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La grâce et la vérité
«La Parole est devenue chair, et elle a planté sa tente parmi nous, pleine de grâce et de vérité» Jean 1 : 14
« La vie humaine ressemble à un pendule. La musique va de la mélodie à la cacophonie; la mode oscille du mini au maxi. Sur le plan moral, les hommes et les femmes passent de l'ascétisme au laisser-aller, du silence à l'obsession sexuelle. Nous trouvons difficile de garder le juste milieu entre les extrêmes. Lorsque ce mouvement touche la théologie, cela devient vraiment grave» (D. Lane). Il ne s'agit pas pour autant de faire l'apologie du juste milieu! Comme l'a justement souligné Alain Peyrefitte dans un de ses ouvrages: « Encore faudrait-il que le milieu soit juste. Il ne suffit pas de se tenir à égale distance de deux excès, pour être sûr de marcher dans la bonne voie ». En matière de doctrine et de vie chrétienne l'équilibre véritable est étroitement lié au souci permanent de prendre en compte tout ce que les Saintes Ecritures nous enseignent sur chaque sujet considéré. Ainsi en est-il de la grâce, thème éminent et bouleversant de plusieurs livres traduits et publiés ces derniers temps.
Plus les années passent, plus la grâce de Dieu fait bondir et palpiter mon coeur! La beauté morale de mon Dieu, sa générosité inouïe envers ses ennemis, parmi lesquels j'étais autrefois, son bon plaisir qui le pousse à accorder de merveilleux bienfaits à ceux qui ne le méritent pas, mieux encore, à ceux qui ont démérité, me laisse pantois, stupéfait, le souffle coupé. D'un bout à l'autre de l'Ancien Testament déjà carillonne à toute volée ce message extraordinaire de la grâce surabondante de l'Éternel, le « Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité, qui conserve sa bienveillance jusqu'à mille générations, qui pardonne la faute, le crime et le péché » (Exode 4.6-7).
Le «chérissement» de Dieu, selon le mot d'André Chouraqui, est d'une telle intensité que l'Éternel prend la précaution de mettre son serviteur Moïse dans le creux d'un rocher du Sinaï, qu'Il le couvre ensuite de Sa main et lui fait contempler la gloire de Sa grâce par derrière afin qu'il puisse en supporter l'indicible vision. Mais la beauté suprême de Dieu se déploie à son zénith lorsqu'elle prend une forme humaine et vient planter sa tente au milieu de l'humanité coupable. Jésus-Christ, c'est la grâce infinie incarnée. Le Dieu très saint vient en personne fréquenter la misère humaine, s'asseoir à table avec les prostituées, les collecteurs d'impôt et tous les pécheurs notoires, au grand dam des pharisiens et autres bien-pensants.
Le Seigneur du cosmos s'abaisse de son plein gré au rang de l'esclave méprisé et accepte de subir le supplice infamant de la croix afin que moi, le coupable insolvable, je sois quand même épargné, acquitté, innocenté, purifié, pardonné, libéré à jamais de ma dette envers Lui. Telle est la miséricorde insondable de Celui qui a décidé librement, par pur amour « de prendre le misérable en pitié, d'épargner le coupable, d'accueillir le marginal et de déverser des faveurs sur ceux autrefois justement soumis à la désapprobation. [ ... ] Il élève notre tête au-dessus des murs de la prison, Il remplace nos habits de détenus par des tuniques royales et Il nous donne du pain à jamais devant Lui, tous les jours de notre vie» (A.W. Tozer). Telle est la grâce divine dans sa plénitude absolue.
Disciple de Jésus-Christ, je suis appelé à puiser continuellement mes forces dans Sa grâce (2 Tim. 2: 1) et à être, comme Lui, débordant de grâce dans mes relations avec mon prochain. Prenons un seul exemple: puisque le Seigneur Jésus n'a pas hésité à fréquenter les gens de mauvaise vie de son époque, je suis donc invité à manifester Sa grâce en allant vers ceux de mon époque, en les accompagnant dans leur vie parfois tumultueuse, aux méandres compliqués, avec une grande générosité de coeur, une persévérance sans faille, beaucoup de compassion, de compréhension. Et c'est là que, poussé par le vent dominant de notre temps, le pendule se met à osciller dangereusement au risque de se caler sur un extrême, travestissant, parfois très subtilement, la grâce en crasse. Le triomphe de la grâce rendrait-il caducs certains avertissements bibliques solennels comme celui-ci: «Attention, ne vous y trompez pas: les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs» (Il Cor. 15:33)? Faut-il vivement encourager le drogué et la prostituée tout juste affranchis par Jésus-Christ à foncer vers les quartiers chauds qu'ils viennent à peine de quitter?
L'ancien pratiquant assidu des arts occultes arraché hier à la puissance des ténèbres doit-il se lier d'amitié avec les satanistes de son quartier pour ressembler à Jésus? L'apôtre Paul, s'adressant aux membres de l'Église de Jésus-Christ à Corinthe, leur fait remarquer, avec bon sens, qu'il ne s'agit pas, pour le croyant, d'éviter systématiquement toute relation avec ceux qui, dans ce monde, mènent une vie de débauche, avec les avares, les voleurs ou les adorateurs d'idoles, car alors il lui faudrait sortir du monde. Par contre, il leur dit clairement de ne pas entretenir de relations avec celui qui, tout en se disant leur « frère» vivrait dans la débauche, ou serait avare, idolâtre, calomniateur, adonné à la boisson ou voleur. Tout ce qui peut être perçu comme une marque de solidarité avec ce soi-disant frère doit être absolument évité, y compris même le fait de prendre un repas avec lui (Il Cor. 5:9- 13). Aux Thessaloniciens, il recommande, au nom du Seigneur Jésus-Christ, de se tenir à l'écart de tout frère qui mène une vie de désordre, en flagrante contradiction avec l'enseignement reçu. S'il refuse de tenir compte des avertissements et des instructions qui lui sont adressés de la part de Dieu, toute relation avec lui doit cesser afin qu'il en éprouve de la honte. Il ne s'agit pas de le traiter en ennemi mais de le reprendre comme un frère (2 Thess. 3:6-15).
Après avoir dénoncé ceux qui «travestissant en dérèglement la grâce de Dieu en reniant Jésus-Christ», Jude exhorte les lecteurs de sa lettre en ces termes: <,Ayez pitié des uns, de ceux qui doutent: sauvez-les en les arrachant au feu. Ayez pour les autres une pitié mêlée de crainte, haïssant jusqu'à la tunique souillée par la chair» (22-23). Il est des fréquentations régulières, des amitiés trop longtemps cultivées, qui finissent par faire de nous les otages d'hommes et de femmes malins et sans scrupules. Utilisant notre naïveté, ils se plaisent à nous manipuler, cherchant essentiellement à se donner bonne conscience et visant insidieusement à faire de nous les sympathiques complices des pratiques coupables qu'ils ne veulent surtout pas abandonner. Dieu nous exhorte à nous conduire avec sagesse envers ceux du dehors; pas de grâce sans sel, pas de sel sans grâce (Col. 4: 5-6)!
Vivre dans la grâce, exercer la grâce, cela s'apprend à l'école du Seigneur et dans son intimité jour après jour. L'itinéraire de la grâce est jalonné de merveilleuses surprises... et de pièges habiles tendus par le grand Ennemi de la grâce authentique, qui cherche continuellement à la caricaturer en la dissociant de la vérité (Jean 1 : 14).
« La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. Elle nous enseigne à renoncer à l'impiété, aux désirs de ce monde, et à vivre dans le siècle présent d'une manière sensée, juste et pieuse. » Tite 2:11-12
Maurice Decker « La Bible à coeur ouvert »
La bonne Nouvelle No 1 - 2002