La « superspiritualité » corinthienne 1 Corinthiens 4
Introduction
Il est intéressant de constater le mouvement pendulaire dans l'histoire de l'Église. Il semble qu'en chaque siècle il existe, des deux côtés de la lignée du christianisme biblique, soit un mouvement vers les émotions, soit un mouvement vers l'intellect. Et c'est ce mouvement vers l'émotion ou l'expérience qui semble être la terre fécondée de la super-spiritualité :
Émotions
Montanisme 2e siècle
Monasticisme 3e-10e siècle
Mysticisme 14e-15e siècle
Piétisme et Méthodisme 17e-18e siècle
Pentecôtisme et charismatisme 20e siècle
Intellect
Gnosticisme 2e-3e siècle
Scolastique 11e-14e siècle
Orthodoxie réformée 16e-17e siècle
Libéralisme 1 9-20e siècle
Gnosticisme/Nouvel Age 20e siècle
En modifiant l'Évangile, ces mouvements professèrent bien souvent très vite un autre évangile « non pas qu'il y en ait un autre» (Gal. 1: 7). Aussi ne devons-nous pas être surpris par le surgissement de fanatiques ou d'enthousiastes. C'est alors par la réaction contre l'erreur que Dieu permet que son Eglise s'affermisse et consolide « la foi transmise aux saints une fois pour toutes ».
La tendance corinthienne
Le verset 8 du chapitre 4 de 1 Corinthiens est une clé de toute l'épître. Les Corinthiens se croyaient rassasiés, riches. Ils avaient déjà commencé à régner dans cette vie, ils étaient sages, forts et glorieux à leurs yeux. Par leurs dons spectaculaires, par la présence indéniable du surnaturel lors de leur culte, ils pensaient jouir déjà ici-bas de toutes les bénédictions célestes qui sont les nôtres en Christ. Ils se croyaient déjà dans la gloire. Une lecture soignée du chapitre 15 montrera que certains pensaient être déjà ressuscités dans cette vie. Voilà pourquoi la mort de plusieurs d'entre eux posait tant de problèmes. Bref, les Corinthiens souffraient d'un fanatisme, d'un triomphalisme immodéré et d'une eschatologie surréelle. C'est-à-dire qu'ils se trompaient de chronologie par rapport à ce que nous possédons déjà et à ce qui n'est pas encore notre possession.
Cette tendance corinthienne n'apparaît-elle pas de nouveau de nos jours? Considérez ce triomphalisme charismatique, cette eschatologie sur-réalisée qui veut que toutes les bénédictions futures soient notre partage dès maintenant: une pleine guérison à la demande, parce qu'il y a une pleine guérison dans la croix de Jésus-Christ, des communications/ révélations immédiates de Dieu - voix, signes, visions, rêves, etc. - qui nous révèlent sa volonté parfaite et instantanée par rapport à l'emploi, au mariage et à n'importe quoi, que les démons soient chassés sur-le-champ hors du territoire par des « marches pour Jésus », que tout péché soit expulsé de nos vies par une expérience de rugissement du lion de Judas, que le Seigneur revienne bientôt, parce qu'il a rendu à son Église fidèle les dons spectaculaires, signes de son retour imminent. N'est-ce pas là de la pure présomption et sous certains aspects de la pure erreur? L'esprit de Corinthe est toujours à l'oeuvre en nous trompant par rapport à ce que nous avons effectivement déjà reçu et ce qui n'est pas encore pour le temps présent.
Les marques de la Super-spiritualité
Dans «The New Spirituality» de 1972, Francis Schaeffer retrace le développement philosophique du monde depuis les années 60. La génération dite « Beat » ou « pop » se révoltait contre le matérialisme indulgent de leurs parents (qui cherchaient la tranquillité personnelle et l'abondance) pour tomber dans la contre-culture de la drogue et de la Nouvelle Gauche. Les événements de mai 68 en sont un exemple. Après la faillite évidente de cette idéologie, on a vu dans les années 70 et 80 ces rebelles d'autrefois retourner ridiculement au conservatisme et au matérialisme de leurs parents, à une Bourgeoisie qui, elle aussi, prônait la tranquillité personnelle et l'abondance. L'exemple le plus frappant étant celui de Danny le Rouge, leader des émeutes à Paris, qui est devenu avocat ! En Angleterre ce phénomène se manifestait surtout chez les Yuppies des années Thatcher. Ce qui caractérisait les années 70 et 80 sur le plan spirituel était un mysticisme transcendantal venu de l'Inde, où l'on minimisait, voire niait la raison, préférant un trip irrationnel quelconque. Le nom de Christ était tout autant valable que le nom de Krishna.
Une nouvelle spiritualité?
Depuis les années 70 on a vu surgir une nouvelle spiritualité, l'infiltration des idées profanes, mondaines, anti-chrétiennes, surtout dans le nouveau Pentecôtisme ou Charismatisme et la Troisième Vague. Quelles sont les caractéristiques générales de cette spiritualité ?
1. Un accent mis sur les signes et manifestations considérés comme la preuve d'une spiritualité authentique et le critère de la communion fraternelle. Si vous possédez ces signes, vous faites partie du groupe. Si vous ne les avez pas vous êtes exclus.
2. Tout comme les Libéraux des années 20 et 30, la nouvelle spiritualité ne semble pas mettre l'accent sur le contenu de la vérité. Au lieu d'accepter quelqu'un sur la base de sa doctrine - de ce qu'il croit - on le questionne plutôt sur ses manifestations extérieures. Ce qui frappe lorsqu'on regarde ces chrétiens, c'est que leur foi manque de contenu, tout est expérience ou émotion. Même leurs expériences manquent de contenu rationnel, communicable. Tout comme les libéraux ce sont des existentialistes, des platoniciens qui se servent d'une terminologie chrétienne tout en niant le contenu.
3. Chose étrange, c'est le légalisme qui caractérise ces milieux. Après la révolte contre un faux légalisme évangélique des années 60, nombreux sont ceux qui 20 ans plus tard ont épousé un légalisme et un système de tabous bien plus rigides. Schaeffer cite l'exemple des « Enfants de Dieu », où tout contact avec le monde extérieur est interdit, où tout est placé sous le contrôle des anciens : emploi, correspondance avec ses parents, lecture, et même le mariage !. . .
4. Le mépris de l'intellect, de l'importance de la réflexion et de l'apologétique (la défense de la foi). La fausse idée que ce n'est pas spirituel de poser des questions.
5. Un ascétisme ou, par contraste, un libertinage (plus caractéristique de notre temps) par rapport au corps. Ceci me rappelle le Gnosticisme du 2e siècle qui prenait déjà racine à Corinthe au 1er siècle. Une fois qu'on a fait une mauvaise division platonicienne entre le corps et l'âme, il en résulte soit un ascétisme qui rejette tout ce qui est du domaine des sens, soit un libertinage qui dit que puisque le corps n'est rien, tout nous est permis, même l'immoralité, parce que ce qui compte, c'est l'esprit. Paul combat ces erreurs dans 1 Cor. 6:7 et 10.
6. L'accent mis sur l'extraordinaire, le surnaturel, le spectaculaire et une eschatologie aberrante qui dit que Dieu a établi les dons spectaculaires comme signes du retour imminent de Christ. Ce qu'ils prônent, c'est l'instantané, l'immédiat, la solution facile. Vous voulez voir des manifestations de la puissance divine ? Regardez ce qui se passe dans notre culte ! Vous voulez l'assurance que vous avez l'Esprit de Dieu ? Efforcez-vous de parler en langues, de rire comme un insensé, de rugir comme un lion, de tomber à la renverse (comme chez tout autre groupe hystérique).
La réponse à la mauvaise spiritualité
Quelle devrait être notre réponse à ce nouveau Platonisme qui divise vérité et expérience, esprit et intellect, corps et âme ?
l. Il ne faut pas oublier la marque du chrétien, à savoir un amour authentique pour tous les chrétiens et une vraie sainteté. Le monde, dit Schaeffer, a le droit de juger si nous sommes de vrais chrétiens par notre amour les uns pour les autres, aussi bien que par notre souci de la pureté doctrinale.
2. Nous devons mettre l'accent sur le contenu, le contenu et encore le contenu. Un contenu basé sur la révélation donnée une fois pour toutes dans l'Ecriture. Nous devons souligner que la base de notre foi n'est ni l'émotion, ni l'expérience, mais la vérité telle que Dieu nous l'a donnée: écrite, rationnelle, propositionnelle, s'adressant tout d'abord à notre intelligence - bien que tout l'homme soit touché par elle.
3. Nous devons nous élever contre cette spiritualité aberrante lorsque nous prêchons, écrivons et parlons, tout comme nous le devons contre un faux légalisme, de faux tabous, la recherche de la tranquillité personnelle et l'abondance. Nous devons enseigner que les dons extraordinaires étaient étroitement liés à l'office des apôtres, que ces dons étaient aussi liés à la révélation, close après la formation du Canon du Nouveau Testament. Nous devons former des jeunes pour les préparer à faire face à ces mouvements et être prêts à accueillir ceux qui sont désillusionnés par rapport à cette spiritualité, qui cherchent la vérité ou qui ont été chassés de leurs églises. Nous devons prêcher un Evangile qui s'applique à tout l'homme, à son intellect aussi bien qu'à ses émotions, à toute sa vie, dans tous les domaines, et non pas un évangile tronqué qui se limite au dimanche et à l'âme.
4. Nous ne devons par réagir avec excès. Le danger serait de trop mettre l'accent sur l'intellect et de traiter le christianisme comme un système. Il s'agit en fait d'une relation, d'une marche avec le Dieu trinitaire, et nous ne devons pas minimiser l'oeuvre du Saint-Esprit. Ce serait faire le jeu du diable que de ne plus prêcher l'Esprit Saint, la gloire, le triomphe, les bénédictions célestes qui sont notre partage, le Réveil, le Ciel. Les Marxistes ont réussi à faire taire toute une génération en ridiculisant l'idée de la gloire à venir qui ne serait qu'un moyen d'asservir les masses. Il nous faut prêcher avec équilibre tout le conseil de Dieu, y compris les doctrines qui sont en train d'être tordues en hérésies. La réponse à la mauvaise spiritualité n'est pas de se taire de peur d'être identifié à tel ou tel groupe, mais d'avoir le courage de dire non : « Non, ceci est un déséquilibre, une demi-vérité qui est en train de devenir une erreur ». Que Dieu nous donne la grâce de tenir le bon équilibre et nous aide à le vivre à sa Gloire.
Mark Troughton
La Bonne Nouvelle 1/96
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