La Bible de Jérusalem 2001 contient des notes... antisémites !

 

Une Bible É à éviter !

Les Éditions du Cerf et les Éditions Fleurus-Mame ont publié en fin 2001 une édition de la "Bible de Jérusalem" qui ne peut que recevoir une réprobation indignée pour qui a souci du dialogue avec le judaïsme. Nous rappelons ci-dessous les bases établies par le Comité Épiscopal Français pour les relations avec le Judaïsme et mettons en lumière quelques exemples tirés de cette Bible qui montrent que cette édition tombe complètement hors des indications claires données par le dit Comité.

Pour une lecture positive de l'Ancien Testament.

La conscience renouvelée de l'unité du dessein de salut nous permet de surmonter la tentation toujours renaissante de dévaloriser l'Ancien Testament, ou - plus subtilement- de l'utiliser comme un "faire valoir" du Nouveau.

Une certaine manière de dire "autrefois", "jadis", "sous le régime de la loi", etc É pour mieux faire ressortir "aujourd'hui, "dorénavant", "sous l'action de l'Esprit Saint", conduit insensiblement à méconnaître l'unité, la continuité de la révélation, et la fidélité de Dieu. On laisse entendre que le premier Testament n'a été qu'un pédagogie à peine nécessaire. Instituant un régime provisoire, il ne pouvait que s'effacer lors de la venue de Jésus, comme une ombre remplacée par la lumière, ce qui a vieilli par ce qui est neuf et ce qui est ancien par ce qui est nouveau. Une telle manière de présenter la venue du Seigneur rend vide et vaine l'histoire qui l'a précédée. Elle conduit encore à opposer deux images de dieu (justice ou miséricorde), du culte (ritualiste ou spirituel), de la vie (sous l'emprise de la crainte ou de l'amour) (note= Il nous paraît nécessaire de procéder à une révision soigneuse des différents lectionnaires liturgiques en usage et des "Notes" accompagnant les traductions de la Bible, qui cèdent encore parfois à ce travers, issu de la théorie dite de la "substitution". ) . Ainsi donne-t-elle à penser qu'il y a rupture dans l'unique dessein de Dieu.

É

Nous recevons la Bible comme le fondement et l'inspiration de la vie présente. C'est "en contemplant l'infinie richesse des Écritures que nous rejoignons le peuple auquel, dès le début, fut révélée l'annonce du salut, le peuple juif"(Jean-Paul II - Discours pour le vingt-cinquième anniversaire de "Dei verbum) . Reconnaître à l'Ancien Testament sa valeur permanente, c'est ouvrir la possibilité même du dialogue entre juifs et chrétiens.

Les lecture liturgiques sont constituées pour une part d'extraits de l'Ancien Testament. Nous ne pouvons nous contenter d'y trouver annonces, préfigurations, ou exemples illustrant l'Évangile. Il nous faut donc les situer dans une vue d'ensemble pour accorder à l'Ancien Testament tout son sens. Il est le témoignage porté à l'élection irrévocable et à l'Alliance indéfectible de Dieu avec nos pères. Les chrétiens, de plus en plus nombreux, s'efforcent de lire toute la Bible, parfois même dans le texte original. Leur vie de foi en a été enrichie. Ceux qui peuvent accéder à la lecture juive de la Bible, s'ouvrent à une compréhension renouvelée des Écritures.

Dans cette perspective, le dialogue entre juifs et chrétiens pourra sans doute progresser.

(Extraits du texte émanant du Comité épiscopal daté du 14 mai 1997 signé de Mgr Gaston Poulain et du Père Jean Dujardin.)

Ce qu'on ose publier en fin 2001 !

Une édition très récente de la "Bible de Jérusalem" vient de paraître: cette édition est "enrichie" de "clés de lecture". On pourrait penser que ce travail fait suite aux recommandations citées ci-dessus qui ont le mérite de la clarté.

D'ailleurs les Éditeurs prennent bien soin d'indiquer dans leur "avertissement" liminaire: "On n'a pas cherché absolument à imposer d'emblée une seule lecture. Pour une première approche, ces annotations marginales, tirées des Pères de l'Église ou inspirées de leurs oeuvres, veulent aider à lire dans la Bible ce qui se rapporte au mystère du Christ, É"

Mais, quand on ouvre cette Bible, on a très vite compris que les notes ont été choisies pour guider le lecteur qui fait une "première approche" dans une lecture typologique de l'Ancien Testament: la théorie hérétique du rejet et de la substitution est clairement étayée par ces soi-disant "clés de lectures".

Nous en donnerons ci-dessous quelques exemples particulièrement probants, mais la même pensée se retrouve dans la plupart des notes marginales. Et on appréciera combien de telles "clés de lecture" seront en mesure de "faire progresser le dialogue entre Juifs et Chrétiens" !?

 

Genèse 21: 8: (Renvoi d'Agar et d'Ismaël) L'enfant (Isaac) grandit et fut sevré et Abraham fit un grand festin le jour où on le sevra. Or Sara aperçut le fils né d'Abraham de l'ÉgyptienneÉ

Clé de lecture proposée: Sara figure Israël jaloux de l'Alliance avec Dieu. Finalement les non-juifs figurés par Agar et Ismaël reconnaîtront le Christ source d'eau vive, et s'y désaltéreront, alors qu'Israël conservera un voile sur les yeux.

Genèse 24:1 (Chapitre intitulé: Mariage d'Isaac) Abraham était alors un vieillard avancé en âge, et Yahveh avait béni Abraham en tout.

Clé de lecture proposée: L'Alliance nouvelle et éternelle inaugurée par le Christ sera bien une véritable union dont les noces humaines sont l'image la plus parlante. Dans ce récit, Abraham est la figure de Dieu le Père, Isaac celle du Fils unique, le serviteur celle de l'Esprit-Saint. Quant à Rébecca, elle symbolise aussi bien l'Église conduite par l'Esprit pour être l'épouse du Christ que chaque chrétien en particulier

Exode 34:1 (Renouvellement de l'Alliance. Les tables de la loi) Yahvé dit à Moïse: "Taille deux tables de pierre semblables aux premières, et j'écrirai sur les tables les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées.

Clé de lecture proposée: Semblables aux premières: dans le corps du Christ, où est inscrite la Parole de Dieu, l'ancienne Alliance sera brisée avant d'être universellement relevée.

Lévitique 8:6: (Rites de consécration des prêtres) Il fit approcher Aaron et ses fils et les lava dans l'eau.

Clé de lecture proposée: Jésus a lavé les pieds de ses disciples comme Moïse lava Aaron et ses fils; le chrétien est lavé du mal dans l'eau du baptême avant de revêtir le Christ vêtement incorruptible venu remplacer les "tuniques de peau". Aaron, lui, porte tunique et manteau: il observe la Loi dans sa chair et en esprit; les disciples du Christ ôteront le voile de chair qui pèse sur l'Écriture et en dévoileront l'Esprit.

Nos remarques et questions

1/ D'où proviennent ces "notes de lectures" ? Les Éditeurs indiquent dans leur avant-propos qu'il s'agit de citations "de Pères de l'Église ou inspirées de leurs oeuvres".

Aucune de ces citations n'est signée, aucune indication ne permet de retrouver ces "Pères de l'Église", ce qui interdit tout travail de recherche de référence sérieux: cette édition n'est donc pas destinée à l'étude, mais à une première approche, malgré les notes complètes qui y sont insérées, ce qui est contradictoire.

A première vue, cette édition est munie de l'Imprimatur du Cardinal Pierre Eyt, président de la Commission doctrinale des évêques de France: Pourtant, à y regarder de plus près, cet "imprimatur" concerne "le texte biblique, les introductions et les notes": cela signifie-t-il que les éditeurs n'ont pas obtenu l'imprimatur pour les "clés de lecture" ?

2/ L'édition en question est tout-à-fait remarquable pour sa qualité: volume cartonné de belle présentation, plus de 2500 pages, cartes en couleur (le pays est toujours cité sous le nom de "Palestine", ce qui a été déjà dénoncé comme un anachronisme pas forcément innocent !). Comment est-ce spécialement pour cette édition que les éditeurs ont consenti un tel effort de prix (moins de 100F, soit environ 15 ¤, alors que toutes les éditions identiques mais sans ces fameuses "clés de lecture" sont encore 50% ou 100% plus chères ? N'est-on pas en droit de penser que cette coïncidence traduit une volonté délibérée de diffuser largement des idées contraires aux directives citées plus haut ?

3/ Si l'on voulait opposer les "Pères de l'Église" au mouvement actuel dans l'Église catholique tel qu'il est issu du concile, on ne pouvait s'y prendre mieux. On peut donc s'interroger fortement sur les raisons qui ont poussé les éditeurs, Fleurus et Cerf, à commettre une telle erreur: on ne peut donc que recommander à tous nos lecteurs de ne pas acheter cette édition de la "Bible de Jérusalem", à moins qu'ils ne veuillent mesurer l'abîme franchi depuis les "Pères de l'Église" dans l'approche du "Mystère d'Israël".

Henri Lefebvre

paru dans YERUSHALAIM n°28

revue éditée par l'association COEUR

BP 49217 - 30104 ALES cedex

(Yerushalaim) ajouté le 12/5/2002

Trouvé sur http://voxdei2.free.fr/infos Point Final - Informations chrétiennes et eschatologiques au quotidien.