Un Livre de miséricorde et de joie

 

LE troisième évangile est attribué à saint Luc par la tradition unanime. Il se présente comme un confluent de sources nombreuses : non seulement l'auteur a bénéficié de compositions antérieures plus ou moins complètes, mais il a connu les évangiles de Matthieu et de Marc; en outre, pour ce qui lui appartient en propre, il apparaît bien qu'il ait mené une enquête serrée auprès de certains « témoins oculaires » : on pensera à bon droit à la Vierge elle-même, à la famille de Jean-Baptiste, aux femmes qui ont suivi Jésus durant sa vie publique. A cet apport s'ajoute ce que vaut à Luc un contact prolongé avec saint Paul : l'apôtre a déterminé chez lui une mentalité universaliste, particulièrement sensible dans certaines pages de son évangile. Il en résulte une oeuvre qui, tout en gardant les caractères fondamentaux de la « Bonne Nouvelle », revêt certains traits originaux. On en relèvera trois.

Jésus est venu pour les pécheurs. Il est en relations constantes avec eux, il agit envers eux avec bonté, il rappelle la miséricorde et la patience de Dieu à leur égard. Et il ne s'agit pas seulement des Juifs : les païens eux-mêmes peuvent avoir confiance, car Dieu ne leur en veut pas d'être restés si longtemps loin de lui; le Père aura toujours les bras ouverts pour accueillir l'enfant prodigue. L'évangile de Luc comporte précisément un groupe de récits qu'on appelle les « paraboles de la miséricorde ».

La « Bonne Nouvelle » rayonne la joie. Car la venue du Messie n'apporte ni ennui ni tristesse, mais bien l'épanouissement de l'homme. L'Esprit saint, qui a consacré Jésus pour sa mission, est à l'origine de la proclamation du message : « Un sauveur vous est né. » Et il répand la joie chez tous ceux qui vivent dans l'intimité de Jésus. Aussi, dès le début, Luc place-t-il sur les lèvres de la Vierge les accents joyeux du Magnificat, et Jean-Baptiste tressaille-t-il d'allégresse dans le sein de sa mère. Durant la vie publique du Christ, les disciples envoyés en mission reviennent dans la joie et Jésus n'hésite pas à parler de la joie du ciel pour un pécheur qui retourne à Dieu.

Enfin une large place est faite à la femme dans le récit évangélique. Nombreuses sont celles que l'on rencontre en feuilletant les pages de l'ouvrage. Voici Marie, la Vierge, toute de grâce et de délicatesse, comme l'a peinte un Fra Angelico; à côté d'elle Élisabeth, qui l'accueille en sa maison d'Aïn-Karim; la vieille Anne, qui ne tarit pas d'éloges sur l'enfant qu'elle vient de croiser au Temple; les soeurs de Lazare aux tempéraments si opposés. Luc encore a gardé les noms des femmes qui aidaient le groupe apostolique : Madeleine, Jeanne et Suzanne; il a pourtant préservé l'anonymat de celle qui parfuma les pieds de Jésus au cours du repas chez Simon.

Voilà qui contribue à renforcer le caractère pleinement humain de ce livre rédigé par un « gentil », le seul des quatre évangélistes qui ait été païen de naissance, et que beaucoup considèrent comme le plus accessible aux hommes de notre temps.

J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

En ce temps-là, la Bible No 78

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