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Pardon divin, pardon humain
Vous avez certainement dû apprendre par cÏur le «Notre Père» dans votre enfance ou lors du catéchisme. Quand je prononce cette prière, je bute chaque fois sur la phrase: «Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.» (Matt. 6:12) Cela vous étonne?
Que signifie le pardon?
Selon la définition biblique (confirmée par Larousse), pardon veut dire «considérer une faute, pour laquelle on se repent, comme si elle n'avait pas été commise». Qu'est-ce qui est le plus frappant dans cette demande de pardon que Jésus nous a enseignée? C'est, me semble-t-il, sa proposition subordonnée qui relie le pardon divin au pardon humain. En grec, la phrase «comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés» est écrite dans un temps qui exprime une action momentanée ou ponctuelle. L'action humaine «j'ai pardonné» et la prière ne s'excluent pas l'une l'autre; au contraire, la prière est le dialogue d'un homme actif avec son Dieu.
Si nous jetons un regard rétrospectif sur le pardon humain, la prière implorant celui de Dieu ne se réfère pas à la fin des temps, mais à une chose présente que nous vivons dans nos relations avec notre prochain. Jésus a lié l'effet de l'action divine à l'action de l'homme: «Je vous pardonne» - «comme vous pardonnez à ceux qui vous ont offensés». La proposition subordonnée n'est-elle pas en contradiction avec l'enseignement sur la justification de Martin Luther? Pas du tout. L'unité paradoxale de la grâce prévenante et de la condition imposée à l'homme est réduite à néant lorsque celui-ci motive ses revendications par le pardon, espérant par là que Dieu pourrait imiter l'exemple humain!
Incroyable disponibilité à pardonner
Un exemple concret servira à préciser ma pensée. Belinda Liu et Katharina Hesse ont écrit un article dans Newsweek sur l'Eglise souterraine en Chine. Dans ce pays, il existe toujours des églises de maison qui célèbrent leurs cultes dans des foyers privés sans avoir obtenu d'autorisation officielle (voir Newsweek du 11 juin 2001, Blessing for China). Tant les baptistes que les luthériens, les réformés que les pentecôtistes, les catholiques que les darbystes ont une même vision des choses, celle qu'il est primordial d'obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Il faut soutenir les croyants dans leur démarche. Les chrétiens sont persécutés, frappés d'amendes, jetés en prison et beaucoup y laissent leur vie. Un groupe de veuves chinoises habitant les provinces de Hebei, de Shaanxi, de Fujian et de Zhejiang ont accompagné leurs maris jusqu'en prisonÉ et ne les ont plus jamais revus. Elles sont toutes membres de l'église clandestine. Elles se réunissent dans la ville de Donglu (province de Hebei) et ont décidé d'entreprendre une démarche commune. Elles ont rendu visite à un responsable de mauvaise réputation d'un camp de rééducation, dans lequel quelques croyants ont été torturés à mort. Quelque cinquante femmes se sont réunies autour de la demeure du chef en faisant monter vers Dieu la prière suivante: «Oh! permets, Seigneur, que cet homme réalise que tu l'aimes!» La fille et l'épouse du responsable ont écouté attentivement; il semble qu'elles aient été touchées, puis elles sont entrées dans la maison. Peu après, le chef en personne en est sorti. «Qu'est-ce qui vous a poussées à venir me voir? Il y a longtemps que vos maris sont morts!» leur dit-il. L'une des femmes se fait le porte-parole des autres et lui répond: «Nous sommes venues vous dire que Dieu vous aime et qu'il pardonne vos actes de brutalité. Nous avons prié pour vous et il faut que vous le sachiez.» Ce qui s'est alors passé dans le cÏur de cet homme en cet instant précis et pour quelle raison il a prononcé les paroles suivantes, personne ne le saura jamais. Il les a regardées encore une fois et leur a dit: «Je me repens de ma dureté, de ma haine et de ma cruauté envers vos maris.» Aussi vite qu'il était sorti, aussi vite est-il rentré dans la maison. Il aurait pu faire arrêter les femmes et les enfermer (elles en étaient bien conscientes). Il ne l'a pas fait. Elles se sont ensuite rendues au camp de travail et sur un côté de la barrière elles ont sprayé les mots: «Une faute, pour laquelle celui qui l'a commise se repent, est considérée par Dieu comme n'ayant jamais été commise.»
«Celui-ci s'en est allé justifié»
Réalisez bien, cher lecteur, ce que signifie le pardon. Pour Dieu, si quelqu'un se repent d'une faute, c'est comme si elle n'avait jamais été commise. Vous connaissez certainement votre Bible et vous vous souvenez de l'histoire du pharisien et du péager que nous rapporte l'Evangile de Luc. Le pharisien est dans le temple et loue Dieu de ce qu'il n'est pas comme les autres qui sont des voleurs, des fraudeurs, des adultères, ou comme ce péager. Il jeûne deux fois par semaine et donne la dîme de tous ses revenus (Luc 18:11-12). Du temps de Jésus, les péagers faisaient rentrer les impôts pour le gouvernement de Rome et étaient considérés comme des traîtres aux yeux des juifs. La rencontre de Jésus avec Zachée nous apprend que ce dernier n'avait pas peur du chantage de ses compatriotes (Luc 19:8). Il faut dire que tout ne se passait pas pour le mieux pour eux. C'est la raison pour laquelle le péager repentant se tenait à distance du pharisien dans le temple et disait: «Seigneur, aie pitié de moi qui suis un pécheur!» Jésus réagit positivement à cette prière et dit: «Celui-ci est descendu dans sa maison justifié, plutôt que l'autre.» (Luc 18:14) Quel est le fond de la pensée de Jésus? Pour lui, la faute dont on se repent est comme si elle n'avait jamais eu lieu! Cette certitude ne vous fait-elle pas respirer pleinement, surtout si vous vous débattez avec une faute et que vous n'arrivez pas à vous pardonner pour un délit que vous auriez commis?
Pardonner après six ans et demi de captivité
Je pense à Terry Andersen qui a été libéré en décembre 1991 après six ans et demi de captivité. Le 6 mars 1985, alors qu'il regagnait son domicile à Beyrouth, il a été pris en otage par trois hommes armés du Hezbollah. Dans son livre Dans la fosse aux lions, il raconte comment il a été enchaîné à la paroi et maltraité par ses gardiens jour après jour. Il a souffert de cauchemars pendant des années après sa libération. Terry a toutefois reconnu qu'ils allaient en diminuant, car il a appris à pardonner comme Jésus lui a pardonné. «Les hommes et les femmes qui ne peuvent pardonner sont des pauvres égoïstes, des «ratés» et des masochistes», prétend le docteur Murray, cardiologue et épidémiologiste. Il ajoute: «Ces gens sont caractérisés par un regard et une expression fossilisés; ils souffrent de troubles respiratoires, de dépressions, de sentiments de vengeance, ils sont amers, mécontents d'eux-mêmes et du monde; ils meurent d'un infarctus, pour autant qu'ils n'aient pas décidé d'en finir eux-mêmes avec la vie.» C'est pour les mêmes raisons que l'apôtre Paul écrit: «Pardonnez-vous les uns les autres, comme Dieu vous a pardonné en Christ.» (Ephésiens 4:32) Retenez bien la proposition subordonnée «comme Dieu vous a pardonné en Christ». Que peut bien vouloir dire Paul par cette remarque? Il souligne que notre pardon doit aller en direction du pardon divin.
Nous n'apprendrons peut-être jamais à pardonner comme Dieu nous a pardonné, mais nous pouvons tendre à ne pas mourir des suites de notre amertume!
Depuis Sigmund Freud, on nous pousse à croire que nos parents, l'école et nos proches participent à notre malheur. Nous sommes les victimes, les autres sont les acteurs. «Nos cliniques psychiatriques sont remplies d'hommes et de femmes qui ne veulent endosser aucune responsabilité pour eux-mêmes et pour leurs actes», a déclaré le psychiatre américain William Glasser. Ce n'est pas à moi d'en juger. Je sais cependant une chose, celle que, si je prononce le «Notre Père», je ne peux pas ne pas pardonner, sinon Dieu ne me pardonnera pas. Si Dieu entend mon aveu de péché, il ne peut pas ne pas pardonner! Lui ne ferait pas d'infarctus, mais moi oui!
Hermann Hartfeld
(Hmk-aem.ch) ajouté le 12-12-2003 dans Mission / Evangélisation