninive (612). L'extraordinaire poésie de ce court ouvrage lui fait une place toute spéciale parmi les oeuvres prophétiques.
HABACUCenfin est, comme Nahum, un contemporain de Jérémie. Il situe le problème du mal au plan international. L'Assyrie, ennemie de toujours, n'est pas encore réduite par la coalition des Babyloniens, des Scythes et des Mèdes; elle continue ses exactions et ses rapines. Le prophète se pose donc la question : Comment Dieu peut-il permettre cela? Comment la justice de Dieu s'accorde-t-elle avec le triomphe des païens? Et la réponse vient, en termes généraux : tandis que l'impie succombera, le juste vivra grâce à sa fidélité seule lui est demandée la patience.
J. DHEILLY
En ce temps-là, la Bible No 71